Depuis son avènement à la tête de l’Etat du Bénin, le 06 Avril 2006, il y a eu rarement de débats au sujet des émoluments du Chef de l’Etat, comme c’est le cas aujourd’hui. On se souvient qu’au cours d’une émission sur la chaine de télévision publique (l’ORTB), en 2007, le premier ministre actuel, Pascal Koupaki, alors ministre des Finances avait déclaré que le président de la République n’avait pas de salaire. Dans la foulée, l’information relative à l’augmentation substantielle des traitements des ministres avait été justifiée par le même ministre des Finances comme l’exigence d’une gouvernance exemplaire, qui devait conjurer les tentations de corruption, le salaire devant suffire à chaque ministre pour bien se sentir dans ses fonctions.
Depuis lors, quelques interrogations sporadiques sur le traitement des dirigeants y compris du chef de l’Etat ont surgi en 2008, quand une certaine presse avait étalé dans ses colonnes, des sommes importantes que gagneraient des conseillers, chargés de mission et autres collaborateurs à la présidence de la République. Aucun démenti n’a jamais été apporté à ces allégations que le silence du pouvoir tendait à accréditer. A la faveur de l’actuelle crise ouverte par la grève des enseignants du primaire et du secondaire, le débat sur les émoluments du chef de l’Etat refait surface. Et pour cause. Nul ne peut s’empêcher de se poser des questions sur la déliquescence des finances publiques, érodées par la gestion catastrophique d’un gouvernement dont le chef déborde de générosité. Au même moment, les arguments qui sont servis aux enseignants grévistes, même s’ils sont quelque part fondés, posent d’énormes problèmes à l’Etat, dans leur forme. En parlant de l’impossibilité d’accéder aux revendications des enseignants avec des arguments aussi plats s’agissant des finances publiques comme ils le font actuellement, le chef de l’Etat, son premier ministre, le ministre des Finances et les autres membres du gouvernement qui embouchent la même trompette font honte à ce pays, à notre Etat et à son peuple et ouvrent ainsi le débat sur la capacité de ces hommes à gouverner le pays et à le conduire vers des lendemains meilleurs pour tous. N’oublions surtout pas que les deux premiers nous viennent de la BCEAO, l’un précédée de la réputation de “Banquier de développement” (BOAD), dont le professeur Albert Tévoédjrè, dénicheur des “oiseaux rares” pour la République avait vanté les mérites pour développer le Bénin et l’autre macro économiste et banquier de la BCEAO.
A priori, ce sont des personnalités parfaitement au fait des critères de convergence communautaires (UEMOA, BCEAO) et internationales (Banque mondiale et Fonds monétaire international), en matière de gestion des finances publiques. Comment donc expliquer qu’aujourd’hui, ils soient à la tête de l’Etat béninois avec une aussi piteuse performance? Que s’est-il passé? Quid des principes de bonne gouvernance agités à cor et à cri, au début du quinquennat 2006-2011? Ou sont passés les beaux principes agités par l’argentier national d’alors?
Le devoir de communiquer sur le sujet
Pour répondre aux prétendus rumeurs ou intoxications sur le traitement du chef de l’Etat, il a fallu l’interpellation d’un syndicaliste, il y a quelques jours, sur un plateau de télévision pour que le ministre de l’Economie et des Finances aille faire des recherches (selon ses dires) pour avoir des informations sur la situation qui prévaut dans ce dossier. S’il est vrai que dans tout pays sérieux, le traitement du premier magistrat répond à des spécificités qu’impliquent le niveau élevé et les exigences de sa fonction, il n’en demeure pas moins qu’un mécanisme est toujours mis en place qui renseigne sur le niveau du salaire, les différentes composantes et, comme c’est d’ailleurs le cas pour les anciens présidents, les ministres, les députés et autres présidents d’institutions conformément aux recommandations de la Conférence nationale, sur les salaires politiques.
De ce point de vue, ce que le ministre de l’Economie et des Finances est venu dire en présence du chef de l’Etat, des présidents d’Institutions, des enseignants, parents d’élèves et élèves est exactement le contre exemple. C’est surtout ce qu’il ne faut pas faire dans un pays qui a choisi de fonctionner selon le modèle républicain avec des règles établies pour la bonne gestion des hommes et des biens. En voulant démontrer que le chef de l’Etat est un patriote qui se sacrifie pour son pays, le ministre des Finances a ainsi révélé que le Bénin demeure un vaste champ de mal gouvernance et que ceux qui clament la transparence, l’obligation de rendre compte soit, ne comprennent absolument rien des concepts qu’ils manipulent, soit les comprennent et se trompent d’abord eux-mêmes et ensuite le peuple qui leur a fait confiance, à l’aide de discours totalement en déphasage avec les actes qu’ils posent. Les interventions du responsable syndical, Gaston Azoua, confirmées par celles du professeur Albert Tévoédjrè, accréditent parfaitement cette thèse. Si le chef de l’Etat décide de renoncer à ses traitements salariaux, ne devait-il pas le dire officiellement au moment où il signait la fameuse charte de bonne conduite et de gouvernance, au début de son premier mandat? Et si tel était le cas, ne fallait-il pas qu’il dise à quoi cette masse d’argent sera destinée? Dans un pays où des populations rurales manquent d’eau potable, où des enfants manquent de fournitures scolaires ou de cantines scolaires et d’autres moyens de survie pour affronter les difficultés quotidiennes de la vie, pourquoi ne pas se servir de ces sommes d’argent pour leur venir en aide, si tant est qu’on aime ce peuple pour qui, dit-on, on est prêt à verser son sang? On me rétorquera que l’ancien président de l’Assemblée nationale, Adrien Houngbédji et d’autres encore (même s’ils sont rares) ont fait la même chose dans l’exercice de leurs fonctions. Mais il faut répondre à ceux qui seront tentés par une telle comparaison, que Me Adrien Houngbédji et les autres n’ont jamais dirigé le pouvoir exécutif et donc n’ont pas eu la responsabilité de gérer les finances publiques. Conformément à notre Constitution, seul le président de la République commande l’administration publique, les ressources financières, y comprises.
