Le temps des réformes, du silence politique et des agitations sociales

Nous avions vécu un phénomène de « fatigue démocratique » sous le Général Mathieu KEREKOU dont nous avions masqué l’insipidité du second mandat par ce mythe collectif à bon marché : la paix. Le président Boni YAYI contre toute attente et alors qu’il aurait pu jouir tranquillement de son second quinquennat dans la « paix » lors donc que le premier était plutôt tumultueux, s’est lancé de lui-même dans un grand train de réformes dont les conséquences sont tout sauf la « paix ». Le vrai patriote dirait qu’il a été bien inspiré ; sinon, quel silence de cimetière qui comme une chape de plomb aurait recouvert derechef tous les domaines de l’activité sociale de la nation. Il y a toute une sociologie du second quinquennat à faire chez nous. 

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D’abord, l’incertitude quant au vœu secret du « Chef » de rempiler ou non campe tous les cadres et autres technocrates, opportunistes comme devant, à s’enfermer dans un attentisme prudent. Qui est fou ? En l’occurrence, la dernière décision de la Cour Constitutionnelle excipant de prétendus consensus obtenus à la Conférence Nationale, a voulu être salutaire en nous libérant une fois pour de bon dans la loi organique sur le referendum. Contre toute attente et toute jurisprudence connues, elle a imposé que soit clairement dit que les articles 42 et 44 de la Constitution ne pourront jamais faire l’objet de révision constitutionnelle ! Grand seigneur et surtout beau joueur, Boni YAYI a fait contre cette mauvaise fortune apparente bon cœur. On est sûr désormais ; même un engagement a été solennellement pris devant le Souverain Pontife Benoit XVI : « Ce sera mon second et dernier mandat ». Cependant, la vie politique n’a pas commencé à s’animer pour autant. Notre atavisme habituel d’attendre pour voir quand les fers au feu seront chauds, plombe derechef le pays dans la grisaille et le train-train quotidien, sauf les grèves d’usage. Seuls les éternels anxieux prospectifs s’acharneront à alimenter un agenda se situant dans la logique d’une dynamique socio-politique post-YAYI ! Quant au vieux patriarche de Djrègbé, anxieux comme devant et grand stratège devant l’Eternel, il fait une véritable danse de ventre pour propulser un dauphin qui manifestement fait le coquet et ne se jette pas sur l’occasion pour occuper le créneau de l’après 2016, malgré l’impatience de tous ses hérauts, amis et sympathisants. Cet homme en veut-il vraiment ? Désire-t-il vraiment ce véritable cadeau empoisonné et ce supplice de Tantale qui est celui d’être le chef d’Etat d’une nation aussi poujadiste ? Pas sûr. Jusqu’ici l’intéressé n’a tenu ni en privé ni en public aucune allocution dont le sens sibyllin pourrait être décodé dans cette direction. Cette peur et cette appréhension d’accéder à la magistrature suprême sont courantes dans le landerneau politique. Souvenons-nous de Jacques DELORS en 1995 en France. Alors qu’il caracolait dans les sondages, il déçut tous ses supporters en disant non à sa probable candidature. Le cas de DSK est plus subtil ; mais nous sommes en vérité ici aussi face à un refus inconscient ; d’où cet acte manqué et cette conduite d’échec autrement incompréhensibles : on parlera désormais du syndrome DSK. Pour ce qui concerne notre homme, les raisons d’un refus implicite ou ouvert du Palais de la Marina ne manquent pas. Voilà quelqu’un qui pendant tout le quinquennat passé et depuis le nouveau quinquennat, a occupé le poste de premier ministre de fait ; mieux qui en tant que Ministre d’Etat chargé du plan et du développement pendant des années, avait conduit toutes les réformes économiques de restructuration du secteur public, notamment à la SONAPRA et au niveau de l’économie portuaire. Ce serait le diable qu’en ayant en main tout le processus de privatisation, il n’ait pas favorisé consciemment ou inconsciemment ses amis, et cela dans la voie royale de son prédécesseur ci-devant ministre d’Etat chargé de la coordination de l’action gouvernementale, s’en mettant au passage plein le porte-monnaie le plus légalement du monde ! Un homme riche donc, que dis-je, très riche. Pourquoi alors s’empoisonner l’existence en se mettant au cou cet instrument de supplice qui consiste à être le roi de ce peuple de Troglodytes ingouvernables et jamais contents, toujours en grève et toujours revendiquant? Non merci ! Autrement, ce serait du pur masochisme lors donc que lui-même et sa descendance ne pourront jamais dépenser plusieurs décennies durant la fabuleuse fortune amassée. Mais alors qui sera donc le prochain Président de la république du Bénin?
A suivre

 

Olivier-Lucien GUEKPON
(Consultant en stratégies politiques et électorales)

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