Le tiercé gagnant béninois

Autorisons-nous d’être arbitraire : trois choses fascinent le Béninois plus que toutes les autres. Et il se donne de bonnes raisons de les tenir, dans l’ordre ou dans le désordre, pour un tiercé gagnant. Nous affirmons que le Béninois a un faible pour les honneurs. A comprendre par tout ce qui confère éclat et distinction à quelqu’un, tout ce qui contribue à hisser un homme, une femme, une collectivité, un groupe humain à un niveau élevé de respectabilité dans la société.

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Nous affirmons que le Béninois croit dur comme fer aux vertus des forces occultes.  Il s’en sert comme de redoutables armes pour se protéger, se défendre, voire attaquer. Les Fon, par exemple, parleront de « bô ». Il s’agit de cet  arsenal d’armes surnaturelles qui tiennent lieu de missile d’attaque ou de bouclier protecteur contre le mauvais sort ou le mauvais œil.
Nous affirmons, enfin, que le Béninois regarde le diplôme avec la plus grande fascination. Le diplôme, depuis la colonisation, s’impose comme le suprême sésame. On lui prête la capacité d’ouvrir toutes les portes, conférant à son détenteur une aura sociale sans pareille. Celui qui n’en a pas ou qui n’en a pas assez, le regrette amèrement. Celui qui en a ne perd aucune occasion pour le faire savoir.
Les honneurs sont comparables à un trophée attribué à un individu. Expression du mérite primé. Exaltation de qualités humaines récompensées. Celui qui est légitimement distingué et mis en lumière recueille les fruits de ce qu’il a semé. Mais il n’est jamais tout seul dans la gloire. Sont toujours près de lui et en partage avec lui ses parents et ses proches, les familles alliées et amies. Les honneurs, au-delà de la personne honorée, est un repas collectif. On en partage la succulence, sans s’épargner les conséquences d’une éventuelle intoxication.
Regardez ce qui se passe sous nos latitudes, quand, à la faveur d’un remaniement ministériel, un citoyen est  appelé aux plus hautes fonctions politiques. Ce citoyen ainsi sorti du lot, sort, à son tour, de l’anonymat sa famille, sa communauté, son village, son patelin. D’où les grands festins fort bien arrosés. Mais c’est toujours comme  « Dossou qui rit, Dossa qui pleure ». Pour dire que si le ministre entrant est à la joie, le ministre sortant est à la peine. Avec toute sa communauté.
Le « bô » quant à lui, répond d’abord et avant tout à une faim et à une soif de sécurité. On s’est forgé la conviction que le combat de la vie et pour la vie ne peut  se gagner avec les seules armes conventionnelles en usage dans l’arène sociale. Il faut alors arracher au sacré et à l’invisible des armes complémentaires pour une gestion maîtrisée du profane et du visible.
C’est en cela que le « bô » est un pouvoir. Il confère, plus précisément, le pouvoir de se défendre. Mais aussi le pouvoir de se défendre contre les autres. Donc le pouvoir de nuire aux autres. Courent après un tel pouvoir et sont prêts a en payer le prix fort, nos plus hauts responsables au sommet de l’Etat, nos plus éminents cadres, pourtant cartésiens jusqu’au bout des ongles, redoutables dialecticiens au rationalisme tranchant et étincelant.
Enfin, le diplôme. Ne devons-nous pas mettre un bémol  aux vertus supposées de celui-ci ? Le constat est clair : le Bénin a gagné la réputation de former à la pelle des diplômés. Mais depuis plus de 50 ans, avec ses diplômés qui tiennent, pour la plupart, les leviers du pouvoir d’Etat, le Bénin peine  à trouver, sinon la formule, du moins la voie de son développement. Nous ne pouvons conclure  autrement : l’échec des diplômés dans l’œuvre de construction de leur pays traduit les limites de leurs diplômes. Parce que les diplômes attestent d’un niveau de connaissance. Ils ne révèlent pas un individu en ses capacités intrinsèques. D’où la nécessité d’une rupture. Il nous faut réinventer l’école pour de nouveaux diplômes, avec de nouveaux diplômés. Nous ne pouvons continuer de faire étalage de nos parchemins. Nous devons plutôt nous   réapproprier notre être profond. Le diplôme suprême est dans l’usage que nous faisons de cet attribut divin qui se trouve être la chose du monde la mieux partagée : l’esprit.

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