Algérie : Ben Bella, le héros oublié

Les autorités algériennes ont organisé, le 13 avril 2012, les obsèques du premier président de leur pays dans l’indifférence totale de l’Afrique subsaharienne. Sous la pluie, derrière le cercueil d’Ahmed Ben Bella, il n’y avait que des personnalités du Maghreb. Même le Président en exercice de l’Union africaine n’avait pas beaucoup fait parler de lui à l’occasion de la disparition de celui qui  présidait  encore le Comité des sages de son organisation. 

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Je le regrette  profondément pour le continent et pour mon pays. Et pourtant, nous avons besoin de rappeler à la jeunesse africaine les sacrifices consentis pour la libération du continent.

Ben Bella ne fut pas seulement un combattant en Algérie et pour l’Algérie. Ses compagnons et lui avaient dû prendre les armes en 1954 pour contraindre la France à reconnaitre le droit du peuple algérien à la liberté et à la dignité. Des milliers d’entre eux ont laissé leur vie dans ce combat et les souffrances endurées par la population civile expliquent, de nos jours, la nature particulière des relations entre les deux pays. Il n’est que de suivre les polémiques récurrentes sur des faits liés à la guerre d’Algérie pour se rendre compte de la profondeur des blessures et des traumatismes.

Or, cette lutte du peuple algérien avait contribué largement à notre propre libération. Son intensité avait obligé la France à accepter plus facilement nos revendications pour ne pas ouvrir de nouveaux fronts. C’est dans ce cadre que fut votée, en 1956, la loi-cadre qui ouvrit la voie à l’indépendance des pays africains francophones. Nous sommes donc redevables à tous les peuples africains des libertés dont nous jouissons aujourd’hui et nous devons leur rendre compte de l’usage que nous en faisons.
J’ai été reçu en audience par le Président Ben Bella dans la modeste Villa Joly à Alger. C’était en 1964. La Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, dont j’étais le secrétaire général, m’avait demandé d’aller exprimer la solidarité de notre mouvement au gouvernement et aux étudiants algériens. Ils étaient en butte à l’hostilité des Français qui avaient choisi de rejoindre leur mère patrie en signe de refus de la nouvelle situation politique dans le pays. Beaucoup d’entre eux avaient   détruit leurs biens et des édifices publics avant de s’embarquer, signant leurs forfaits du sigle « OAS » (Organisation de l’armée secrète). 

L’immeuble qui abritait la délégation du Mouvement de libération de l’Angola (MPLA) était couvert de telles inscriptions. Au rez-de-chaussée et au premier étage, j’avais observé, avec peine, les fauteuils en cuir éventrés, des armoires cassées, des murs badigeonnés avec des excréments humains et des assiettes en porcelaine pilonnées. Ma visite aux autres mouvements de libération offrait le même spectacle. Dès leur prise de pouvoir, Ben Bella et son gouvernement avaient offert l’hospitalité à tous les africains qui combattaient pour la liberté. Ils étaient très nombreux à bénéficier du soutien de l’Algérie indépendante.
Ce choix militant s’est poursuivi jusqu’à ce jour et mérite donc notre reconnaissance. Le professeur Honorat Aguessy s’active à organiser des manifestations pour rappeler à la mémoire collective cet autre icône de l’Afrique combattante, solidaire, forte et respectée : le Ghanéen Kwame Nkrumah. La  semaine prochaine et les 26 et 27 avril 2012, il nous convie à revisiter la pensée de celui qui nous a quitté il y a quarante ans. Je lui adresse mes félicitations pour cette initiative avec mes souhaits de succès pour les travaux du colloque scientifique.
« L’Afrique doit s’unir » était le cri de ralliement de Kwame Nkrumah.
« L’Afrique doit s’unir » demeure notre seule porte de sortie.

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Bruno Amoussou, député, ancien ministre

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