Du temps où on était enfant, le Nigéria passait pour un pays exceptionnel. Exceptionnel dans son développement, exceptionnel dans sa grandeur mais aussi dans sa fragilité sécuritaire.
Nos enfances ont été marquées par des histoires insolites et prêtes à vous donner le frisson. Elles sont racontées par des parents et amis qui vont dans ce pays pour le petit commerce ou pour y travailler. On nous raconte des scènes de braquage, de cambriolage et d’assassinat qui se déroulent en plein jour, dans les rues de Lagos. On était dans les années 80, 90. Au Bénin, on ne se s’en préoccupe guère. Les seuls qui y accordent un peu d’importance sont les seuls béninois dont des parents ou des amis tombent dans ces guets apens et ces agressions de la pègre nigériane. Les responsables chargés de la sécurité au Bénin, par manque d’anticipation et de vision prospective, ont toujours banalisé ces attaques, prenant cela pour des problèmes du Nigéria qui ne les concernent pas. Ils ont toujours fonctionné ainsi jusqu’au jour où la première attaque à main armée, sanglante et violente, a été perpétrée au Bénin. C’était en 1996. Depuis, elles sont devenues monnaie courante ici et personne n’est plus surpris de cela. Tout ce qu’on craint c’est de ne pas avoir la malchance de tomber dans ces agressions et d’en être une victime. Désormais les attaques à main armée sont possibles au Bénin et tout le monde s’accorde là-dessus.
Mais ce à quoi personne ne semble penser ici c’est Boko Haram, la secte islamiste qui fait trembler le Nigéria. Depuis quelques années, elle commet des attentats dans les Etats du Nord est du Nigéria. Depuis son fief de Maïduguri, elle étale ses tentacules vers le sud où elle est arrivée à attaquer en 2011 le siège des Nations Unies dans la très sécuritaire capitale d’Abudja. De là, on comprend que Boko Haram a acquis une grande capacité opérationnelle qui lui a permis d’attaquer à des centaines de kilomètres plus loin. Là encore, rien n’émeut les responsables chargés de la sécurité des frontières. Pourtant, courant l’année dernière, un explosif aurait été retrouvé à la frontière de Kraké. Ce jour là, ce fut la débandade à la frontière où tout le monde a pris la poudre d’escampette, y compris les officiels et les douaniers. Et depuis, c’est le silence radio sur cette affaire. Aucune autorité ne s’est prononcée officiellement sur cela. Pourtant, elles n’ignorent pas la porosité de nos frontières avec le Nigéria et le risque que l’on court avec la proximité de ce pays. Demain, lorsque les attaques du gouvernement nigérian épaulé par les Etats Unis vont s’accentuer sur les positions tenues par Boko Haram, ses émirs et ses responsables chercheront des endroits où ils pourront se cacher. Le Cameroun, le Tchad mais aussi le Bénin-pour dissuader leur traque- peuvent devenir leurs arrières bases. Les autorités béninoises se semblent être soucieuses de ça. Elles voient toujours en Boko Haram une organisation étrangère dont le champ d’action ne se situe pas ici, ignorant royalement l’internationalisation du terrorisme.
Boko Haram est si loin du Bénin, mais aussi si proche. N’attendons la première attaque au Bénin avant de commencer à se préoccuper de ça comme ce fut le cas pour les braquages en plein jour.