Choses qui passent et trépassent

S’en sont-ils rendu compte? Les Béninois ont vu disparaître trois choses importantes dans  leur vie quotidienne. Ceci, à titre provisoire ou à titre définitif. Apparemment, ils n’en sont pas très affectés. 

Publicité

Le processus est immuable. D’abord, le regret face au vide laissé par ce qui disparaît. Ensuite, l’oubli de ce qui a disparu et qu’on finit par passer par pertes et profits. Enfin, l’accommodation, sinon la parfaite adaptation à la situation nouvelle créée après cette disparition.

Les Béninois aimaient le cinéma. Et quelques salles de projection, de «Concorde» aux «Cocotiers», via le Vog, sans oublier l’escale de «Le Bénin», témoignaient, tout au moins à Cotonou, de leur amour pour le 7ème art.  Ces salles de cinéma étaient assez souvent pleines. Elles refusaient parfois du monde. Les Béninois s’invitaient alors au cinéma, comme ils s’invitent, aujourd’hui, au «maquis» ou au restaurant.

Ces différentes salles de cinéma ont dû fermer l’une après l’autre. Qu’on ne nous dise pas que c’est l’avènement de la télévision et la généralisation de la vidéo qui ont écrit la chronique annoncée  d’une mort programmée, celle de nos salles de cinéma. Sous d’autres cieux, ces mêmes phénomènes n’ont pas produit les mêmes effets. Pourquoi?

Après le cinéma, le football. Suite à une crise qui secoue les instances dirigeantes de notre football, nos stades, depuis des mois, ne résonnent et ne vibrent plus de la passion, de la ferveur des milliers de supporters qui n’ont plus rien à se mettre sous la dent, sinon sous les yeux.

Publicité

Au bon temps du football, le sport-roi, le spectacle a toujours été total. Spectacle avant les matches et loin des stades. On pariait et on pronostiquait ferme. Spectacle pendant les matches et sur les stades. On soutenait de son cœur, de son corps, voire de sa poche son équipe. On était près à en découdre avec le supporter de l’équipe adverse. Spectacle après les matches en des espaces appropriés. Les commentaires dans les buvettes. Les échanges dans les bureaux. Les débats sur les chantiers. Sans oublier le relais obligé et spécialisé des médias.
Le football occupait le Béninois. Aujourd’hui, il se voit sevré de tout, contraint de ronger son frein et de prendre son mal en patience. Depuis des mois, les week-ends du Béninois sont vides comme le Sahara. Il ne lui reste plus qu’à noyer son ennui dans le lac Nokoué en crue, un lac généreusement grossi par des eaux de saison des pluies. Qu’on ne s’y trompe pas : l’intérêt actuel du Béninois pour les championnats huppés d’Europe n’est qu’une manière de passer le temps, sans perdre du temps à penser à ses propres championnats moribonds.
Enfin, l’école publique. Elle a disparu, chez nous, des mois durant, dans ses ordres maternel, primaire et secondaire. Elle s’est retrouvée tout au fond  des eaux boueuses et tourmentées d’une grève dure et qui a duré. Sur ce décor noir de l’Ecole, a plané le spectre d’une année blanche. Au grand désespoir de tous les usagers et partenaires de l’institution : maîtres et élèves, parents d’élèves et autorités académiques…

Nous étions à deux doigts de faire l’amère et douloureuse expérience d’une année scolaire sans cours dispensés, donc sans examens et concours passés. Ce qui aurait été une grave fracture sur le parcours scolaire de nos jeunes compatriotes. Cette fracture, en ses effets et conséquences, n’aurait épargné personne. L’enseignant en mal de repérage des  balises sur le chemin de sa mission. L’apprenant rendu au triste destin de simple mouton du sacrifice sur l’autel des intérêts qui lui sont totalement étrangers. Parent inconsolable, après qu’il se fut saigné aux quatre veines pour faire face à nombre d’obligations.

Tirons une conclusion heureuse de ces trois malheureuses situations. Le Bénin a pu se passer des choses auxquelles il reste attaché et qu’il aime bien. Le cinéma. Il en a soldé le compte. Le football. Il ne sait plus, depuis, le prendre en copte. L’école. En panne pour fait de grève, mais sauvée au bout du compte. Ce même Bénin devrait pouvoir se passer de ce qu’il n’a aucune raison d’aimer. Par exemple, l’essence de contrebande «Kpayo». Par exemple, l’encombrement des trottoirs par des marchands de bric-à-brac. Par exemple, l’occupation anarchique des voies et artères par de gros camions qui tuent. Par exemple, l’érosion marine. Par exemple, l’insalubrité sur la berge lagunaire. Par exemple, les inondations à répétition à Cotonou. Sans oublier délestage et coupures d’eau. Nous le savons : qui peut le plus peut le moins.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité