Cela n’arrive pas qu’aux autres

Brazzaville. Un dimanche matin comme un autre. Nous sommes le 4 mars 2012. Les habitants de cette capitale luxuriante, qui s’étire paresseusement le long du fleuve Congo, ont des raisons de se payer une grasse matinée méritée. Chacun n’arrose-t-il pas son samedi soir du mieux qu’il peut ? Même si certains lève-tôt se sont fait une religion : commencer le jour du Seigneur par une messe. « Les desseins de la Providence, à en croire Camus, son impénétrables ».

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Voilà comment, en une fraction de seconde, le Congo a brutalement basculé du statut d’un pays sans histoire à celui d’un pays que le monde entier découvre, anéanti et prostré, sous le masque mortuaire d’un grand drame. Un drame qui marquera à jamais la mémoire de ses fils et de ses filles. Une tragique parenthèse de sang se referme. Mais le devoir de mémoire maintiendra vivace le souvenir de ce sombre dimanche matin.

Laissons le Congo à son deuil. Avec le souhait que les morts dorment en paix. Avec l’espoir que les blessés recouvrent la santé. Avec la conviction que le peuple congolais saura émerger du cauchemar dans lequel l’a plongé ce drame. Avec la certitude que les survivants sauront panser leurs plaies et se libérer des restes d’un terrible choc traumatique.

Retour chez nous. Retour au Bénin. Pour dire haut et fort que cela n’arrive pas qu’aux autres. Pour partager notre intime conviction selon laquelle le malheur des uns est à la fois signe et signal adressés aux autres. Nous devons appendre à décrypter l’alphabet des malheurs qui frappent et accablent les autres. C’est une invite à nous prémunir contre d’autres malheurs qui pourraient nous frapper et nous accabler.

A Brazzaville, ce sont des dépôts d’armes et de munitions, imprudemment installés au cœur de la ville, qui sont à l’origine du drame. Et des voix, plutôt naïves, s’élèvent déjà pour dire que notre pays, éternellement béni de Dieu, est à l’abri d’un pareil drame. Un proverbe chinois dit : « Quand un doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt » (Fin de citation).

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Le drame qui endeuille le Congo ne se reproduira point à l’identique ailleurs. Point n’est donc besoin que soient d’abord réunis en un cocktail explosif les mêmes ingrédients mortifères, dans les mêmes conditions, avant que l’on enregistre les mêmes résultats épouvantables. Partout où négligence s’additionne au laisser-aller, partout où laxisme fait bon ménage avec inconscience, partout où légèreté rime avec irresponsabilité, il faut s’attendre, comme à Brazzaville, à voir se reproduire le même scénario tragique.

Ne parlons pas de malheur. Un seul exemple dans Cotonou pour nous situer sur le danger qui nous guette. Regardez en direction du quartier Akpakpa-Dodomê. Arrêtez-vous au dépôt de carburants et autres produits inflammables de la SONACOP. Le monstre est là, tapi au cœur d’un ensemble de quartiers fort peuplés. Le monstre dort et se réveille dans l’indifférence de ceux lui ont faite élire domicile là, dans l’insouciance de ceux qui le côtoient chaque jour, mais qui, la force de l’habitude aidant, ne le voient plus.

Ce dépôt d’essence, dans une zone qui s’est rapidement peuplée et qui continue de se faire remarquer par une concentration humaine exceptionnelle, est un danger franc, direct pour nos vies et pour nos biens. C’est une menace qui plane, jour et nuit, sur notre présent, sur notre avenir. Et c’est parce que cela n’arrive pas qu’aux autres que nous n’avons plus le temps, que nous n’avons pas le droit de poursuivre l’idiote farce du fameux trio de singes de la légende : prétendre ne rien voir, faire semblant de ne rien entendre, se complaire à ne rien dire.

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