La crise à la Fédération béninoise de football (Fbf) a connu hier un nouveau développement. La Cour d’Appel de Cotonou a,dans sa décision rendue publique , reconnu le bureau de Victorien Attolou et ordonne à Anjorin Moucharafou de passer service.
« … Déclare que l’Assemblée générale du 15 avril 2011 est entachée d’irrégularités, l’annule en conséquence…..Déclare que l’AG du 4 février est régulière….Ordonne Moucharaf Anjorin à passer service à Victorin Attolou……Ordonne l’exécution de la présente décision avant sur minute ». Tel est un extrait de la décision rendue publique à 9h45 mn par la Cour d’Appel de Cotonou statuant en matière civile moderne dans le dossier 54/12 opposant Anjorin Moucharaf et Victorin Attolou. La crise qui secoue la Fédération béninoise de football (Fbf) depuis le 20 décembre 2010 a connu hier un nouveau rebondissement. La justice béninoise, après plus de deux reports, a rendu publique hier sa décision concernant le différend qui oppose Victorien Attolou et Anjorin Moucharafou. Dans sa décision, la Cour d’Appel a validé l’assemblée générale élective du 04 février 2011 qui a permis de mettre en place le bureau de Attolou. Avec la reconnaissance de Victorien Attolou comme président du comité exécutif de la Fbf. Que fera désormais Anjorin Moucharafou et les siens face à cette nouvelle donne? La décision de la justice est indépendante. Les perdants sont donc obligés de se plier car un citoyen respectueux des lois et des institutions de la république est contraint de s’exécuter au risque d’être renvoyés de force par les forces de l’ordre avec exploit d’huissier.
Genèse de la crise à la Fbf
Rappelons que la crise à la Fbf a démarré le 20 décembre 2010 suite à la décision de douze des quinze (15) membres que comptait le comité exécutif présidé en ce moment par Anjorin Moucharafou. Dans la foulée, une mission conjointe Fifa/Caf conduite par Mohamed Iya était arrivée fin janvier 2011 pour écouter les démissionnaires et Anjorin. Mais, au lieu de permettre une résolution du conflit, Primo Corvaro et Prosper Abéga, deux émissaires de la Fifa / Caf n’ont fait qu’aggraver la situation. D’abord, il leur est reproché une trop grande accointance avec Anjorin. Pour les démissionnaires, cette délégation devait se comporter comme arbitre en se détachant des deux camps en conflit. Ce qui n’a pas été le cas. Vu les comportements des émissaires de la Fifa /Caf, cette mission s’est soldée par un échec. Mohamed Iya, en affirmant que « le ballon continue de rouler sur les terrains, il n’y a pas de problèmes », a énervé le collectif des clubs de la ligue 1 et de la Ligue 2. Ce collectif a donc décidé de suspendre les championnats nationaux jusqu’à nouvel ordre.
L’Assemblée générale élective convoquée par le Directeur exécutif de la Fédération Bernard Hounouvi, conformément aux textes ; malgré les injonctions de la Fifa de surseoir à cette Ag, a été maintenue. Pour justifier le maintien de l’Ag du 04 février 2011 , Hounouvi a évoqué comme raison :« C’est qu’ il y a un délai qui est quand même prévu par les textes , sinon au-delà de cette période de deux mois ,on tomberait dans le vide .Ils ont demandé si on n’a pas pris connaissance de la lettre de la Fifa , je leur ai dit que j’en ai pris connaissance puisqu’avec toutes les informations qu’ il reçoit sur le terrain : on dit qu’ils vont venir, ils ne veulent pas venir et que c’est à la fin du mois qu’ ils viennent et qu’ ils mettront deux ,trois mois avant de nous donner une suite » . Il continue en ses termes : « Pour nous, c’est qu’il risque d’avoir un vide alors que le Bénin doit jouer contre la Côte d’Ivoire. Ainsi, il faut prendre des décisions vite ». Ainsi, l’Assemblée générale a eu lieu le 4 février 2011 et a vu le plébiscite de la liste « Renaissance du football » conduite par Victorien Attolou.
L’Ag du 04 février tenue, la Fifa,dans une correspondance,ne reconnaît pas le comité exécutif dirigé par Attolou. En effet, pour n’avoir pas autorisé l’Ag, la Fifa a signifié dans une lettre adressée au président Anjorin, qu’elle ne reconnaît pas ce comité élu par un certain nombre d’acteurs du football béninois. Donc seul Anjorin est et reste le président de la Fbf. Suite à cela, Anjorin a coopté douze autres personnes en remplacement des douze démissionnaires qui ont rendu leur tablier. Cette attitude de la Fifa n’a pas été du goût du camp adverse. Mais une fois encore, la Fifa demande, dans un courrier du 03 mars 2011, à ce que toute la famille de football national aille à une assemblée générale extraordinaire pour confirmer ou infirmer les membres cooptés. Alors, le camp Attolou a décidé de saisir le Tribunal arbitral du sport (Tas) de deux recours. Un pour annuler la procédure initiée par la Fifa qui consiste à organiser une assemblée générale extraordinaire pour statuer sur le cas des douze (12) membres cooptés et un autre pour demander au Tas de dire le droit pour que ce dernier statue sur l’ingérence de la Fifa dans la résolution de la crise à la Fédération. Dans ce véritable jeu de ping pong, l’Ag demandée par la Fifa a eu lieu mais avec les délégués de clubs choisis par Anjorin. Le 15 avril 2011, jour de l’Ag, il a été interdit aux présidents et aux délégués mandatés par les clubs qui ne partagent pas les mêmes opinions qu’Anjorin, d’avoir accès à la salle où a lieu les assises. Il s’en suit une parodie d’assemblée générale qui a vu la confirmation des douze membres cooptés.