Cette affaire ne ressemble-t-elle pas, comme deux gouttes d’eau, à ses fameuses déclarations de se retirer du pouvoir après les deux mandats constitutionnels? Jusqu’à présent, seuls ceux qui sont autour de lui y croient et “exigent” des autres d’y croire. Non, le président de la République doit avoir un salaire comme tous les dirigeants des pays respectables en ont et il doit être rendu public et connu de tout le peuple. Le peuple français et le peuple américain connaissent les salaires de leur président respectif. Le régime actuel du Bénin a habitué les Béninois à une nébuleuse sur tout ce qui est dépenses publiques et dépenses de prestige et ceci explique pourquoi les positions des travailleurs se radicalisent face au discours des dirigeants tendant à faire croire que l’Etat n’a pas les moyens de satisfaire leurs revendications.
Définir une politique salariale sans populisme triomphant
Et puis, parlant de revendications, on entend dire que le président de la République, Boni Yayi, a beaucoup donné aux enseignants. Mon Dieu! Voilà, une autre énormité du système de gouvernance au Bénin. En termes de salaires et de primes, que fait le chef de l’Etat pour les travailleurs? Rien! L’argent ne lui appartient pas. Encore une fois, dans tout pays organisé où l’on respecte les principes de base de la gouvernance politique et économique, c’est une politique salariale qui existe (les autres diront gouvernance salariale) et qui est révisée périodiquement, à la lumière des mutations économiques induites par la production nationale. Il n’appartient pas au président de la République d’intervenir si fréquemment dans des questions de salaire et de primes. L’Etat doit avoir une politique en la matière qui est mise en œuvre, indépendamment du président de la République. La situation actuelle est anormale et démontre un style de gouvernance axé sur la crise où le président de la République intervient pour jouer les Pères Noel.
Le président Boni Yayi paie aujourd’hui et paiera pour le reste de son mandat, le prix de sa mauvaise compréhension du rôle d’un chef d’Etat. Cela s’est dessiné dès sa prise de fonction. Et un des dignitaires-parrains d’alors qui lui aurait adressé une lettre pour lui dire qu’un président doit rester dans son rôle et prendre du repos pour bien se concentrer sur les priorités du pays aurait essuyé ses rebuffades. Ce dernier est de moins en moins visible dans la sphère du pouvoir…
Ce qu’il faut dire et répéter à ceux qui nous gouvernent est qu’il n’est pas décent d’entendre le ministre de l’Economie et des Finances d’un pays dire que le président de la République ne perçoit pas de salaires. Et, comble de ridicule, les services de la télévision nationale ont tôt fait de faire défiler ces informations à l’écran sur une bande défilante. C’est simplement triste! Le Bénin a du pain sur la planche en matière de bonne gouvernance dont les principes de base restent à maitriser par ses gouvernants.
Je regardais le premier ministre et le ministre des finances avec ahurissement quand ils parlaient qui, de ce que ”le Bénin aurait mangé son blé en herbe” et qui, de ce que le premier magistrat de notre pays ne touche ni salaire, ni indemnité. En outre, il ne serait pas logé aux frais de l’Etat et ne recevrait que le même montant des frais de souveraineté versé au général Mathieu Kérékou, du temps où ce dernier était aux affaires.
Le ministre de l’Economie et des Finances, dans son élan de justifier les actes de son patron l’a livré au scanner du peuple. Comment expliquer qu’il y a pour ce petit pays, 21 structures rattachées qui émargent au budget de la présidence de la République? Dans cette panoplie de structures, il y à boire et à manger. On se rend compte de ce qui arrive aux finances publiques au Bénin. La pléthore de structures dont la plupart n’apportent visiblement rien au peuple et au pays a été créée par la seule volonté du même président dont la propension au populisme est désormais établie, puisque le constituant béninois n’a pas prévu ces strapontins. Avec cette flopée de structures et le style de gestion des finances publiques qu’on connait au président de la République, le Bénin n’est pas à l’abri de surprises au plan de sa croissance économique, surtout avec les nombreuses personnalités qui se sont délibérément abonnées au budget de l’Etat, au soir de leur vie…
Continuons donc de manger notre blé en herbe et adieu les investissements producteurs de richesse!
Coffi Adandozan,
Lille France
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