Emballement politique et embrouille dans la Cité : Pour un collège de médiation républicaine et un Grand Médiateur de la République

Le pays s’emballe ; concrètement cela signifie que les politiciens se positionnent à qui mieux mieux et tiraillent les citoyens dans toutes les directions, créant doute et perplexité dans leurs esprits à tel point qu’ils finissent par se demander à quel saint se vouer et comment le faire en toute connaissance de cause. 

Mais plus qu’un emballement c’est aussi à une embrouille que nous assistons

L’on se croirait déjà en pleine période électorale où les divers camps entreprennent de se remobiliser, réaffûter leurs armes et aussi se défier. Par des actions médiatiques et des démarches de proximité, le chef de l’Etat, prenant son bâton de pèlerin, fait largement état de son bilan et confirme ses projets. Certaines forces de l’opposition sonnent le tocsin ; réalisent la sainte alliance en rang de bataille et dénonce globalement la gouvernance du pays : c’est l’emballement. En période politique trouble les plus astucieux ont toujours su créer la zizanie pour se mettre en mesure de tirer leur épingle du jeu en toutes circonstances ; prenant bien soin d’avoir un pied dans chaque camp afin d’être en mesure de réunir promptement les deux dans le même, lorsque le vent prendra la direction jugée la plus avantageuse pour eux : c’est l’embrouille.

Les forces politiques sous tension

Comme si le seul ‘’entretien à coeur ouvert’’ ne nous avait pas suffisamment commotionné, d’aucuns ont pensé le moment opportun pour remuer le couteau dans la plaie que l’on cherche à cicatriser pourtant au moment où la population retient son souffle. Le comportement est d’autant plus insolite qu’il provient de l’intérieur même de la ‘’mouvance’’ parlementaire. Sacrée mouvance que l’on intègre par calcul et dont l’on s’écarte aussi par calcul, faisant du pied au camp d’en face et ne s’embarrassant guère du scrupule à y conduire, le cas échéant, toute la clientèle qui vous fait confiance. Cela impacte négativement les esprits et crée en eux non plus le doute critique et positif mais le trouble et le sentiment de dupe. Et il s’est trouvé des opinions pour louer et récupérer cette zizanie en évoquant la liberté d’expression et le courage politique avec tout ce que ces notions ont de plus noble en elles. Il est permis d’en avoir autre appréciation car l’homme politique à qui l’on souhaite vouer respect et grande considération devrait savoir, en toutes circonstances, faire l’économie de tout propos susceptible d’affaiblir son propre camp alors que son leader est en difficulté. Cette exercice revient de plein droit à l’opposition et elle a les armes nécessaires pour le faire sans besoin d’assistance extérieure. Il est donc bienséant que les forces qui ne s’en réclament pas, ne s’y mêlent point : il y va de la transparence politique. C’est une affaire d’éthique politique car en politique aussi, il y a une éthique; et cela sans préjudice aucun du principe de la liberté d’expression à laquelle nous tenons comme la prunelle de nos yeux. Culminant la confusion des genres, les forces syndicales ont entrepris de flirter en toute lumière avec les forces politiques pour régler, ont-elles dit elles-mêmes, leur compte au pouvoir en place. Les syndicalistes nous disent avec le plus grand sérieux au monde que l’opération n’a rien d’illégal et qu’elle est même légitime ; il ne nous reste plus qu’à retourner à l’école et nous informer de ce qu’est un syndicat. C’est tout cela l’embrouille et l’embrouillamini qui encombrent les consciences et engendrent le stress social. L’essentiel est que ceux qui nous gouvernent autant que les forces d’opposition gardent la tête froide pour ne pas perdre contenance et que le pays ne s’embrase pas sous nos yeux. Faute de ce faire, elles seront toutes ensemble comptables de la situation devant l’histoire.

