Football : le match des faibles

 

Nous le savions faible notre football. L’ambition de nombre de Béninois de le sortir de l’ornière explique la passion qu’ils lui vouent. Ils voudraient, de toutes leurs forces,  hisser les « Ecureuils », notre Onze national, à la hauteur des « Eléphants » de la Côte d’Ivoire ou des « Lions indomptables » du Cameroun. Des supporters forts derrière un football faible, cela pourrait bien changer la donne. Mais entre le souhait projeté et le but visé, le chemin se révèle long. 

Nous le savions malade notre football. La Fédération béninoise de Football ne parle plus d’une seule voix. Dans cette maison divisée contre elle-même, il n’est question que du camp d’un tel ou du camp d’un tel autre. Investis de la mission de pousser notre football national vers le haut, les dirigeants se retrouvent dans la triste posture de fossoyeurs : ils s’enterrent et enterrent notre football.

Nous savions notre football traversé par une grave crise. Une  crise intervenue au moment même où nous tentions une expérience inédite. Nous étions, en effet, à l’aurore d’une  professionnalisation de notre football qui devrait connaître une mue totale, dans son approche managériale, organisationnelle et opérationnelle. Dans ce cadre nouveau, le joueur ne peut plus se limiter à la seule  satisfaction ou au seul plaisir de jouer. Le joueur est, dorénavant, au service d’une entreprise. Il a l’impérieux devoir de la faire gagner pour mériter, à son tour, de gagner son pain quotidien.

Nous savions notre football sérieusement éprouvé, la crise nous ayant laissé à un carrefour de questions qui attendent toujours nos réponses. Serions-nous incapables de professionnaliser notre football, de relever ainsi un grand défi, d’opérer un tournant historique dans l’esprit et dans le sens d’un football moderne ? Serions-nous nostalgiques du football de papa au point de nous montrer réfractaires à la rigueur, à la discipline et aux exigences du football d’aujourd’hui ? Serions-nous condamnés à ne savoir développer qu’une conscience minimaliste des choses, privés que nous serions de  l’ambition de voir grand, de voir loin ? Toutes ces questions débouchent  sur une amère réalité : l’échec. Notre  échec à tous, synonyme d’un naufrage collectif.  L’échec en particulier des dirigeants de notre football. Ce qui est à tenir pour l’échec de toute une génération d’acteurs-concepteurs de notre football. Une page serait à tourner ou devrait être tournée.

De l’air frais, du sang neuf pour régénérer un football aujourd’hui moribond et dont les dirigeants se disputent les lambeaux d’un pouvoir anémié. L’arbitrage du gouvernement, tout au début de la crise, aurait eu l’avantage d’arrêter l’hémorragie. Mais il se serait trouvé des juges extérieurs, juchés sur leur escabeau de commandement, pour refuser toute immixtion de l’Etat dans les affaires du football. On connaît la chanson.

Les principaux acteurs, fort du fait que nous sommes un Etat de droit, ont eu recours à la Justice de leur pays. Chaque camp a préparé son dossier. Chaque camp a déroulé ses arguments. Et la Justice, en dernier ressort, a tranché. Par deux fois : en première instance et en appel. .

Le gouvernement dit respecter la décision de la Justice. Mais ne s’empêche pas de la suspendre. Il voudrait, ce faisant,  préserver le Benin des sanctions de la FIFA. Le discours de la contradiction s’articule ainsi qu’il suit. Je reconnais que la Justice a raison de prendre une telle décision. Mais je me donne des raisons pour ne pas donner raison à la Justice pour le moment.

Du coup, la culture du paradoxe est bien servie en intrant. Ce qui promet une bonne campagne. Nous voulons une Justice forte, mais nous cassons ses décisions. Nous voulons un football fort, mais nous lui enlevons la caution juridique qui aurait pu lui assurer toute la force du droit. Nous voulons tirer  notre football de l’ornière, mais nous le déshabillons d’une légitimité qui ne se discute pas pour l’affubler d’une légalité octroyée et sujette à caution. Par-dessus tout la Fifa, qui n’est qu’une association, fait plier et fait reculer un Etat souverain. On peut refuser ou éviter un combat, conscient de ses faiblesses. Mais Winston Churchill nous rappelle cette terrible vérité : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre.»

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