Ôte-toi de là que je m’y mette

Est-ce difficile de retenir cette merveilleuse leçon de la nature ? Les arbres autour de nous renouvellent, à saison régulière, leur frondaison. 

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Les vielles feuilles tombent. Elles laissent la place aux jeunes pousses appelées à croître et à se développer.  Le relais est pris et la relève est assurée. La marche des choses reprend ses droits.

Cette leçon de la nature doit nous inspirer. Elle doit nous éviter les heurts et les chocs inutiles chaque fois qu’arrive l’heure pour une promotion de passer la main ; chaque fois qu’arrive le temps de renouveler la chaîne des générations. Faute de quoi, le désordre s’installe. Les anciens  s’accrochent à leur position avec l’énergie du désespoir. Les jeunes piaffent d’impatience de prendre pied et  bousculent tout sur leur passage.
Les uns oublient qu’ils arrivent au bout de leur parcours. Le général Charles De Gaulle, homme sage s’il en est, rappelle à ces champions des causes perdues ce qui suit (Citation : « Partir cinq ans trop tôt qu’une minute plus tard » (Fin de citation). Les autres, pressés de se caser, ne respectent rien, écrasent tout.  Avouons que tout cela fait désordre.

Passe que les jeunes s’engueulent et se battent entre eux. Passe également que les moins jeunes, les anciens en l’occurrence, se donnent des raisons de se bouder. Mais il est inacceptable que les pères et leurs enfants s’étripent comme des chiffonniers. Un pays peut survivre à la lutte des classes, telle que Max et Engels en ont élaboré la théorie. Mais aucun pays ne peut survivre à un conflit des générations. Une telle dérive sape les fondements mêmes d’une nation, abime et entame  le tissu humain d’un pays. Face à cette gangrène  qui prolifère et affecte tout dans notre pays, que faire ?

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Il va falloir, tout d’abord, réconcilier ceux qui partent et ceux qui arrivent autour de la notion de service. Les uns et les autres sont menacés par la même maladie : l’aveuglement, l’étouffement par leurs intérêts égoïstes respectifs. Les uns ne veulent pas lâcher la proie pour l’ombre. Les autres ne revendiquent que leur part du gâteau. Les uns et les autres n’ont aucune idée du service qu’ils peuvent rendre à eux-mêmes et au pays, en partant après de bons et loyaux services ou en prenant pied dans une fonction, à l’aube et à l’orée d’une carrière professionnelle.
C’est pour n’avoir pas compris ce que service veut dire que nous avons trébuché dès les premières heures de nos indépendances. Plus de cinquante ans plus tard, nous continuons à en payer le prix. En 1960, la plupart de nos cadres pensaient qu’était venue l’heure de leur sacre. Ils se pensaient les nouveaux leaders naturels de nos jeunes Etats. Moins pour servir leur peuple et leur pays. Mais davantage pour remplacer le Blanc et accéder à ses droits, avantages et privilèges. Depuis, la tradition s’est installée : on va à la politique moins pour servir que pour se servir.
La seconde approche de solution, c’est de libérer la notion de retraite de sa gangue desséchante d’épouvantail, comme si la retraite était synonyme d’un assassinat administratif programmé. La grande question, la voici : comment inspirer à un cadre le sentiment que sa vie est loin de s’arrêter avec son départ à la retraite ? Comment lui faire comprendre et lui faire accepter  qu’il dispose encore d’assez de temps pour se rendre utile à lui-même et aux autres ?

Imaginons que toute jeune recrue, avant de prendre fonction, doit faire ses premières armes sous la supervision de celui qu’il doit remplacer et bénéficier ainsi de son expérience. Nous aurons compris que le passage de témoin doit être précédé d’un apprentissage sérieux. Nous aurons compris que celui qui doit partir doit clore sa carrière sur une note d’utilité qui donne du sens à son départ. Nous aurons compris que le jeune qui arrive n’aura pas à plonger dans une piscine vide. Il a le pied à l’étrier, au terme d’un parcours initiatique en règle. La qualité d’une course de relais s’apprécie à la qualité du passage de témoin.

La troisième approche de solution, c’est de faire clairement comprendre qu’il y a une autre vie, tout aussi riche, toute aussi valorisante, après la retraite. C’est un gâchis monumental que de condamner au garage, si ce n’est à la tombe, des hommes et des femmes qui ont encore tout à donner aux autres, tout à partager avec les autres. Si la ressource humaine – avant l’argent, avant le pétrole – est notre toute première richesse, nous devons ouvrir les chemins de nos centres de formation à des retraités. Ils ne demandent qu’à servir et qu’à se rendre utiles. Finalement, la vraie retraite, n’est-ce pas la mort?

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