Diantre ! Canal3 n’émet plus depuis hier. Elle a été mise hors tension par Julien Akpaki, Directeur général de l’Ortb. L’intéressé est venu lui-même le confirmer hier sur le plateau de « sa » télévision vers 20 heures. Mettant ainsi fin à une folle journée de supputations, d’interrogations et d’angoisse.
Un matin peu ordinaire hier. Comme à l’accoutumée, bon nombre de Béninois assoiffés d’informations se sont réveillés tôt pour suivre l’émission « Actu Matin » de Canal3 à la laquelle ils se sont fidélisés pour s’affranchir de l’unanimisme médiatique béat qui embaume le pays. Mais hier, patatras! Canal3 était absent au rendez-vous. Après plusieurs zappings, certains se sont ravisés, croyant que leur poste téléviseur avaient quelques problèmes techniques. Non, les plus curieux parmi eux qui ont lancé des coups de fil à certains de leurs amis ont fini par le savoir. Canal3 a été coupé et tous ceux qui utilisent la version locale n’ont plus eu les signaux. Par contre, ceux qui suivent la télévision sur satellite, ont pu suivre Canal3 et son rédacteur en chef André Dossa qui est venu annoncer la mauvaise nouvelle : la chaîne a été mise hors tension. Un peu tendu, il est resté laconique. Qui a pu faire ça, se demande tout le monde ? La Haac ? Le gouvernement ? Ou simplement le zèle d’une institution tierce ? D’appels en appels, on s’est rendu compte que la Haac n’était pas impliquée. En effet, joint au téléphone, un conseiller de la Haac a affirmé que son institution n’était pas impliquée dans cette opération de mise hors tension. Il précise que son institution a les moyens de procéder à cela mais qu’il ne l’a pas fait. Les regards sont alors tournés vers le gouvernement qui pourrait bien faire cela comme ce fut le cas lors de la mise hors tension à deux reprises de Rfi.
La lettre du ministre de l’intérieur qui gâte tout
Vers 17h, on apprend que le ministre de l’intérieur Bénoît Dègla envoie un courrier à la Haac pour demander à l’institution de suspendre les émissions « Actu Matin » et « Arbres à palabre » de Canal3. Cette demande est donc postérieure à l’acte de mise hors tension. On se rappelle que lors de son interview du 1er Août le Chef de l’Etat avait menacé ouvertement les journalistes de l’émission « Actu Matin » qu’il a qualifiés de « petits qui l’insultent tous les matins ». Il a aussi déclaré qu’il pouvait leur faire du mal. Le lundi dernier, le Secrétaire général du gouvernement Eugène Dossoumou, le conseiller spécial du Chef de l’Etat Amos Elègbè et le ministre de l’économie maritime Valentin Djènontin étaient venus sur le plateau de canal3 pour exercer leur droit de réponse par rapport à l’émission « Arbres à palabres » de la veille au cours de laquelle des journalistes ont critiqué le projet de port sec de Tori et les limogeages qui s’en sont suivis. Hier, c’est le nouveau conseiller technique à l’économie Joseph Tamègnon qui est venu sur le plateau de l’Ortb pour menacer à nouveau les télévisions qui relaient des informations qui jettent du discrédit sur le gouvernement et son chef Boni Yayi.
Le comble du «20h »
A 20h, la présentatrice du journal télévisé de l’Ortb annonce que le Dg de la maison Julien Akpaki interviendra en direct sur le plateau pour parler de la suspension de Canal3. Qu’est-ce qui le regarde dans cette affaire encore ? S’interrogent certaines personnes qui suspectent le gouvernement derrière cette affaire. Le Dg apparaît sur le plateau en tenue locale. Interrogé sur cette affaire, il dit n’avoir aucun contrat avec Canal3 mais plutôt avec Bell Bénin. Qu’au nom de ce contrat, Bell Bénin lui doit une somme de 71 millions dont il a besoin lui pour payer le complément salarial de ses agents. Mais que Bell Bénin n’a pas daigné répondre favorablement à ces relances. Il ajoute que c’est au nom de ce contrat que cette société de Gsm utilise certaines de leurs infrastructures techniques. Et que c’est chemin faisant qu’il a constaté que la télévision (tous appartenant au conglomérat économique de la même personne) a installé frauduleusement ses installations techniques sur un site appartenant à l’Ortb (au lieu d’équipements de Bell Bénin) et qu’elle émet ses signaux depuis ce lieu sans aucune autorisation. Qu’irrité, il demande au gardien des lieux de couper ce fil là. Tel est le récit fait de cette mise hors tension. La plus spectaculaire et la plus saugrenue que la Bénin ait connue depuis 1990.
Akpaki a mis les pieds dans les plats
A dire vrai, l’argumentaire tenu hier par le Dg de l’Ortb est si décousu, si confus et si truffé d’incongruités qu’on peut se demander s’il en est vraiment l’auteur. S’il l’est, c’est qu’il a décidé alors de faire économie de vérité. Sinon le Dg ne pouvait pas ignorer que les affaires de dette font partie des affaires commerciales. Aucunement, il ne pouvait aller demander de procéder à des coupures du fait d’une dette surtout si un contrat les lie. Le Dg semble dire qu’il a découvert au passage que la télévision canal3 y a installé frauduleusement son émetteur sur leur installation sans leur avis ? Cette déclaration est bien discutable. D’ailleurs un responsable de la télévision Canal3 y a ironisé presque. « ils ne peuvent pas l’avoir su maintenant ». Une autre question. Le Dg affirme que c’est lui-même qui a demandé à un gardien la mise hors tension. Un gardien ? Mes oreilles ! Akpaki aurait dû se taire et laisser les vrais auteurs défendre leur canular et ne pas donner l’impression d’être en mission pour défendre l’indéfendable.