Quel Béninois voudrait être à la place d’Urbain Fadégnon? Il s’agit du directeur général de Bénin Télécoms SA, la société à qui échoit la lourde responsabilité de gérer la fourniture de l’Internet sur toute l’étendue du territoire national. Une fourniture devenue aléatoire, problématique depuis le 7 janvier dernier. Un incendie, ce jour-là, a sévèrement endommagé les équipements de la société.
Depuis, faute d’Internet, le Bénin se voit reléguer au rang d’un pays fantôme, un pays qui n’évolue plus qu’à la périphérie des grands courants et réseaux mondiaux de la communication et de l’information. C’est la preuve que l’Internet est solidement en place dans nos mœurs et dans nos habitudes. L’Internet, pour nous, est à l’image de la liberté. On ne regrette celle-ci que lorsqu’on l’a perdue.
Urbain Fadégnon, en manager avisé, soucieux des intérêts de milliers d’usagers handicapés, paralysés, frappés dans leurs intérêts, a tenu à présenter des excuses publiques aux uns et aux autres. C’est le moins qu’il puisse faire. Et dire que jusque là nous ne perdons aucune occasion pour crier notre ambition d’être «Le quartier numérique de l’Afrique». Mais avec un Bénin dans le trou noir de ses illusions numériques, c’est à se demander s’il ne s’agit pas là d’un slogan vide. En somme, un coup de pub, un coup de bluff sans plus.
Que pèsent les excuses, même polies et circonspectes, d’un directeur général quand des entreprises entières, faute d’internet, tournent au ralenti, oublient leur raison sociale ou s’arrêtent? L’administration n’est pas logée à meilleure enseigne. Pauvre système LMD (Licence, master, doctorat) auquel s’ouvre l’école béninoise. Ce système fait de nos étudiants des usagers assidus de l’ordinateur, des consommateurs insatiables de l’Internet. Ne parlons pas du contrecoup dans les opérations bancaires, les activités des cybercafés, les transactions diverses de nos opérateurs économiques ainsi coupés de leurs correspondants, clients et autres fournisseurs.
La panne, pour une longue durée, d’un outil aussi précieux que l’Internet, c’est la preuve patente d’un sous-développement évident. Il faut y lire notre misère technologique. Cela nous situe dans les bas-fonds dans l’ordre des connaissances. Nos plaintes et complaintes ne nous sortirons pas de ce trou noir. «Gémir, pleurer, prier, à en croire Vigny, est également lâche». La solution est à trouver ailleurs. Très sûrement dans les nouveaux comportements que nous devons adopter, que nous devons développer.
D’abord, il sera nécessaire d’évaluer scrupuleusement et de chiffrer précisément nos pertes, dommages et préjudices. Nous ne saurions jamais l’ampleur du mal qui nous frappe et l’incidence de ce mal sur notre développement si nous ne sortions pas du brouillard de l’émotionnel et des sentiments généraux. Nous devons accéder à la lumière et à la clarté des données chiffrées et quantifiables. C’est le choix de la science et de la rationalité contre les errances et les incantations de l’ignorance.
Ensuite, il sera nécessaire que tous nos services stratégiques, comme ceux qui sont en charge de l’Internet, se pourvoient d’un plan B. C’est l’indispensable relais intelligent pour ne pas se retrouver démuni et paralysé face à l’inattendu, face à l’imprévisible. Comparaison pour comparaison, le Plan B pour Télécoms SA serait à l’image d’un générateur électrique. Il doit automatiquement prendre le relais dès que s’interrompt l’alimentation du réseau. Les usagers pourraient ainsi parodier l’aphorisme célèbre en se disant et en se convainquant que, malgré tout, «ça tourne!». C’est le choix du mouvement, donc de la vie, contre la mort.
Enfin, il sera nécessaire que les interventions des experts étrangers que nous appelons à la rescousse pour réparer et réhabiliter nos équipements s’accompagnent, en bonne et due forme, d’un transfert contractuel de compétences et de technologies. L’image d’experts étrangers au travail, sur nos installations, pendant que nos experts bayent aux corneilles et se tournent les pouces, ça suffit ! Jusqu’à quand resterons-nous encore de simples consommateurs des élaborations des autres? L’esprit est la chose du monde la mieux partagée.