Scène politique: le sens d’une mutation

L’observateur de la scène politique nationale n’a pas manqué de le remarquer. Il n’a cessé, surtout, de s’interroger. Est-ce la fin du régime des incompatibilités et des exclusions entre diverses formations politiques ?

 La scène politique nationale a consacré et consolidé des pôles de forces antagonistes. Ils se combattent pied à pied et s’excluent radicalement. Celui qui est au pouvoir, à moins d’absorber et de phagocyter ses adversaires, n’aura pas de cesse qu’il ne les ait anéantis. Il faut donc pulvériser sans merci ceux lui disputent le pouvoir ou lorgnent son bifteck.

La politique, chez nous, a et garde ainsi des couleurs radicalement tranchées et contrastées. Tout est en noir et blanc. Sans nuance. L’ami de mon ennemi est mon ennemi et l’ennemi de mon ennemi est, ipso facto, mon ami. Point, barre ! Les populations à la base, à la suite de leurs leaders, n’en finissent plus de gérer des inimitiés séculaires.

Mais, les lignes commencent à bouger. Le paysage politique change. Il se pare des couleurs du renouveau. Adrien Houngbédji, désormais et officiellement dans l’opposition, se rend au Palais de la Marina. Il y rencontre le maître des lieux. En sortant du Palais, il serre chaleureusement les mains de celui contre lequel il s’est officiellement déclaré opposant. Et tous les deux, sourire aux lèvres, gravent, par caméra interposée, dans la mémoire du temps, l’image d’une rencontre. Qui l’eût cru ?

Dans la semaine, le Président de l’Assemblée nationale, Mathurin Nago, se rend au domicile du même Adrien Houngbédji. C’est le numéro 2 du pouvoir qui se déplace vers le numéro 1 de l’opposition. Que ce sont-ils dit ? Cela importe peu. L’essentiel est ailleurs. Tenons-nous-en à la force du symbole. Retenons ce qu’il projette de nouveauté et d’innovation dans nos mœurs et dans nos pratiques politiques.

Il y a deux jours, l’Union fait la Nation (UN) a appelé à une rencontre des organisations de la société civile, spécialisées en matière de gouvernance, des centrales syndicales et des partis politiques. L’objet d’une telle rencontre est de construire un front contre (Citation) : « Les dérives outrancières du gouvernement, la morosité économique et financière persistante, la perte drastique du pouvoir d’achat des travailleurs, la misère généralisée au niveau des populations » (Fin de citation).

Le parti communiste béninois (PCB) est parti à ce front en gestation. Cela n’a soulevé, à droite, aucune forme de réserve. Personne n’a eu à dire qu’en s’attablant avec les communistes, c’est avec le diable qu’on a rendez-vous. De même, à gauche, on n’a point trouvé incongru de s’asseoir et d’échanger avec les représentants patentés de la bourgeoisie, exploiteurs du peuple travailleur, chiens couchants de l’impérialisme. Les uns et les autres se sont accommodés de ce cocktail de partis, de syndicats, et d’organisations aux visions aussi diverses et aussi diversifiées que les couleurs de l’arc-en-ciel.

Mais, n’allons pas vite en besogne sur ce chantier nouveau où nous notons les premiers frémissements d’un changement. S’agit-il d’un feu de paille ou de la promesse d’une action durable ? Si c’est de durée qu’il s’agit, elle est à l’épreuve d’au moins trois écueils.

– Premier écueil : l’activisme inopérant. On bouge beaucoup d’un bout à l’autre de l’échiquier politique. Mais sans le moindre impact sur l’ordre des choses. « Pierre qui roule, nous assure la sagesse des nations, n’amasse pas mousse ». Faire tout bouger sur son passage, sans rien changer dans son sillage, revient à faire du sur-place. Or, qui n’avance pas recule.

– Deuxième écueil : l’opportunisme biaisé. Les mains qui se tendent, les ambiances qui se détendent, tout cela ne serait, en fin de compte, que de la poudre jetée aux yeux. Soit qu’on s’adonne à un double jeu. Soit qu’on avance sous le masque porté de l’hypocrisie, en subordonnant ses nouveaux pas de danse à ses intérêts du moment.

-Troisième écueil : l’unionisme de façade. Celui-là qui transformerait l’écrasante majorité de nos acteurs politiques en des larrons en foire engagés dans un marché de dupes. Ils feraient alors semblant d’être ensemble. Ils feraient croire qu’ils parlent d’une seule et même voix. S’il devait en être ainsi, qui chercheraient-ils à tromper? Pas le peuple. C’est, en tout cas, à travers ce proverbe, la conviction des Bambara du Mali : « Si le petit poisson dit que le crocodile a mal aux yeux, ne le contrarie pas car il le connaît. »

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