Rashidi Gbadamassi ou la logique de la terre brulée

On le pensait cabossé, anéanti, éteint. On le redécouvre grincheux, teigneux, rocailleux. Rashidi Gbadamassi, le pitbull de la Mouvance Présidentielle, renaît à la vie médiatique. Lui dont la proximité était redoutée de toute personne en quête d’honorabilité, se jette à nouveau dans les travers du jeu politique. A l’occasion d’un point de presse, l’honorable s’est attaqué à l’opposition, coupable, à ses yeux, d’un coup d’Etat politique qui viserait à dessoucher le Chef de l’Etat, à lui arracher le pouvoir. Ses arguments, l’ex-boxeur de la ville de Parakou les a puisés dans les attaques en règle adressées contre le PVI (Programme de Vérification des Importations) par le camp des adversaires supposés de son chef. Il décoche des flèches enflammées à tous ceux qui critiquent les conditions dans lesquelles le marché aurait été attribué à Bénin Contrôle, menace les opposants contre tout acte qui viserait à déstabiliser le pays, se lance dans une rhétorique filamenteuse où lui-même se perd en conjonctions de coordination, en propositions subordonnées et même en syntaxe.

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Certes, l’encéphalogramme politique, depuis les dernières élections, paraissait plat au Bénin. L’absence physique de l’ex-opposant devenu brutalement « mouvancier », était apparue comme une normalité en ce temps de « refondation ». Tous ceux qui étaient soucieux de voir souffler sur la classe politique un vent moralisateur, applaudissaient en privé la discrétion à laquelle Yayi Boni aurait appelé notre Rashidi national. On priait Dieu, on invoquait les mânes des ancêtres pour que l’homme ne revienne pas tout compromettre par ses interventions huileuses. On le surveillait comme de lait sur le feu, mais c’est sans compter qu’à la moindre chute d’attention, le lait pouvait déborder et se renverser dans le feu de la « refondation ». C’est ce qui s’est passé samedi 19 février. Sa dernière sortie a tout foiré.

Rashidi Gbadamassi, pour ceux qui ne le connaissent pas, est un homme de caractère. Du temps où il agitait le microcosme politique parakois, le bouillant honorable avait reçu les honneurs en règle du sieur d’Ibrahim Idrissou, le vénérable boulliste de la Fédération de pétanque. Celui-ci, adversaire irréductible pour la conquête de l’électorat de la ville, n’était pas allé chercher très loin ses arguments pour le secouer. Dans une prose restée célèbre, Ibrahim avait exprimé son désir de voir le bonhomme prolonger son séjour en prison – à l’époque, Gbadamassi avait été arraché à la vie civile depuis ses démêlés avec la justice pour l’affaire du juge Coovi. Selon Idrissou, la quiétude de la ville de Parakou aurait été totale depuis son entaulement : plus de braquage, plus de violence, plus de faits divers tragiques. Cela se lisait entre les lignes : l’indélicat boulliste avait osé le traiter de ce que je n’ose pas qualifier ici. Mais une autre personnalité, en l’occurrence Rosine Vieyra Soglo, elle, n’a pas porté de gant pour remettre le couvert quelques années plus tard. Elle a qualifié Gbadamassi de « coupeur de route ».

Bien sûr, tous se sont excusés après, mais on connait la maxime : il n’y a pas de fumée sans feu. D’ailleurs, l’un de ses anciens amis politiques devenu adversaire, puis aujourd’hui demi-ami, Modeste Kérékou avait déclaré, devant les caméras de Canal 3, que l’intéressé n’était pas fiable pour un sou. C’était en 2010, à l’occasion de son virage spectaculaire au camp présidentiel alors que la veille, il semblait filer le parfait amour avec l’Union Pour la République (l’UPR) d’Issa Salifou. Une « trahison » qui lui avait valu l’anathème du parti. Mais Rashidi s’en moquait comme de son premier cache-sexe. Ayant publiquement manifesté son allégeance à son nouvel acheteur, pardon, nouveau maître, il décida de combattre ses ex. On l’a vu alors à Parakou et à Mallanville procéder aux funérailles de l’UPR avec enfouissement de cercueil et requiem. La suite, on la connait : après avoir joué les rabatteurs de voix au chef de l’Etat, il a été placé sur la liste de FCBE dont il bénéficie aujourd’hui des petites ivresses parlementaires.

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Mais alors, quelle cantharide l’a piqué le samedi dernier ? Pourquoi se rue-t-il dans les brancards ? Un coup d’Etat est-il une affaire si légère pour qu’on puisse la laisser aux mains d’un député ? Et si le complot existe, pourquoi les ministères de l’Intérieur et de la Défense sont-ils restés apathiques et aphones ?

La réponse en est simple : il n’existe de complot que dans l’imagination du député. En manque de visibilité, écarté de toute cuisine politique au sein de la mouvance, il a voulu se rappeler aux bons souvenirs du Président pour espérer de sa part un œil pitoyable. Mais cette stratégie ne révèle en réalité qu’une vérité cruelle : celle d’un homme aux abois ayant perdu la notion du bon sens et de la mesure.

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