8 mars : du folklore à tout va

Les journées ONU ont ceci de particulier qu’elles se célèbrent en Afrique, particulièrement au Bénin, avec un mélange de mauvaise foi et d’indifférence. Depuis une vingtaine d’années, le 8 mars, « journée de la femme », est inscrit sur le calendrier des dates officielles, mais dans les faits, il se révèle comme une distraction folklorique. Avec une mise en scène déjà éprouvée, des acteurs aux profils établis, des décors convenus pour des résultats plus que squelettiques.

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La journée, au Bénin, commence la veille avec l’apparition, à la télé, de la ministre de tutelle. Dans un bureau impersonnel, madame campe la figure droite et autoritaire de la femme moderne et déroule son speech de circonstance. Un discours que personne ne suit, ennuyeux comme la pluie, mais étayé de statistiques de l’ONU : tant de femmes miséreuses, tant de gentillettes illettrées, tant de mignonnettes violées, tant de vieilles mères esseulées. Bien sûr, elle essaiera de mettre en évidence les actions qu’a entreprise sur place le Chef de l’Etat pour « soulager la misère » de ces femmes; elle essaiera de montrer qu’un programme de microcrédits a été ouvert à leur intention ; que, dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle, elles n’auraient aucune raison de se plaindre comme certaines de leurs homologues saoudiennes à qui on impose le Hijab strict et rigoureux, ce voile noir qui les couvre jusqu’aux ongles et leur donne l’allure de garde-manger ambulants. A la fin du discours, la ministre prendra rendez-vous avec ses « sœurs » pour la prochaine journée. Et entre cette prochaine journée et celle qui se déroule sous ses yeux, on aura passé un an où rien, absolument rien, ne se serait produit.

Mais à la suite de la ministre, ce seront les femmes dites « leaders » qu’on nous montrera à la télé. A l’occasion de débats sirupeux, on essaiera de nous faire avaler l’évidence établie depuis mille neuf cent longtemps : à savoir, la réussite sociale des femmes dans tous les domaines de l’activité humaine. De la commerçante internationale à la banquière qui dirige une centaine d’employés ; de la titulaire de chaire à la pilote de ligne. On fera comme le magazine Amina – ce journal de bonnes femmes – mais en moins glamour avec des femmes journalistes qui voudront absolument prouver qu’elles sont les égales de leurs confrères velus.

Mais ce qui est insupportable, c’est le business auquel donne droit toute cette fièvre féministe. Car, passé le clinquant des bijoux, la sensualité des jupe-pagnes et le vertige des talons d’aiguille qu’on nous montre au cours de ce folklore du 8 mai, se perçoivent des enjeux nettement moins féministes. Surtout avec les associations qui prétendent défendre la cause de nos valeureuses poulettes. Ces mouvements, qui mobilisent les femmes dans les quartiers de ville et de campagne, ont été créés pour capter les fonds des ONG internationales et chancelleries occidentales. D’ailleurs, à l’exemple des autres associations, leurs responsables ne visent qu’à améliorer leur propre ordinaire au détriment de celles vers lesquelles leurs actions sont dirigées. Per-diems mirobolants, maisons cossues, voitures rutilantes, tchigans et autres vêtements de luxe. Les popotins peuvent alors s’épanouir jusqu’à faire éclater les jupes droites ou les jupes-pagne.

Plus grave : lorsque ces ONG Internationales leur exigent des preuves de l’argent dépensé, nos braves féministes leur envoient tout simplement des images de leurs supposées actions sur le terrain. Et c’est là que l’ingénierie des TIC devient nécessaire, voire indispensable pour produire les reportages les plus poignants dans les zones déshéritées. La patronne de l’association, avec son jean serré jusqu’aux fesses, offre alors l’image d’une amazone battante, le nez dans le cambouis en train de porter assistance aux femmes misérables. Souvent, elles trouvent deux ou trois d’entre elles pour témoigner du bien fondé de ces actions. Le bailleur ainsi « floué » peut se vanter d’avoir fait œuvre utile en finançant ce programme. Il peut même se payer le luxe d’avoir bonne conscience. Tout le monde est content. Sauf, bien sûr, la pauvrette sur qui ce déluge de bonté a été déversé. Celle-ci pourra continuer de végéter dans sa pauvreté. Les caméras ne seront plus là pour capter ces mises en scènes de la misère assistée.

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Une journée de 8 mars au Bénin : circulez, il n’y a rien à voir !

Photo de Florent Couao-zotti

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