Développement : le vivre mieux d’abord

Primum vivere, deinde philosophari. A comprendre par : « Vivre d’abord, philosopher ensuite ». C’étaient les Latins qui le disaient. En interrogeant les politiques contemporaines qui sous-tendent la plupart des jeunes démocraties en Afrique, nous n’avons pas le sentiment que le « Vivre d’abord » prime toutes autres considérations.

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Le Président Abdoulaye Wade, devant défendre récemment son bilan face à l’électeur sénégalais, ramena l’essentiel de son action, à la direction de son pays, à la construction d’infrastructures. C’est vrai : le sous-équipement de nos pays est criard. Qui, dans ces conditions, bouderait la construction d’une route ou s’opposerait à celle d’un échangeur ?

L’erreur, c’est de faire un tri, pas toujours judicieux, des besoins des populations bénéficiaires. L’erreur, c’est de choisir en lieu et place des populations elles-mêmes. L’erreur, c’est d’analyser et de faire passer les besoins des populations par le prisme déformant de la vision des bureaucrates et des technocrates que nous sommes. Loin de la vérité d’un terrain de réalités déterminées.

Qui a dit que « ventre affamé n’a point d’oreille » ? Un homme qui a faim n’entend rien. Il ne comprend rien à une litanie d’infrastructures. Même quand il est dit que ces infrastructures sont réalisées à son profit et doivent contribuer à son bonheur. Affirmons-le comme une vérité. Personne, en Afrique, ne doit l’ignorer. Personne, en Afrique, ne doit en faire l’économie. C’est d’abord le vivre mieux d’un peuple qui lui ouvre les yeux sur les infrastructures réalisées. C’est prioritairement le vivre mieux d’un peuple qui lui permet de faire bon usage des infrastructures et d’en jouir à bon escient.

En ramenant la question à l’intérieur des périmètres de notre pays, en quels termes se pose-t-elle ? Nous revient à l’esprit la grande déception de cet ancien Président. Il attendait une preuve de reconnaissance de ses concitoyens pour ses efforts, pourtant réels, en faveur du développement de son pays. Mais il s’était vu balancer à la figure « Sont-ce les pavés que nous allons manger, qui nous tiendront lieu de pain ou d’akassa ? ». Le Président développeur, tout occupé à paver des voies, n’a pas vu le peuple se débattre dans la misère, rongé par les mille et un bobos d’un quotidien mitoyen de l’enfer.

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Quels sont donc ces bobos quotidiens qui empoissonnent la vie de nos compatriotes ? Pourquoi ceux-ci se montrent-ils sourds aux chants de gloire des paveurs de voies ? Pourquoi se rendent-ils aveugles devant les prouesses esthétiques et architecturales des constructeurs d’échangeurs ?

Dans le Bénin de la refondation qui bruit des coups de cœur et des coups de gueule des « pro » et des « anti » révision de la Constitution, la saison des pluies, avec ses nuisances multiples, frappent à coups redoublés au-dessus de nos têtes. Dans certains quartiers de villes, dans certaines régions du pays, on se prépare au pire. Comme chaque année. A la même période. Selon un scénario invariable, immuable. Quel citoyen peut s’habituer à ce cycle infernal ?

Le retour en fanfare du délestage ? On est où là ? Avançons-nous ou reculons-nous ? A peine nous habituons-nous à une fourniture régulière du courant électrique, qu’on nous ramène brutalement dans la nuit noire. Retour à la case départ. Comme si nous n’avions de destin autre que de faire du surplace ou de végéter à plusieurs mètres sous terre.

Vous avez dit la vie chère ? Tout prend du prix à une allure vertigineuse. Les poches des citoyens sont trouées. Le panier de la ménagère est vide. Tout le monde est contraint et forcé de tirer le diable par la queue. Même le football, qui nous servait naguère de cache angoisse et de dérivatif à nos frustrations, est en panne.

Ces quelques postes de frustration suffisent à empoisonner une vie, la vie entière. Il y a, là, une blessure mortelle. Les voies pavées aident à bien circuler. Mais quand on ne mange pas à sa faim on ne circule pas. Il ne reste plus qu’à digérer sa colère contre les voies pavées.

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