Le sang des ancêtres a coulé à Tombouctou «la Cité des «333 saints»

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Pourquoi Dieu peut-il permettre que pareille abomination soit commise ?

Celle qui me posait cette question, une amie, est une croyante pur sang. Elle ne blasphémait donc pas. Pas du tout alors. Elle exprimait des sentiments que je partageais, des sentiments ressentis par tous les Africains, à travers le monde entier et, au delà de l’Afrique, par tous ceux pour qui, le sacré a un sens, une valeur incommensurable.
Cette phrase profonde m’a tellement fait réfléchir et m’a emmené à essayer de trouver une réponse à l’acte commis par ces hors-la loi, véritables bêtes sauvages. Nous autres, qui avons encore quelques sentiments d’humanisme, devons continuer à nous questionner sur le pourquoi et le comment des choses. En effet, comment peut-on, en quelques coups de pioche, détruire des œuvres ancestrales d’une telle valeur ? La profanation des tombes sacrées par « les fous de dieu » – je préfère écrire leur dieu avec un petit d – au delà du choc émotionnel que cela a suscité mérite qu’on s’y arrête pour révéler aux néophytes la gravité du crime commis par ces hommes d’Al Qaida. Détruire les seize mausolées de la cité des 333 saints, continuer cet acte de destruction par la porte d’entrée de la mosquée Sidi Yéyia, datant du XVe siècle, sous le prétexte fallacieux que la Charia interdit de pareilles normes tombales et autres arguties ,cela dépasse l’entendement.
L’UNESCO, voyant poindre à l’horizon l’hydre de ces marginaux, avait décidé d’inscrire Tombouctou la Cité des 333 saints sur la liste du patrimoine mondial en péril.
Ceci a déclenché la folie destructrice des Islamistes d’ançar Dine, je ne perdrai pas mon temps à essayer de décoder le coefficient mental de ces gens-là. C’est leur faire trop d’honneur. Ils sont fous. Point final. Fous à lier. Sinon comment comprendre, qu’à coups de pioche, de houe et de burin, on fasse table rase des vestiges culturels de tout un pays, que dis-je, de l’Afrique, de l’humanité entière.
Ancienne Secrétaire Générale de la Commission béninoise pour l’UNESCO, je connais le parcours du combattant  que ma consœur Aminata Sall a mené, depuis la décision d’inscrire ces joyaux au patrimoine mondial, jusqu’à l’accord de l’UNESCO pour l’inscription effective du site en question. Que de lobbying et de plaidoyer internes à faire en direction des autorités gouvernementales, l’Assemblée nationale et tous les canaux financiers qui, face aux frais que suscitent tous ces allers et venues vers Paris, manifestent parfois quelque réticence dû à l’amenuisement de la cagnotte nationale. Tout ça pour ça ! Sans oublier que le gros œuvre est abattu par la Délégation nationale de l’Unesco à Paris. Et quand enfin, vous avez votre patrimoine historique inscrit enfin, après tant de nuits à guetter le sésame de l’UNESCO, que de bonheur pour le pays entier. Que de larmes de joie au sein de la délégation. Aminata Sall a pris de l’âge, épuisé ses forces pour réaliser tous ces exploits pour son pays. Ces vestiges du passé ont montré au monde entier que l’Afrique elle aussi a une histoire.
Œuvre de tant de jours, en un jour effacé. Les larmes que j’ai versées face à ce crime abominable contre l’humanité ; les larmes que vous, anonymes avez versées à travers le monde entier ne couleront pas en vain. « Gbè non sa noutondé ahoa ». La vie ne vend jamais rien à crédit, a-t-on coutume d’entendre dire dans la langue fon au Bénin. On paie tôt ou tard tous les crimes commis. « Les fous de dieu » paieront au centuple. Et avec eux, tous ceux là qui, d’une manière ou d’une autre ont entrainé le Mali dans ce cauchemar. Où étaient Sanogo et ses gros bras, boxeurs et briseurs de crâne présidentiel quand l’innommable s’accomplissait à Tombouctou, la Cité des 333 saints. Chaque génération sera comptable des actions qu’elle a menées pour conduire son pays vers le progrès ou dans la tombe.
Quant à toi ma sœur Aminata, quant à vous mes frères et sœurs Maliens, sachez que l’Afrique entière est à vos côtés dans cette longue pénitence. Le sang des ancêtres ne sera pas versé impunément. Car j’ai vu du sang couler des tombeaux de la cité des 333 saints. Séchez vos larmes. Un nouveau jour se lève. Il se lèvera plus tôt qu’on ne le croit. La vie ne vend jamais rien à crédit ; on paie tout ce qu’on a semé. Les terroristes paieront leur forfaiture jusqu’à la fin de leurs jours.

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