A propos du port obligatoire du casque dans l’Atlantique-Littoral: les insuffisances dénoncées de la décision du préfet

L’arrêté préfectoral n°2/0312/DEP-ATL-LIT/SG/SPAT relatif au port obligatoire de casque en circulation tel que formulé suscite des interrogations et fait sortir du bois des entités qui y ont intérêt, pour le bien de la communauté. Dans une lettre ouverte adressée au préfet du département de l’Atlantique et du Littoral, Patrick Lecompte, président de l’Automobile Club du Bénin (Acb) a, pour sa part, relevé quelques insuffisances contenues dans le texte règlementaire tout en faisant remarquer à l’autorité préfectorale les dispositions sécuritaires bien plus utiles à prendre préalablement à l’intervention de la disposition règlementaire sur la question. Comme pour se résumer, il indique que la sécurité routière est un sujet trop sérieux pour être abordé de manière si parcellaire et sans cohérence, comme pour se prêter aux caprices des lobbies. Lire ci-dessous, l’intégralité du message.

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Lettre ouverte à Monsieur le Préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral

Objet : Préoccupations citoyennes à propos de l’Arrêté préfectoral relatif au port du casque aux normes internationales.

Monsieur le Préfet,

Prenant comme référence l’Arrête préfectoral n°2/0312/DEP-ATL-LIT/SG/SPAT que vous avez pris pour remettre en vigueur une prescription obligatoire du Code de la Route, celle qui oblige tous conducteurs et passagers de véhicules motorisés à deux et trois roues de porter un casque homologué en circulation, j’ai l’honneur de vous exposer mes plus vives préoccupations citoyennes.

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Il me semble qu’il s’agit d’une mesure prise dans l’urgence, peut être sous la pression de certains lobbyistes, qui ne répond ni à ce que nous sommes en droit d’attendre d’un Etat responsable, ni à réel concept de sécurité routière auquel je suis évidemment très attaché.

Deux éléments importants interpellent dans l’Arrêté. Le premier c’est évidemment cette fameuse norme internationale. Le second est le dernier «Considérant» qui fait état d’une réunion avec certains vendeurs de motos! (Que diable, pourquoi certains?)

L’Etat est une continuité et, en conséquence, il se doit d’assurer la mise en œuvre de l’ensemble des lois de la république. Je suis assez surpris que, dans votre souci de faire appliquer la loi, vous ne preniez pas en compte, pour application également, des règles édictées par le code de la route, bien AVANT celle relative au port du casque.

 

Monsieur le Préfet,

Vous n’ignorez pas que le code de la route prévoit, AVANT toute mise en circulation, qu’un véhicule motorisé, fut-il à deux roues, doit être préalablement réceptionné et homologué par le service des Mines par l’importateur ou, à défaut, l’engin doit être réceptionné à titre isolé. Cela a un coût. Malheureusement,  pour cause de laxisme ambiant et généralisé, nous avons ici des recettes financières qui échappent au budget national!

 

Monsieur le Préfet,

Vous n’ignorez pas non plus que le code de la route prévoit AVANT toute mise en circulation, que tout véhicule motorisé de plus de 49,9 cm3 circulant sur la voie publique doit être muni d’un certificat d’immatriculation. Qu’il est du ressort des importateurs de motos de procéder à cette formalité administrative première et qu’il est très difficile d’obtenir auprès d’eux, le BE des Douanes indispensable à cet effet. Circuler sans l’immatriculation constitue une infraction à la législation routière. La Direction des Transports Terrestres étant apparemment défaillante, voilà encore des recettes financières qui échappent au budget national!

Le Bénin offre le triste spectacle d’une grève des enseignants du primaire et secondaire. L’Etat argue ne pouvoir répondre favorablement à leurs revendications, faute de moyens financiers ? C’est sans doute vrai mais vous le constatez, dans le même temps, l’Etat ne fait rien pour recouvrer des recettes qui lui reviennent de droit.