La décision du Tribunal arbitral du sport (Tas) tombée en septembre 2011, le gouvernement, après une communication orale présentée en conseil des ministres par le ministre des sports Didier Aplogan, a pris fait et cause pour le camp Anjorin.
Roland Affanou
Quelques extraits de la décision de la Cour d’Appel de Cotonou
La Cour reçoit Anjorin Moucharaf en son appel.
Constate que les parties sont tous membres de la Fédération Béninoise de Football
Constate que aux termes de l’article 67 des statuts de la fédération béninoise de football, le litige relève du Tribunal Arbitral du Sport de la ladite fédération .
En absence dudit Tribunal, le Tribunal ordinaire est compétente pour agir
De ce fait, confirme la première décision du Tribunal de première instance de Porto-Novo
Dit qu’il n’y a pas autorité de la chose jugée
Déclare que l’Assemblée générale du 15 avril 2011 est entachée d’irrégularités, l’annule en conséquence.
Déclare que l’AG du 4 février est régulière
Ordonne Moucharaf Anjorin à passer service à Victorin Attolou
Ordonne l’exécution de la présente décision avant sur minute
Cotonou, le 12 juillet 2012
Pour le tribunal
Le football béninois dans l’impasse
Le verdict rendu hier par la Cour d’appel de Cotonou est annonciateur de jours chauds pour le football béninois.
Que va-t-il se passer maintenant? Comme quoi, la sortie médiatique du vice président de l’actuel comité exécutif de la Fédération béninoise de football (Fbf) Augustin Ahouanvoébla, mardi dernier sur la télévision nationale, n’aura rien changé à la décision de la justice. Comme lors du premier verdict, la Cour d’appel de Cotonou statuant en matière civile moderne «confirme la première décision du Tribunal de première instance de Porto-Novo». Elle reconnaît Victorien Attolou comme président de la Fbf et somme Anjorin Moucharaf de passer service. Mais alors, on fait quoi? La décision est claire et il revient à l’Etat béninois de la faire appliquer. Dès lors, deux choix s’offrent à Anjorin et son équipe: soit ils passent service volontairement et tout se passe comme si de rien n’était soit ils se rebiffent et l’Etat se charge de les faire partir de force. De toute façon, ce que craignait Anjorin et sa suite est arrivé: la décision leur est défavorable. Sentant le coup venir, le vice président avait laissé entendre mardi dernier que «si nous perdons, le football s’arrête parce que la Fifa va nous suspendre». Pour lui, la juridiction béninoise n’est pas au-dessus de celles des instances internationales et qu’elle devait se ranger derrière ces dernières. Au demeurant, le vice président a laissé entendre que la Confédération africaine de football (Caf) et la Fédération internationale de football association (Fifa) vont purement et simplement suspendre le Bénin de toutes leurs activités. Ce faisant, le football béninois sera enterré. Comme à une habitude, à chaque fois qu’on se sent menacé par une décision à venir, on se met à prévenir tout le monde des supposées conséquences qui adviendraient si on est désavoué. Qu’avait-on à menacer et à chercher à influencer la justice béninoise? Pour une fois, cette stratégie est improductive.
L’Etat va-t-il oser? Si on s’en tient aux propos du vice-président, c’est maintenant que les problèmes vont commencer pour le football béninois car, si tout s’arrête ainsi pour le football au Bénin, les supporters iront s’en prendre à ceux qui sont à la base de cet état de chose. Mais, Augustin Ahouanvoébla a peut-être oublié une chose. Que se soit le camp Attolou ou le camp Anjorin dont il est membre, ils ont tous contribué à la déchéance actuelle du football béninois. Alors, au moment opportun, comme en effet de boomerang, ils devront endosser les conséquences. Donc, qu’on ne prédise pas le mal aux autres. A l’heure actuelle, tout dépendra de la position du gouvernement béninois. Lui, qui sous prétexte d’entériner le verdict du Tribunal arbitral du sport (Tas) a donné raison à Anjorin Moucharaf. C’est l’heure pour l’Etat de montrer jusqu’où il est capable d’affirmer son autorité. S’il advenait que l’Etat laisse l’actuel comité continuer son travail, il prouvera une fois encore qu’il est incapable de la moindre audace. L’empoignade s’annonce rude et le peuple béninois, spectateur, avisera.
Arthur Sélo