Des fruits qui demeurent

Déjà Jour J + plus de quatre mois Il s’agit du jour J de la visite du Pape Benoît XVI an Bénin. Ce jour était le point de convergence, le terminus ad quem de tant et tant de mobilisations, de voyages, de concertations, de dépenses, et le point de déploiement, le terminus a quo de tant et tant de grâces, de leçons, de fruits. Si la page est déjà tournée, fut bien vite tournée par les médias, ce qui est tout à fait normal (ils en reparleront peut-être à l’an 1 de cette visite), il s’agit pour l’Afrique et le Bénin en l’occurrence d’en écrire de nouvelles pages de leur histoire. Je me garde d’abord de parler de l’Eglise en Afrique et au Bénin. Car le Saint Père est venu en terre africaine du Bénin pour toute l’Afrique, pour tous les Africains noirs ou blancs, de toutes religions, de toutes conditions sociales.

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La responsabilité de l’Eglise en Afrique

Mais il demeure que c’était surtout pour confirmer l’Eglise en Afrique dans la foi, l’espérance et sa mission d’évangélisation dont les fruits, en contexte de nouvelle évangélisation, seront la réconciliation, la justice et la paix dans la fidélité au thème de la deuxième assemblée spéciale du synode des évêques sur l’Afrique tenue à Rome en octobre 2009. Remettre à l’Eglise en Afrique, les actes de ce synode, l’exhortation  apostolique post-synodale «  Africae munus » était du reste la raison principale du voyage du Pape Benoît XVI au Bénin en novembre 2011.

Des grâces, leçons et fruits d’une visite exceptionnelle

Plus de trois mois après ce voyage, notre esprit et notre cœur restent profondément marqués par cette merveille de la visite du Saint Père dont le Seigneur a généreusement gratifié notre pays. Les grâces en sont inouïes, les leçons à en tirer sont multiples. Je souhaite qu’elles soient des fruits qui demeurent.
D’abord ce troisième voyage d’un Pape au Bénin fut annoncé une bonne année à l’avance même si ce n’est point de la tradition du Vatican d’improviser quoi que ce soit. La planification, la préparation lointaine et immédiate, minutieuse et rigoureuse étaient de mise. Je pense ici à l’un des archevêques de Cotonou qui dénonçait et se plaignait souvent de notre habitude, vais-je dire africaine ou béninoise, d’improviser. Même si l’on ne peut exercer une maîtrise absolue sur les êtres humains, les choses et le temps, ne risquons pas de n’exercer aucune maîtrise par notre manque d’intelligence et surtout de volonté à planifier, à organiser, à exécuter avec
avec rigueur, fermeté et discipline ce que nous avons à faire.
La rigueur et la discipline dans la gestion du programme du séjour du Saint Père au Bénin furent remarquées et admirées par plus d’un. Avant son arrivée, beaucoup de personnes ont trouvé que ce programme manquait de réalisme, ne pouvait être exécuté avec ponctualité. Au terme du voyage nous en sommes encore à admirer la ponctualité sans faille dans la réalisation de tout le programme. Et cela, me semble-t-il, grâce à l’humilité et à la soumission du Pape lui-même à ce qui est établi d’une part ; à la rigueur et la délicatesse de son protocole pour ainsi parler d’autre part. Car nous avons pu remarquer que le Pape voudrait bien s’attarder parfois dans les bains de foules, à serrer la main aux gens. Mais sur un geste du protocole, il continue sa marche ou monte dans sa papamobile. Oui la ponctualité, la bonne gestion du temps et j’ajouterais des lieux et des personnes voilà une autre leçon, un fruit du voyage du pape qui pourrait demeurer contre « l’heure dite béninoise » de nos réunions, de nos célébrations, contre notre culture du retard : nous prenons comme du plaisir à cultiver le retard. Alors que « la ponctualité est la politesse des rois », des rois d’outre-mer seulement peut-être. La mémoire du Cardinal Bernardin Gantin fut plusieurs fois évoquée à l’occasion de la visite du Pape. Notre patriarche très aimé, fierté incontestée de l’Afrique, pasteur très admiré de l’Eglise, ne s’est-t-il pas toujours distingué aussi par sa ponctualité même au Bénin plus tôt que de se singulariser par le retard, et cela jusqu’à sa dernière Messe à la basilique de Ouidah en avril 2008 alors  qu’il ployait sous le poids du grand âge.  Quel exemple pour nos autorités politiques, religieuses, ecclésiastiques ! Quelle responsabilité pour leurs plus proches collaborateurs !
Revenons à la gestion des lieux, des personnes et des intervenants lors du séjour du pape chez nous. Nous avons bien retenu que n’importe qui ne prenait pas la parole n’importe  où et ne faisait pas mention de qui il voulait. A la basilique de Ouidah, il était revenu au Secrétaire général du synode des évêques, Mgr Nikola Eterovic, de s’adresser au Saint Père. Autre détail si l’on veut l’appeler ainsi, la sobriété des mentions des personnalités au début des discours du Saint Père. Ainsi au début de son homélie au stade de l’Amitié nous avons juste : « Chers frères dans l’épiscopat et le sacerdoce, Chers frères et sœurs »

Le sens des mystères de la sainte messe

Puisque sous sommes à la Messe de clôture, restons donc au stade de  l’Amitié de Cotonou, qui s’est transformé en basilique à ciel ouvert sans climatisation ni chauffage, le Maître de la nature s’étant chargé de réguler la température. Le Souverain Pontife et son équipe de liturgie n’ignorent pas la vivacité des liturgies en Afrique, et peut-être même que « la danse est nègre … », les applaudissements chaleureux. Et pourtant quelle qualité de silence, de recueillement, de ferveur non tapageuse attendue, exigée et aisément obtenue. Car des dispositions étaient prises, des consignes étaient écrites dans  le numéro spécial de « Prions en Eglise » et proclamées  en son temps à l’attention des dizaines de milliers de participants à cette Eucharistie. Ainsi nous avons dans « Prions en Eglise » pour la monition1 (introduction au silence du début de la sainte messe) « Nous sommes donc invités à vivre ces mystères de grâce dans un grand recueillement et dans une participation active, en évitant tout ce qui peut nous distraire des mystères célébrés. Ainsi, nous demandons à tous de ne pas agiter des pancartes ou des banderoles, et de ne pas applaudir au cours de la sainte messe » ; et à la monition 2 : « Recueillons-nous maintenant  pendant quelques instants pour méditer en profondeur la Parole de Dieu que nous venons d’écouter et pour accueillir avec docilité le magistère offert par le Saint-Père » Il y a eu, nous  nous en souvenons aussi, une monition 3 (introduction au silence d’après la communion). Signalons en outre que beaucoup de fidèles étaient surpris que la messe du Souverain Pontife ait duré à peine deux heures.
Nous avons sans aucun doute de gros efforts à faire pour  sauvegarder et promouvoir le caractère sacré de nos Messes que guette la « popularisation », la superficialité tapageuse et flatteuse (Messes de funérailles « corps présent » et d’enlèvement de deuil à la fois, Messes d’action de grâce et de remerciement à portée politique, Messes aux multiples quêtes et zindos etc.
Je conclue en renvoyant simplement à « La croix du Bénin » n°1123 du 2 décembre 2011. On peut y lire ou relire en particulier l’article « Les leçons d’une visite et d’un accueil » du Père Alphonse Quenum. Il battait le fer pendant qu’il était chaud. Il y a aussi dans ce même numéro « Les souvenirs d’une visite » du journaliste Guy Dossou-Yovo.

Père  André Kpadonou
Curé de Naogon

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