                   

Monsieur le Préfet,

Vous êtes très certainement titulaire d’un permis de conduire. Vous n’ignorez pas alors, que tout conducteur d’une motocyclette de plus de 75 cm3 doit posséder le permis de conduire, catégorie A2. Dans le cas contraire, le conducteur est en infraction aux règles du code de la route. Pourtant au regard des dangers encourus et des manquements constatés, une connaissance minimum du code de la route et une petite formation à la conduite d’une motocyclette réduiraient évidemment, bien plus que le casque lui-même, le nombre et la gravité des accidents en deux roues.

 

Monsieur le Préfet,

Vous n’ignorez pas non plus que tout véhicule motorisé, eut-il deux roues seulement, doit être assuré pour circuler sur la voie publique. Le Bénin est signataire du Traité CIMA et, en matière de circulation routière dans les départements de l’Atlantique et du Littoral, vous êtes le garant de la signature de l’Etat.

Ainsi, Monsieur le Préfet, comme vous le constatez, il y a beaucoup à faire et surtout beaucoup mieux pour, comme nous le souhaitons vous et moi, protéger convenablement les usagers de la route circulant avec des deux roues, à titre professionnel comme à titre privé.

Pourquoi prendre en compte uniquement une disposition qui date de 1972 alors que vous devez faire appliquer des dispositions réglementaires antérieures?

 

Monsieur le Préfet,

J’en viens maintenant à l’homologation.

En effet, l’Arrêté parle de casque de protection répondant aux normes internationales en la matière. Il me semble qu’il aurait été pertinent d’exposer publiquement cette (ou ces) norme(s). En la matière, de nombreux pays développés ont chacun leurs normes. Nous  avons ainsi plusieurs normes internationales.

Aux États-Unis, il s’agit de la norme DOT FMVSS 218 (pour Department of Transportation Federal Motor Vehicle Safety Standard 218), seule norme officielle, à laquelle peuvent se rajouter soit la norme Snell M2005 ou M2010 (plus récente), qui surpassent les exigences de la norme du Department of Transportation (DOT). Le Canada accepte également la norme CAN3-D230 de l’Association canadienne de normalisation. En France, il y a la norme NF S 72.305. Le Japon a la norme JIS T 8133, l’Australie a la norme SAIG. La Suède, la Norvège ont leurs propres normes.

Toutefois, la plupart de ces pays, en particulier les pays de l’Europe de l’ouest, les États-Unis et le Canada, retiennent maintenant et appliquent le règlement normatif E22, qui est aujourd’hui le plus récent et le plus abouti. Ce dernier n’est pas, contrairement à une idée reçue, un règlement de l’Union Européenne, mais un règlement de l’ONU de Genève, massivement adopté par tous les pays Européens mais aussi de nombreux pays d’autres continents.

Les casques homologués sont alors identifiés par une étiquette blanche portant :

• un cercle contenant la lettre E suivie du code pays ayant accordé l’homologation (1 = Allemagne, 2 = France, 3 = Italie, 4 = Pays-Bas, etc.)

• un numéro d’homologation dont le début rappelle la norme en vigueur (04 pour 22-04 ou 05 pour 22-05)

• depuis l’apparition de l’amendement 05 de la norme 22, l’adjonction d’une lettre permet de connaître le résultat d’un test de protection de la mâchoire auquel le casque a été soumis :

 J pas de protection maxillaire (casques de type jet ou demi jet)

 NP indique que le casque ne répond pas aux tests de protection de la mâchoire (casques modulables)

 P garantit une protection maxillaire intégrale (casques intégraux)

 J/P indique la double homologation jet et intégral

• un numéro de série de production

homologué par un laboratoire espagnol et qu’il répond à la norme 22.05 et les lettres NP rappellent que la mentonnière n’a pas répondu au test d’impact sur le menton et donc que la protection maxillaire n’est pas intégrale. De la même manière, si vous avez un grave accident avec un casque non homologué votre assureur pourra réduire considérablement l’indemnisation de vos blessures.

