Lettre à mon frère (3)

Voila, c’est fait! Il aurait, selon la presse, donné son avis sur la question dite d’actualité. Sans surprise, c’est « Oui pour la révision de la Constitution» Les branches des filaos, le temps d’une visite protocolaire, ont encore remué leurs feuillages pour y laisser entrevoir la « bête politique » aux mille et un camouflages.

On apprend donc que, celui, qui, sans surprise, avait approuvée la grotesque et à juste titre controversée « Liste électorale permanente informatisée (LEPI) », aurait jugé opportune l’initiative d’une révision de la loi fondamentale de notre mère patrie. Si le coup du quitus par lui donné, en son temps, à la soi disant « Lepi » a pu surprendre quelques naïfs et fini de convaincre les crédules de se laisser conduire à l’abattoir électoral de 2011, on s’attendait logiquement à ce que l’on nous serve du « le General est pour la révision de la Constitution» Et alors ?
On parle de « Lepi » tronquée et ils vont nous sortir un avis sur la révision de la Constitution, alors que sous peu il faudra aller à  de nouvelles consultations électorales, pour designer les élus locaux. Visiblement, on cherche à endormir encore ce peuple pour lui indiquer « ses » élus par voie de fait électorale. Et puis quand bien même on voudrait parler de révision de la Constitution, à  moins qu’ils veuillent procéder par hold-up électoral, en passant par le parlement mal élu, il faudra organiser un referendum. Quel corps électoral va –t- on convoquer à  l’occasion, quand on sait que la soi disant « Lepi » compte 2,2 millions de personnes recensées sans aucun document d’identification, à en croire le rapport de la mission d’évaluation de l’Organisation internationale de la francophonie (Oif) ! Vous avez dit Ko ou chaos ?
Ils nous ont parlé d’un avis. L’avis de celui qui, d’après leurs propres dires, a laissé les caisses du pays « vides » ; celui-là dont ils veulent « changer » la gouvernance et même refonder « l’espèce » décrétée « en voie de disparition ». Ils nous demandent d’applaudir son avis favorable sur la révision de la Constitution. Je crains que tu n’aies en fait raison, quand tu disais, au cours de la crise de l’escroquerie de l’épargne privée, qu’avec ces gens-là, les Béninois n’ont encore rien vu. Ces gens-là, comme tu le dis, c’est bien eux qui ont construit leurs carrières politiques sur le fameux « Touche pas à ma Constitution » Mais au nom de leur dite « dictature du développement » ils plaident aujourd’hui une révision de la Constitution, alors qu’ils tendent vers une fin de mandat.

Manipulation

Manipulation, marché de dupe et insultes… un cocktail explosif qui va exploser, s’il n’est pas désamorcé. Et l’autre aussi qui semblait fier d’avoir été consulté. A moins que, comme tu le dis, au lieu de la fierté, il fallait lire dans l’expression de l’homme, comme de la « malice » chez un polisson, content d’avoir encore réussi un mauvais tour. Le comble, c’est ce peuple qui applaudit tout le temps quand il n’est pas en train de conspuer, suivant l’expression qu’on lui commande. Néanmoins, attention ! Qu’il nous souvienne les propos de ce brave ancien qui a tiré sa révérence et qui appuyait la thèse du « bon sens »  partagé par tous en affirmant que nul ne porte la nourriture dans les narines, au lieu de la mettre dans la bouche. En langage décrypté, si vous commandez à votre peuple de se jeter la mer…
Tu t’es inquiété, mon cher frère et à juste titre de ce que tu as appelé « poussée de fièvre » dans le pays. La vérité, c’est que mis à part le service « à visage découvert » de soutien obligatoire pour appartenance à ladite « mouvance présidentielle » dont tu reçois les échos par satellite, à  ta grande désolation, tout le monde ici est inquiet. Ça ne va pas. Même quand on applaudit à  s’arracher les mains, on sait que ça ne va pas. Le prince n’est pas du reste. Il connait ses moments d’angoisse et d’anxiété. Qu’il en soit venu à  avouer publiquement sa « honte », c’est un signe d’usure. Tu sais, dix ans, c’est long ! Et déjà six, c’est épuisant. On compatit. Seulement, comme tu le dis, ce n’est pas rassurant, un pouvoir …faible. Il est une proie trop facile aux prédateurs de tout genre, même quand il essaie de se faire menaçant en montrant, exactement comme le fait un petit garçon, avec ses jouets, des chars et autres véhicules blindés, dès la tombée de la nuit.
Mon cher frère, on a des raisons de s’inquiéter. Après le grand déballage sur les magouilles dans le milieu des entrepreneurs, ils ont tous été reçus au bord de la mer, ces mêmes operateurs économiques « vicieux », sous entendu, par opposition aux autres « vertueux » qu’on a salué. Là n’est pas le problème. En fait, on se demande ce qu’ils ont tous à applaudir « la fin de la crise ». Sur les questions concrètes de « sabotage de la filière coton », de « détaxes indument perçues » dont il était question, on n’en sait certainement pas plus. Mais le temps d’une audience, un tour de vis ou de « vice » et on dit que « tout va bien ». Il n’y a plus de « fossoyeurs de l’économie nationale », plus de « fraudeur fiscal », moins encore de « fausses déclarations douanières». Il est vrai qu’on murmure toujours ci et là qu’elle était bien réelle la prohibition nigériane qui rend caduques et non conformes aux accords signés par les pays limitrophes, les déclarations douanières sur lesquelles sont fondées les demandes de détaxes controversées.

Décoration

Tu as dit « esprit de pardon » qui justifierait tout ça? C’est Dieu qui va s’offusquer de ce qu’on fabrique par ici. On sait qu’au confessionnal, on dénonce le mal, on confesse la faute avec la promesse d’y renoncer, ce qui justifie l’absolution et tout est effacé. Chez nous, au contraire, il semble qu’on commence par tout effacer pour attendre ensuite une confession qui ne vient jamais, puisque les mêmes bêtises courent toujours depuis des décennies. Ainsi va le pays, mon cher frère. Je crois que tu as bien choisi de faire des économies, en ne rentrant pas ces vacances-ci. Fais attention à toi et à tes enfants, chez ces gens là-bas qui, entre « droite » et « gauche »,  « démocrates » et « républicains » se mélangent les pédales. Tu t’offusquais de ce que l’autre tienne à mélanger avec les pédales et les questions de famille. Pour une gourde, il y a pire. On est venu nous chanter, ici, puisqu’on aime bien la musique, le vieux classique du ‘’Negro spiritual’’ « Benin, modèle de démocratie ». Bon, tu as compris que la décoration valait bien une déclaration …Cynique !
 

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