Le visage politicien de la pauvreté

Qu’est ce qui explique les difficultés actuelles du Bénin ? Sur ce qu’on convient d’identifier comme la crise qui nous malmène, chacun y va de son commentaire.

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 Et il se dit, sur cette fameuse crise, des vertes et des pas mûres. Pour certains, la crise au Bénin n’est qu’une forme de délocalisation de la crise internationale. Pour d’autres, c’est la gouvernance locale, à forte odeur de corruption qui est en cause.

Nous disons et nous soutenons, pour notre part, au risque de surprendre, voire de choquer plus d’un, que les difficultés du Bénin tiennent au fait que le pays excelle à être et à rester un  producteur et un consommateur de politique. La crise au Bénin peut être vue, de ce fait, comme la résultante d’une politisation à outrance de tout et de rien. Nous sommes donc neuf millions de Béninois à ne savoir rien faire d’autre que la politique. Labourer les champs de la politique. Produire le coton de la politique. Assurer par taxi-motos le transport de la politique. Trouver un emploi par la grâce de la politique. Percevoir le salaire de la politique. Le Bénin respire la politique et vit de la politique. Comme d’autres assurent leur survie et se développent par leur engagement à travailler, par leur détermination à produire de la valeur ajoutée.

Voilà diagnostiqué, grandeur nature, le mal béninois. Et si beaucoup n’acceptent pas ce diagnostic, c’est tout simplement parce qu’ils se sont laissés aveugler, une fois de plus, par la politique. Impossible d’y échapper.  Chassez le naturel et il revient au galop, validant ainsi l’histoire du serpent qui se mord la queue. C’est le cercle vicieux parfait.

Pourquoi donc la plupart de nos compatriotes cherchent-ils à être dans la proximité du pouvoir, à être, par conséquent, le plus près possible de la grande et juteuse marmite nationale ?  Pourquoi la plupart de nos compatriotes, une fois qu’ils sont avantageusement positionnés, ne pensent plus qu’ « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » ? Pourquoi, parvenus à leur fin, la plupart de nos compatriotes deviennent-ils allergiques à toute idée de démission ? Pourquoi leur sens de l’indignation et de l’exaspération s’émousse-t-il, préférant cautionner l’intolérable, s’accommoder de l’inacceptable, subir les pires humiliations, vendre leur âme au diable ?  Pourquoi cet attachement à l’enfant du terroir, identifié, même sil était médiocre, comme l’espoir de ses frères et sœurs ethniques ? 

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Dans le système béninois, l’enfant du terroir est l’équivalent  de l’entrepreneur, de l’investisseur, du chef d’entreprise. On attend ainsi de l’enfant du terroir, chaque fois qu’il se trouve en position avantageuse, qu’il renvoie l’ascenseur à qui de droit. Aussi distribue-t-il des biens qu’il ne sait pas produire. Aussi fait-il boire et manger des gens qui n’auront ni à payer leurs notes ni à régler leurs factures. L’enfant du terroir, souvent parachuté, puise dans la marmite nationale, récoltant là où il n’a pas semé. Les autres vivent au crochet de leur idole et sponsor de politicien, oubliant que chaque goutte de lait qui leur tombe dans la bouche est volée à la vache de l’Etat, donc à nous tous. Ce sont de  précieuses ressources qui sont ainsi perdues. Une route ne sera pas construite. Tout comme un marché, une école ou un centre de santé.

La crise s’installe parce que l’industrie de la politique tient de l’imposture. Elle ne peut jamais se transformer en une industrie productrice de richesse, pourvoyeuse d’emplois. Ici, on fait de la prédation, synonyme de pillage. Ici encore, on fait de la cueillette, synonyme de consommation sans production. Quitte à laisser derrière soi un désert. Pensons aux ravages des criquets pèlerins, dans leur folie gourmande.

Un peuple qui se met en situation d’incapacité de produire des biens  qui ont une valeur marchande et d’échange ne peut jamais s’assurer les bases d’une prospérité durable. C’est pourquoi, plus de 50 ans après nos indépendances, nous en sommes encore à tendre la main et à quêter la charité internationale. Notre destin est encore dans les mains d’autrui.

La politique doit redevenir, dans nos pays, ce qu’elle n’aurait dû jamais cesser d’être : l’engagement citoyen à construire la cité. Elle ordonne la production. Elle régule la consommation. Elle réduit les disparités et les déséquilibres. Elle met en musique les efforts de chacun et de tous. Mais la politique ne se substitue point à ces diverses séquences du développement d’un pays. Rien ne remplacera le travail productif, intelligent et créatif d’un peuple. C’est à cette condition seulement que la politique s’affirmera et se confirmera comme le meilleur ciment pour l’édification de la cité de nos rêves.

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