Concernant les casques, généralement chinois, disponibles sur le marché béninois, les fabricants ont un certificat d’homologation établi en Espagne (E9) (copie à votre disposition). Néanmoins, les casques en vente aux bords de nos voies et en boutiques ne disposent d’aucune étiquette d’homologation, ni même de numéro d’homologation, ni de numéro de série de production. La raison est simple. Les fabricants présentent une petite série à l’homologation espagnole –qu’ils obtiennent- mais fabriquent ensuite des casques ressemblant extérieurement à celui homologué mais qui, en réalité, ne correspondent pas à la norme. Ils sont alors destinés aux marchés africains où les autorités sont peu regardantes. L’absence de tout étiquetage implique clairement que nous avons à faire à des casques non homologués! 

D’autre part, souhaitant acheter un casque par respect pour votre Arrêté, je n’ai trouvé que des casques en matière plastique à l’aspect peu sécurisant. Il s’agit de casques dont le procédé de fabrication est la thermoplastie et le garnissage intérieur est dérisoire.

Les coques externes des casques sont obtenues par injection de polycarbonate dans un moule et sont ensuite vernies. De réels progrès ont été obtenus et permettent d’obtenir des casques assez résistants. Cependant ce ne sont pas les plus recommandés pour une sécurité optimum mais c’est dans cette catégorie que l’on trouve les prix les plus compétitifs.

La coiffe interne, composée de matériaux expansés (polystyrène, polypropylène ou autre) absorbe l’énergie de l’impact par écrasement. Or, vous pourrez aisément le constater vous-même, au touché, ce rembourrage est inexistant sur le crâne où la coque est juste habillée d’un simple tissu !!

Devant ce constat, je crains fortement que ces casques ne constituent pas une réelle protection pour l’utilisateur.

Enfin Monsieur le Préfet,

Vous annoncez que «Les infractions à ces dispositions entraineront le paiement d’une amende par le conducteur ou le passager». Cela nous semble incontournable. Cependant, il m’apparait que, là encore, il aurait été pertinent d’exposer publiquement le tarif des amendes et de dire où elles seront régler.

En effet, le rôle de la Police (ou de la Gendarmerie) est de dresser Procès Verbal de l’infraction, surement pas de percevoir dans le même temps le montant de l’amende, le risque d’arbitraire étant alors possible, voire trop grand. De plus, tout citoyen à la faculté constitutionnelle de contester devant les tribunaux, l’amende infligée ou d’exercer un simple recours. Il appartient alors aux tribunaux de trancher. Nous sommes dans un Etat de droit.

Comme l’Arrêté que vous avez pris est une mesure salutaire, il vous appartient, maintenant que la décision est prise, de vous assurer que les importateurs et vendeurs de rue mettent sur le marché des casques homologués et étiquetés, que les vendeurs de deux roues procèdent aux formalités d’immatriculation, que les usagers portent effectivement des casques homologués et qu’en cas d’infraction les amendes seront bien payées au Trésor Public, l’autorité verbalisatrice ne pouvant être juge et partie.

Pour résumer, la sécurité routière est un sujet trop sérieux pour qu’on l’aborde de manière parcellaire et sans cohérence, comme pour plaire à des lobbies. En deux roues, la sécurité routière c’est avant tout un triptyque obligatoire : immatriculation, permis A2, assurance RC auquel s’ajoute ensuite, le port du casque. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Il conviendrait alors de suspendre l’action prévue pour mettre en œuvre une véritable politique sécuritaire efficiente à l’endroit des conducteurs et passagers des deux roues. Naturellement, l’Automobile Club du Bénin soutien vos efforts en matière de sécurité routière et reste à votre entière disposition pour vous apporter son appui.

En vous remerciant de votre attention et des dispositions que vous voudrez bien prendre, à la fois pour rendre les routes des départements de l’Atlantique et du Littoral toujours plus sûres et pour sécuriser les utilisateurs de deux roues, je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes très respectueuses et patriotiques salutations.q

Patrick LECOMPTE
Président ACB
Tel 95.31.04.68
africopter@yahoo.com

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