Le chef de l’Etat vient de montrer par plusieurs actions sa détermination à faire de la campagne 2012-2013 un succès. Mais il faudra souhaiter que des obstacles humains et naturels ne viennent saper cette croisade pour le coton.
Le gouvernement est déterminé à faire de la campagne cotonnière 2012-2013 un succès. Une campagne que Yayi et les siens ont décidé de gérer à titre transitoire, après la crise entre le gouvernement et les acteurs privés de la filière. Une crise qui a débouché sur la suspension par l’Exécutif de l’accord cadre qui lie l’Etat béninois à l’Association interprofessionnelle de coton (Aic).Et le président Boni Yayi semble avoir pris la mesure de la cause. Le chef de l’Etat est en tournée de galvanisation des producteurs dans les zones de production de coton depuis le début de la semaine. Allant de plantation en plantation, il ne cesse d’envoyer des messages d’encouragement et d’émulation aux producteurs. Dans le compte rendu de la tournée, diffusée sur les écrans de la télévision nationale, on voit Boni Yayi, vêtu d’un pantalon tissu, et t-shirt Lacoste, casquette sur la tête, sillonner les champs de coton, travailler avec les paysans pour donner l’exemple. On le voit tenir soit par la main, soit par les épaules certains producteurs. Pour ce coup, le Chef de l’Etat aura profité de ce caractère populiste qu’on lui reproche pour se rapprocher davantage des paysans et les galvaniser. On voit Boni Yayi expliquer aux populations sa vision de l’agriculture et le défis que cela représente pour la lancinante question de l’emploi des jeunes. Dans les zones sillonnées, on promet au président de la République d’aller au-delà de ce qui est déjà fait comme il le demande lui-même. Le président de la République a parcouru les départements du nord. Selon des sources proches du pouvoir, on apprend qu’il sera ce jour dans le Zou-Collines.
Crédits et subventions
Les intentions de production tournent autour de 350.000 et 400.000 tonnes. Et cette tournée du Chef de l’Etat dans les zones de production du coton est la énième d’une série d’actions posées par le gouvernement pour atteindre, voire aller, au delà de ce chiffre. On peut noter la décision de mise à disposition des cotonculteurs d’un micro-crédit à titre exceptionnel. Il s’agit du Crédit spécial d’appui aux cotonculteurs pour la gestion de la Soudure (Csag/Gs). Le taux d’intérêt de ce crédit est de 10 %. Le gouvernement a ainsi décaissé au total 2 milliards de Fcfa à cet effet. Ce crédit vise à aider les planteurs à faire face à des difficultés d’ordre financières. « Il faut faire du micro-crédit aux planteurs pour les empêcher de vendre les engrais qu’on met à leur disposition. Il doivent utiliser l’argent pour la main d’œuvre pour les emblavures », a expliqué le Chef de l’Etat dans l’une des localités du nord. Le prix d’achat du coton-graine a connu aussi une amélioration comparativement à l’an dernier. En Conseil des ministres le 25 juin dernier, le prix a été fixé à 260 Fcfa le coton classé premier choix contre 250 la campagne dernière. Le coton deuxième choix est passé à 210 Fcfa contre 200 Fcfa. De plus, plusieurs milliards sont décaissés pour venir en aide aux paysans à travers la subvention des intrants. Les ministres ressortissants des zones productrices de coton sont interdits de voyage et devront rester en permanence sur le terrain. Pour gérer la campagne, un cadre institutionnel est mis sur pied à travers la mis en place de deux structures. Ce sont notamment le comité interministériel d’orientation et un comité national de suivi et de contrôle de la filière (Cnsc). On en demandera pas moins à un gouvernement qui a décidé de conjurer à partir de la campagne en cours, le mauvais sort que connait la filière coton depuis bien des années.
Que les « dieux » ne nous abandonnent
La réussite de cette campagne dépend, de façon indéniable, d’autres facteurs qui ne sont pas du ressort du Chef de l’Etat. Les premiers « dieux » qu’il faudra prier sont ceux de la pluie. La pluie est un facteur naturel qui doit être au rendez-vous. Les producteurs auront emblavé plus de superficie que prévue, le gouvernement aura injecté plusieurs milliards et pris toutes les mesures possibles, le dernier mot revient à dame nature. La pluie ne doit être ni au dessus ni en deçà de la quantité nécessaire pour une bonne production du coton. La personnalité d’une des zones visitées l’a fait savoir au Chef de l’Etat en faisant remarquer que l’augmentation de la superficie emblavée dépend de la pluie. Si cela arrivait, les crédits accordés aux planteurs deviendront un autre casse-tête à gérer. Les planteurs n’ayant pas fait de bonnes récoltes ne seraient sans doute pas en mesure de rembourser leurs crédits.
Les autres « dieux » auxquels il faudra se remettre sont ceux de l’engagement et la sincérité de tous les acteurs publics impliqués dans la gestion de la campagne. Allusion est faite ici au directeur général de la Sonapra, à ses directeurs régionaux, aux Cerpa, aux Rcpa et tous les techniciens agricoles qui devront accompagner sur le terrain les producteurs. Tout ce monde doit avoir la même détermination que le président de la République. Ils ont été laissés sur le carreau depuis la libéralisation de la filière avec la remise de la gestion de la filière aux acteurs privés. Ces responsables à divers niveaux pourraient voir en cette saison une aubaine pour se rattraper dans le remplissage des poches. Et c’est sans compter avec la lourdeur et la bureaucratie qui a toujours caractérisé l’administration publique. Le chef de l’Etat devrait alors tenir compte de ces facteurs dans sa détermination. Et s’en remettre à ces « dieux ». Si le coton vit, l’économie béninoise survivra.