Ça va mal. Le torchon brûle dans le secteur des arts visuels. Les acteurs qui se sont regroupés en 2010 pour l’organisation et la tenue effective de la première édition de la biennale «Regard Bénin» ne parlent plus le même langage à propos de la deuxième édition. Trois groupes se sont formés avec une biennale chacun, dans un esprit de solitude qui risque de ternir l’image du pays dans ce domaine.
1. Le Bénin abrite du 08 Novembre 2012 au 12 janvier 2013, une biennale d’art contemporain dans le domaine des arts plastiques dénommée «Regard Bénin».
2. En cette même période -08 novembre 2012, 13 janvier 2013 précisément-, le pays va accueillir une autre biennale, «Biennale Bénin», aussi à l’échelle internationale et dans le même domaine.
3. Du 07 novembre 2012 au 14 janvier 2013, il y aura également «Biennale Bénin Bénin 2012», une autre biennale de même type presque.
A priori, on peut applaudir. Applaudir parce que notre pays allait abriter trois événements d’envergure internationale ; notre pays allait être le carrefour de l’art plastique pas seulement en Afrique mais dans le monde. Applaudir, pour toutes les bonnes raisons qui témoignent de ce que le secteur des arts plastiques au Bénin se porte bien ; le secteur foisonne d’inspirations et pas des moindres.
Hélas ! Dans le cas d’espèce, ovationner serait plutôt se réjouir du sacrifice qui s’en va être fait de ce noble art au Bénin. Et ce, au nom de la division existante au sein des acteurs béninois de ce secteur. Déjà, les Béninois, informés et qui ont, ne serait-ce même qu’une miette de faible pour les arts et culture au Bénin s’inquiètent de ce que ces culturels (artistes, responsables d’associations, etc.) s’en vont faire de l’identité culturelle béninoise, celle contenue dans les arts plastiques. Quelle image des arts plastiques au Bénin se préparent-ils de projeter au monde ?
L’origine du mal
Regard Bénin, est une biennale dont la première édition a eu lieu en 2010. Elle est une initiative de l’Association Regard Bénin. Les Béninois s’attendaient à la deuxième édition quand la mauvaise nouvelle leur parvint. Une vague de démission au sein du comité d’organisation. Et pour cause a-t-on appris, le Conseil d’Administration (Ca) aurait interpellé un membre de l’organisation pour un faux pas. Celui-ci, comme il en a droit, aurait jugé que le Ca l’a humilié, prononce sa démission et entraîne avec lui certains amis. Le deuxième événement qui s’annonce, «Biennale Bénin», est né du regroupement désormais de ces derniers dans un Consortium. De leur côté, ils ont mis en place leur dispositif pour la tenue de leur biennale, tout comme l’association qu’ils ont quittée. Quelle que soit la situation, chaque camp tient à sa biennale, mais dans quel esprit ? D’un bord, Ousmane Alèdji et les siens. De l’autre, Dominique Zinkpè et son équipe.
Voyant venir le danger qui guette leur corporation, des jeunes artistes plasticiens réunis au sein d’un collectif appelé «Nudowa Yôyô» ont décidé de protester. Ils sont Rafiy Okéfolahan, Marius Dansou, Benjamin Déguénon, Kajero et Totché en tête de pont. Ils expriment leur désir : «Nous voulons notre Biennale pour 2012 et pour toutes les autres éditions!». Pour ce faire, la solution, celle qui leur semble la plus idoine, c’est de créer une troisième biennale. D’où est née «Biennale Bénin Bénin 2012».
Le malaise
Voilà, le malaise actuel dans l’art plastique au Bénin. L’un des membres du collectif «Nudowa Yôyô», se confiant à un média de la place, reconnaît que cette double biennale n’aura d’autres conséquences que de ridiculiser le Bénin au plan international, si ce n’est déjà fait, de le décrédibiliser et de faire fuir les partenaires qui sont annoncés pour financer la biennale qui se trouve à sa deuxième édition. Et s’il fallait s’attendre encore à une troisième, comme ils le disent -si leurs aînés n’arrivent pas à accorder leur violon-, ce sera vraiment la honte pour l’ensemble du secteur. Les pionniers des trois camps notamment ceux des deux premiers en seront responsables. Ils sont quand même des acteurs culturels d’un niveau certain et ayant représenté déjà le Bénin à plusieurs rendez-vous culturels dans le monde. Et quand il s’est agi d’organiser quelque chose d’imposant chez eux, voilà le morceau qu’ils ont préféré dédier au peuple béninois.
Les intérêts divisent
Outre toutes les considérations et les arguments officiels qu’on nous aurait annoncés, c’est d’une manière ou d’une autre, la guerre des intérêts, en occurrence, «les financements importants qui pouvaient pleuvoir sur les organisateurs». Qui sous-tend la crise qui secoue le monde des arts plastiques. Dans l’évolution en solitude des deux premières associations, il s’est fait qu’une équipe a commencé par piétiner, voir s’accaparer des intérêts de l’autre. Il s’est même posé un problème de paternité du projet initial. Un camp parle de vol de projet et de bradage des intérêts béninois. Et même avec ce troisième regroupement, qui dit qu’il n’y a pas aussi des intérêts en jeu ? Les membres de ce collectif sont-ils vraiment neutres ? Ne sont-ils pas aussi partisans d’un camp? Surtout qu’on sait que la plupart d’entre eux, est plus proche de l’un des chefs de fil. Certains sont même plus ou moins embarqués dans les activités préparatoires d’une des deux premières biennales.
Alors, à tous les niveaux, les positions sont guidées par des intérêts. Longtemps, l’union que les artistes béninois ont toujours prônée a été théorique et éphémère. Les mêmes artistes qui s’unissent à un moment donné pour un événement, quelques années, se regardent en chien de faïence. Et ce, pour des gains personnels dans la majorité des cas. Et bonjour, les associations, les collectifs, les consortiums, les creusets, les cercles, les réseaux, …
Le meilleur, sera qu’au moins pour une fois, les plasticiens donnent la leçon en s’unissant pour sauver les meubles. L’arbitrage de l’autorité ministérielle en charge de la culture est plus que jamais attendu. Le ministre est au courant et aurait même réagi par le passé. Mais la mission est encore loin d’être accomplie. La fumée risque d’asphyxier toute la famille des plasticiens béninois. Elle reste divisée sur la biennale. soignons tous l’image de notre art. Sauvons la biennale, quelle soit «Regard Bénin», «Biennale Bénin» ou «Biennale Bénin Bénin 2012».