Ces roitelets au mercantilisme à fleur de peau

On les a vus devenir un à un roi. Du petit commis de l’administration mal sevré après une retraite surprenante, au transitaire las des vicissitudes et des intrigues du milieu portuaire en passant par le jeune opérateur économique véreux affranchi des bagnes après quelques magouilles…tous sont devenus rois par la force des choses. La métamorphose de ces nouveaux gardiens de la tradition est aussi rapide qu’un météore. 

Publicité

Un tour au « village » puis on les voit revenir avec un titre de souverain. Les tenues d’été, les chemises, les tricots et les boubous  d’antan troqués contre des apparats plus ostensibles : une couronne  de circonstance au nom bien marqué, un collier long et précieux, et parfois une récade pour les mieux lotis. Parés ainsi des  plumes du paon, le business commence. On investit le champ public, cherche la première place lors des meetings et autres rencontres de politiciens en quête de voix. Le talent d’incantateur ou de « faiseur » de prière est mis en exergue pour séduire l’autorité ou l’homme politique. Au fil des jours, la royauté au Bénin est devenue une nouvelle filière juteuse qui attire les personnes friandes de l’argent facile. Point n’est besoin d’être né d’une lignée royale, de suivre les rites nécessaires. Par quelques tours d’acrobatie- dont ils ont le secret- on se retrouve roi d’une commune, d’un arrondissement ou même d’un quartier. L’essentiel est de trouver un « no man’s land » sur lequel aucun roi n’a encore d’emprise.  Et bonjour la quête de la manne « politique ».  Pour briguer le maroquin de la Marina, les postes de députés, de ministres ou de Dg de sociétés, les hommes politiques accourent vers les rois pour avoir leurs bénédictions ou même leurs protections spirituelles. Les rois, jadis reclus dans leurs palais sont maintenant de véritables « opportunistes » qui n’hésitent pas à s’afficher dans  les meetings et autres réunions politiques. Partout dans le pays pullulent  des véhicules sans plaque d’immatriculation. En lieu et place de celle-ci, on lit « Sa majesté…,  roi de…». Ainsi, les rois sont exemptés du paiement des frais d’immatriculation des véhicules. Un manque à gagner énorme pour le trésor public.  Parfois, ils n’hésitent pas à prendre fait et cause pour les hommes politiques. On en a même vus qui ont marché pour soutenir un homme politique. Lors de la dernière élection présidentielle, le collectif des rois du septentrion a fait allégeance  au président Boni Yayi avant que l’un d’eux ne revienne pour contester ce choix. Mais bien avant ça, les rois avaient bien affiché leur volonté de gagner l’arène  politique. Ces différentes options ont engendré parfois des guéguerres entre rois de la même localité mais qui ne s’entendent pas parce qu’ils sont d’obédiences politiques opposées. Ils sont les premiers à piétiner la tradition dont ils sont censés être les gardiens. Et comme il n’y a plus de gardiens, la tradition, les savoirs endogènes sont à la merci des vandales et autres profanateurs venus de tous les horizons,  notre culture et nos us et coutumes sont en danger. Au fil des jours, la prolifération des rois désacralisent la couronne. N’importe qui peut devenir roi n’importe où. Une telle profanation ne peut engendrer que la perte de notre identité ontologique. On a mal à notre royauté.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité