Le gouvernement traine une sorte de malédiction de l’affaire «Dangnivo». Après avoir géré une lancinante grève de plus de huit mois, au ministère de l’économie et des finances, pour la disparition de ce cadre, il doit encore faire face à une grève dans le secteur de l’éducation. Celle-ci trouve son origine dans l’exclusion des enseignants du bénéfice de l’indice 1,25 fruit de la lutte des travailleurs du ministère de l’économie. Disparu, déporté ou mort, le spectre «Dangnivo» menace toujours sur le pays.
A dire vrai, la dernière grève en date déclenchée par le Front des trois ordres de l’enseignement pour exiger du gouvernement la prise en compte des enseignants quant au bénéfice de l’indice 1,25 accordé par le gouvernement n’est que le deuxième épisode de la fronde «pro-Dangnivo».
La première, on se rappelle, est la longue grève des travailleurs du ministère de l’économie et des finances. Menée de main de maître par la Fédération des syndicats des travailleurs de l’administration des finances (Fesyntra-Finances), cette grève a été étendue à un certain moment à la douane, aux impôts paralysant toutes les régies financières pendant trois jours sur cinq en semaine. La revendication originelle de cette grève était de retrouver Pierre Urbain Dangnivo, un cadre de ce ministère disparu mystérieusement un soir du 17 Août 2010 alors que ce dernier, plus tard victime du crime crapuleux d’assassinat, rentrait du service. Au fil des jours, des semaines et des mois de grève, la Fesyntra-Finances a assoupli un peu sa position et s’est mise à glisser vers quelques revendications catégorielles et sociales comme les conditions de travail. Aux termes de plusieurs jours de négociation, la Fesyntra a donc fini par obtenir la revalorisation du salaire de ses militants, laquelle sera indexée d’un coefficient de 1,25 point. L’accalmie revient au Ministère de l’économie et des finances (Mef). Un poster du disparu est juste posé à l’entrée dudit ministère pour se rappeler sa mémoire mais plus de grève au sujet de sa disparition. Le gouvernement croyait avoir fini avec l’affaire. Erreur. Quelques jours après, les autres travailleurs de l’administration publique béninoise hormis ceux du ministère des finances réclament eux aussi une amélioration salariale. Pour eux, pas question de faire de la discrimination dans la répartition des richesses nationales. D’ailleurs, une décision de la Cour constitutionnelle viendra leur donner raison et conforter leur position en proclamant la même disposition de la Constitution qui stipule l’égalité de tous les citoyens. La Confédération des syndicats de l’administration publique (Cosynap) qui fut constituée, pour la circonstance, mena une grève féroce, suivie de presque toutes les structures administratives publiques. Le gouvernement a fini par capituler pour enfin accorder le coefficient 1,25 à tous les autres travailleurs de l’administration publique en prenant le décret N°2011-505 du 05 Août 2011. Mais comme un malheur ne vient jamais seul, le gouvernement ne spécifie pas que cet avantage sera accorderé uniquement aux travailleurs de l’administration publique mais à tout agent de l’Etat. Une erreur qui se payera chère. Dès son application, les enseignants qui sont restés jusque-là en marge de cette revendication (puisqu’ayant déjà bénéficié d’un avantage similaire pour l’incitation à la fonction enseignante) sort de leur mutisme. Pas question de les écarter puisque le décret ne fait aucune discrimination. Ayant donc constaté que les autres travailleurs ont commencé à bénéficier des 5% pour l’année 2012, les enseignants se sentent marginalisés et enclenchent une nouvelle grève qu’ils entendent durcir les jours à venir. De fil en aiguille, la disparition de Dangnivo alimente des grèves cycliques et poursuit le gouvernement, comme la silhouette, reste aux trousses de l’être humain.