Dans l’affaire qui oppose le gouvernement béninoise à l’homme d’affaires Patrice Talon, promoteur de la société Bénin Control, dans le cadre du Programme de vérification des importations (Pvi-ng), il est reproché à ce dernier de vouloir déstabiliser les institutions de la République.
Le détail est passé presque inaperçu lors de la campagne du gouvernement contre celui qui est devenu sa bête à abattre. Dans sa démarche de prendre le peuple à témoin, le gouvernement présente Patrice Talon comme un apatride qui a attenté à la vie des institutions de la République. Il laisse penser à un complot ourdi contre les responsables du pouvoir d’Etat. Un complot du genre coup de force avec une intervention militaire armée, tout au moins en gestation et qui aurait été étouffée dans l’œuf. C’est à croire que, comptant sur son assise financière et ses relations, Patrice Talon se soit mis à faire débarquer au Bénin des armes de guerre et des munitions. On a pu s’imaginer que, de ce point de vue, il commençait à payer des mercenaires qui envahiraient son pays; lesquels mercenaires mettraient un coup d’arrêt au fonctionnement de l’Etat du Bénin afin d’y remettre en cause l’équilibre constitutionnel et institutionnel établi.
L’accusation est si grave qu’elle est inquiétante quant à la sûreté intérieure de l’Etat et ressemble, à moins d’en administrer les preuves, à une stratégie de communication pour décrédibiliser un individu.
«Dans l’espoir que vous ferez droit à la présente mise en demeure, le gouvernement vous assure que c’est au nom de la démocratie qu’il tient à vous la faire parvenir dans un esprit de contradictoire car de plus en plus vous apparaissez comme un citoyen décidé à braver, humilier un gouvernement et à faire le choix suicidaire de la déstabilisation des institutions de la République». Il s’agit d’un extrait de la lettre N°233/PR/SGG/SGAG3/C adressée au président du Conseil d’administration de Bénin Control avec en objet «Mise en demeure» et signée du Secrétaire général du gouvernement, Eugène Dossoumou. Copie en a été aussi faite au président de la République à titre de compte rendu. A travers ce courrier, le gouvernement informait Patrice Talon, président du Conseil d’administration, de la mise en demeure qui lui est adressée en fournissant les raisons. Bénin Control est, en effet, la société sélectionnée par le même gouvernement pour la mise en oeuvre du Pvi. Une reforme douanière introduite par le régime Yayi au port de Cotonou. «Il s’agit là, continue le courrier, d’une option non recommandable à laquelle il faut absolument mettre un terme car, elle porte le germe de mettre en péril la paix, la stabilité et la sécurité qui ont toujours caractérisé notre chère patrie.
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A la lecture de ces deux extraits, on se demande si le pouvoir n’est pas allé un peu trop loin. Il est vrai que le gouvernement peut, comme c’est le cas dans toute convention, exiger et obtenir la révision ou la dénonciation du contrat qui lie l’Etat à un tiers. Mais les arguments à fournir dans ce cadre devraient être des éléments du contrat querellé. Ce qui est loin d’être évoqué. Et on se demande quel est le lien entre la remise en cause d’un contrat, a priori «purement administratif», liant un privé à un Etat, et des questions relevant de «la paix, la stabilité et la sécurité» d’un pays. Dans le contexte qui est le nôtre, on sait ce que l’expression déstabilisation des institutions de la République peut signifier et la psychose qu’elle peut entraîner au sein de la population. Sans oublier la foudre que celui à qui ce reproche est destiné peut s’attirer. On en conclut que lui-même aux abois face au caractère du contrat PVI qu’il juge de léonin, que le gouvernement cherche à noyer un chien en l’accusant non pas de rage, mais de complot grandeur nature contre les institutions de la République.
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