La foire à la révision de la constitution

Bâclée, elle l’était. La liste électorale permanente informatisée (LEPI) qui a servi à organiser deux consultations politiques majeures, était d’une élaboration approximative, contestable et problématique. Le Chef de l’Etat a dû le reconnaître. Il a, en effet, demandé  pardon à la nation pour de graves dysfonctionnements qui ont tourné  notre LEPI en un piètre gadget. Entre l’outil de performance dont nous avons rêvé et  l’espèce de machine à broyer le suffrage des électeurs qu’on nous a fourgué, la LEPI mériterait que nous portions longtemps le deuil.  

Publicité

La Constitution du Bénin n’est-elle pas en passe de connaître le même sort ? On veut la réviser. Mais on ne semble pas prendre la voie claire et propre d’une transparence à toute épreuve. On affiche l’intention de la débarrasser de nombre de pesanteurs et de lourdeurs. Mais  on marche allègrement sur un certain nombre de préalables, comme si le passage en force est préférable au débat  et à la participation responsable. Qui veut tenir nos compatriotes pour des oies que l’on gave, des majeurs incapables que l’on infantilise?

La Constitution d’un pays, expression de la loi suprême, ne peut être l’affaire d’une coterie de spécialistes, la chasse gardée d’une escouade de politiciens. Bien que nous sachions que le droit est un domaine spécialisé et de spécialité. Bien que la marque du politique soit déterminante dans la validation d’un projet de loi.
Mais le spécialiste n’est pas un être solitaire, tel Crusoé, isolé sur l’île étroite de sa spécialité. Sa carte d’électeur ne lui donne pas plus de voix qu’au citoyen lambda. Le politique a beau briller de mille feux, tirer la couverture publique à lui tout seul. Il n’est d’aucune légitimité sans les suffrages de ses compatriotes. La démocratie qui, dit-on, est la moins mauvaise des systèmes politiques fait de l’égalité des droits un principe fondamental. Ainsi sommes-nous placés, citoyens d’un même pays, sur un pied d’égalité. Indépendamment de nos statuts sociaux. Abstraction faite de nos âges.

Comme référentiel juridique d’une communauté humaine, la Constitution doit faire l’objet d’une appropriation large et bénéficier d’une adhésion  non moins large. La loi qui est censée s’appliquer mêmement à tous est comme un toit commun sous lequel trouvent à s’abriter toutes nos différences. S’il en est ainsi, voici quelques uns des écueils à éviter sur le chemin de toute relecture, de toute révision de notre Constitution. 

Publicité

La Constitution ne saurait être une affaire de couvent qui grouille de mystères et de secrets, dans le clair-obscur des rites et des rituels connus des seuls initiés. Il convient de rejeter une telle conception rétrograde de la Constitution. C’est au grand jour qu’il convient de l’exposer pour qu’elle soit ouverte à tous et que toutes ses dispositions s’appliquent à tous. Sinon, on entre dans l’irrationnel, on prend pied dans la magie, on s’égare dans les dédales ténébreux de la mystification.
La Constitution ne saurait être réduite à un débat d’experts ou à un débat entre experts. Ce qui exclurait tous les autres citoyens laissés en rade sur les quais de leur ignorance supposée. Il ne resterait plus à nos  chers experts, armés de leurs vérités, telles des paroles d’évangile, à nous désigner au triste destin de perroquets récitants.
En fait, il se prouve chaque jour, autour d’une probable révision de notre Constitution, que l’opacité, les combines politiciennes que nous entretenons, constituent, déjà, le terreau sur lequel pousseront et prospèreront,  sous peu, les ambitions de trois types de personnages.  

Il y a les docteurs de la loi, experts omniscients, accoucheurs  de constitutions. Ils n’ont pas cessé depuis de jouer en coulisses leur partition. Il y a les politiciens spécialistes  en validation de constitutions, autant que possible, comme mode opératoire privilégié, l’acclamation à tout rompre et l’absence de tout débat. Il y a, enfin, les consommateurs de constitutions. Ce sont de simples tubes digestifs préposés au transit sans frais de tout et de rien. Mais vers quelle destination ? On n’exige pas de celui qui ne sait pas qui il est, de savoir où il conduit les autres. A l’impossible nul n’est tenu.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité