Apprendre à bien lire la constitution

Il n’y a pas si longtemps, nous avons péroré sur la constitution du 11 décembre 1990. Sur l’opportunité ou non de sa révision. Nous avons fait couler beaucoup d’encre de et salive, discouru à cœur joie sur les moutures  en circulation. 

Nous avons divagué à longueur de semaines et de mois sur cette constitution que certains privilégiés de la république avaient, à eux seuls, le droit de lire et d’amender.  Chacun à son niveau et dans sa posture-opposant ou chantre- a participé au tollé dont la finalité a été le recul du Chef de l’Etat sur la révision de la constitution. Ainsi, pour une seconde fois, l’éveil populaire a fait reculer une révision opportuniste de la constitution. Pourtant, et c’est chose paradoxale, la constitution du 11 décembre 1990 n’est qu’un document-fétiche dont le contenu est très peu connu du grand public.  Rédigée en français son accès et sa compréhension ne sont pas à la portée de la grande masse du peuple analphabète. En vingt ans, rien n’a été fait pour traduire cette constitution dans les langues nationales afin de permettre aux populations de s’approprier du contenu. Mais le drame de l’analphabétisme constitutionnel va plus loin. L’élite intellectuelle du pays, hormis les juristes et les constitutionnalistes qui font l’exégèse du document, n’ont souvent pas la chance, encore moins le temps d’avoir ce document, de le lire à tête reposée comme on sait bien lire les Saintes écritures. Quand viennent les élections ou une crise majeure, on se précipite sur le document, lit en diagonale les parties qui intéressent et pouf, on le jette quelque part. La connaissance, disons l’apprentissage de la constitution qui est pourtant une prérogative de l’Etat n’a jamais été prise au sérieux. En 20 ans, rien n’a été fait pour permettre aux citoyens de connaître le contenu de cette constitution. Pourtant, les constitutionnalistes ne cessent de dire que la constitution est le socle sur lequel repose la république. Nous avons souvent entendu cette phrase sans  nous intéresser réellement au contenu. En 20 ans donc, le massacre ainsi causé a fait des victimes dans le rang même de l’élite. A l’Assemblée cette semaine, j’ai survi, ahuri, le faux débat qu’il y a eu sur l’article 72 de la constitution.  Cet article stipule : « Le président de la république adresse une fois par an un message à l’Assemblée nationale sur l’Etat de la nation. Il peut aussi  à tout moment adresser des messages à l’Assemblée nationale. Ces messages ne donnent lieu à aucun débat ; ils peuvent toutefois inspirer les travaux de l’Assemblée ».  Fort donc de cela, le député Louis Vlavonou de l’Un a demandé au cours d’une question qu’il a posée au gouvernement  de fournir à l’Assemblée nationale la liste des projets financés en Bot dans la mesure où ce sont des financements hors budget. Le choix des critères et le mode de sélection des investisseurs, le cadre légal relatif au financement, l’exploitation, l’entretien et le transfert d’infrastructures de développement par le secteur privé se sont pas souvent bien élucidés. En effet, lors de sa dernière présentation du discours sur l’Etat de la nation en 2011, le Chef de l’Etat a affirmé que certains grands projets seront financés en Bot. Le jeudi passé, alors que cette question orale est programmée et que le gouvernement s’apprêtait à répondre, le député Barthélémy Kassa de la majorité présidentielle demande l’interruption de la séance sous prétexte que « répondre » à cette question orale est comme faire un débat sur le discours du Chef de l’Etat et que cela constitue une violation de l’article 72 de la constitution. Or, l’honorable Kassa sait bien que la question de son homologue pouvait bien être posée sans que celui-ci ne fasse pas allusion à cette déclaration du Chef de l’Etat en décembre 2011. Il sait aussi que l’article 72 autorise que le discours du Chef de l’Etat inspire des travaux à l’hémicycle. Est-ce une mauvaise lecture de la constitution qui amène l’honorable Kassa a poser cette question préjudicielle ? Ou une fourberie politique ? En tout cas, au regard de cela, la constitution du Bénin a besoin d’une appropriation véritable à tous les niveaux.

Laisser un commentaire