Bénin : il était une fois une Constitution

Le Bénin, capitale du droit constitutionnel en Afrique. Ce sera du 8 au 10 août prochain à Cotonou. Toutes les sommités du droit constitutionnel d’Afrique et d’ailleurs sont conviées à cette fête de l’esprit.

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 La rencontre sera placée sous le regard impavide mais protecteur de Dame Justice. Selon l’allégorie, elle tiendra, à niveau rigoureusement égal, les deux plateaux de la balance qu’elle porte. Ceci pour le succès du colloque.

L’initiative de la rencontre de Cotonou est à mettre au compte de l’Association béninoise de droit constitutionnel. Et les débats se concentreront essentiellement sur la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990. S’il devait en être ainsi, le colloque de Cotonou, plus qu’un docte échange sur une Constitution vielle de près de vingt-deux ans, prend les allures symboliques d’un hommage du droit au droit. Pourquoi ?

La Constitution du 11 décembre 1990 du Bénin est née des douleurs et des joies d’une Conférence nationale souveraine. Un régime à bout de souffle libéra, comme son chant du cygne, la formule d’une Conférence nationale. Le fait était totalement inédit dans l’Afrique des partis uniques des années 90. La Constitution du 11 décembre 1990 ne peut résonner que des accents de ce fait historique majeur. Elle en traduit les intuitions profondes.
La Constitution du 11 décembre 1990 est une élaboration de techniciens tenaillés par l’ambition de graver en  droit le cri du rapporteur général de la Conférence, à savoir que « nous avons vaincu la fatalité ». Mais cette Constitution va bien au-delà d’une telle ambition. Elle se veut la pierre d’angle d’un monument symbole qui exorcise un pays et le libère d’un passé honni. N’étions-nous pas l’enfant malade de l’Afrique, avec des coups d’Etat à répétition ? N’étions-nous pas, avec le marxisme, le champ d’expérimentation des idéologies conquérantes qui se disputaient l’hégémonie du monde ?

La Constitution du 11 décembre 1990 entendait ainsi redonner le Bénin aux Béninois.  C’est en cela que cette Constitution est, avant tout, un contexte, une ambiance, une conjonction d’ambitions et de visions pour le meilleur. C’est également la Constitution qui en a inspiré d’autres. Le colloque de Cotonou saluera une Constitution modèle. Il rendra un égal hommage à toutes les autres, des balises sur les chemins de nos quêtes.

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Par ailleurs, dans le contexte culturel d’une tradition orale vivace, il est important, au nom de la modernité, que le primat de la chose écrite soit affirmé sur la parole. Celle-ci, comme on le sait, suit la chaîne plutôt problématique du bouche à oreille. Avec d’inévitables déperditions. Avec d’inéluctables trous de mémoire.  Avec surtout le fait que la parole, aujourd’hui, en Afrique, s’est désacralisée et s’est  décrédibilisée. Les promesses des plus hautes autorités de l’Etat n’engagent plus que les gogos qui y croient.
Une grand-messe des sommités du droit autour d’une Constitution écrite participe d’un choix et d’une option. Plutôt la chose écrite qui aide à apprécier et à juger sur pièce que le simple verbe, fût-il créateur. L’Afrique moderne a besoin de fixer ses normes juridiques. Elle a besoin de les purger de toutes susceptibilités, de les libérer de toute émotivité, de les proposer à l’appréciation et au jugement des autres. C’est toute la différence entre « Aziza » l’inspirateur de nos artistes-créateurs et le solfège, l’alphabet universel de la musique. 

En cela, le colloque de Cotonou, ouvre une ère de modernité pour le droit en Afrique et l’insère dans l’espace universel d’un droit sans frontières. C’est en cela qu’il nous semble abusif de parler d’un droit béninois. Les particularités qu’on relève au niveau du Droit au Bénin, ne devraient être lues et comprises que comme des exceptions qui confirment la règle générale. Le souhait, c’est que la quête d’un droit toujours plus humain, ne cible plus nos seuls pays comme terrains d’enquête ou laboratoires de recherche. Cette quête doit être universelle. A quand donc un colloque similaire à Washington ou à Paris, à Moscou ou à Pékin ?

Enfin, nous apprenons que le colloque de Cotonou rendra hommage au professeur Maurice  Ahanhanzo Glèlè, professeur agrégé de droit public et de science politique, inspirateur de la Constitution du 11 décembre 1990. L’occasion dit-on, fait le larron. Ce ne serait que justice. Les hommages à titre posthume ont tout l’air de couronnes de fleurs fanées jetées sur les tombes de nos illustres disparus. L’un des derniers à subir cet affront est l’abbé Gilbert Dagnon, l’auteur du texte et de la musique de notre hymne national. Il plairait au professeur Ahanhanzo Glèlè d’entendre de son vivant l’hymne de ses mérites. Et il est loin d’être le seul !

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