Des tensions en mal de conciliation

Les hommes politiques, toutes obédiences confondues, ont bon gré mal gré, fait monter la tension politique dans le pays. Cette tension ne date pas du Ier Août ; elle s’est éclose et déclarée ouvertement à compter de ce cette date mais elle était déjà lancinante et les paramètres ne lui faisaient guère défaut : une LEPI dont tout le monde n’est pas satisfait, des grèves perlées des services financiers d’une durée exceptionnelle, du jamais vu sous aucun ciel si ce n’est le nôtre ; la fronde des enseignants et le bras de fer engagé avec l’Etat laissant les apprenants dans les rues, hagards et désœuvrés ; les grèves à répétition des magistrats, les contentieux commerciaux et les passions qu’ils ont soulevées, les résistances aux réformes à caractère économique ; la cabale autour du projet de révision de la Constitution et, cerise sur le gâteau, la naissance d’un Front citoyen uni. Et j’en oublie pour sûr. Cette tension qui fait le jeu des hommes politiques, n’amuse guère le citoyen qui aspire à la légitime tranquillité entre deux campagnes électorales. Le peuple ne pourra pas supporter cette tension pendant encore trois ans ; il stresse déjà. Tout le monde y perdrait si cette situation devait perdurer ; les forces politiques elles-mêmes y comprises car la population finira par en avoir ….assez et quand la population en a assez de cette manière, elle fait généralement volte-face et se retourne contre ceux qu’elle estime être les instigateurs de la situation qu’ils lui font vivre. Alors, il vaudrait mieux trouver dès à présent une porte de sortie honorable pour tous. D’aucuns pensent qu’il revient au Chef de l’Etat de rechercher l’apaisement et de calmer le jeu dans la mesure où les tensions, latentes depuis longtemps il est vrai, ont été déclenchées par le détonateur qu’était l’‘’entretien à cœur ouvert’’. Ils ont certainement raison parce que c’est lui que nous avons élu Président de la République pour garder le pays en bon ordre ; c’est lui le garant de la paix sociale. Il lui revient de ramener le calme quand bien même en mauvaise posture de juge et partie qu’il lui faudra cependant transcender. Mais il ne nous vient pas à l’idée d’obtenir du Chef de l’Etat qu’il aille à Canossa ou qu’il batte sa coulpe dans un entretien parallèle visant à ramener le calme. Des gestes forts d’apaisement suffiront ; un peu d’eau froide sur les zélés supporteurs suffirait ; la démonstration publique de la réconciliation effective avec les opérateurs économiques suffirait ; la réaffirmation des libertés d’expression et de réunion accompagnées d’instructions y afférentes suffirait également. Il n’est de doute dans aucun esprit que le Chef de l’Etat, se hissant au dessus de tout calcul politique s’il y en avait, saura ramener cette paix dans le cœur des citoyens qu’il proclame aimer tant ; la tension est à son comble. En extrapolant et en projetant dans un futur hypothétique telle situation de tension qui perdurerait , la raison mais aussi l’esprit de prévision qui nous fait tant défaut requièrent que nous réfléchissions d’ores et déjà à une structure d’interposition et de conciliation. Autrement que ferions-nous alors dans le cas de figure où les protagonistes ne baisseraient pas la garde et que le déchaînement des passions ferait boule de neige sans garde-fou pour les contenir? C’est pour faire face à cette éventualité que nous suggérons l’institution d’une médiation républicaine.

Le Médiateur de la République de nos jours

Dans les situations tendues nous avons pris l’habitude d’en appeler à l’Eglise catholique ; cela me parait avoir quelque chose de gênant qui ne se dit pas. Après tout nous sommes un Etat laïc fondé sur la séparation du religieux et de l’Etat. Il est vrai cependant que c’est au clergé que devons la réussite de notre Conférence nationale. Il a été sollicité alors que nous n’avions pas un Médiateur de la République qui, au demeurant, ne pouvait faire face à la situation et maîtriser un événement de telle ampleur.

Notre Médiateur de la République est régi par la loi N°2009-22 du 11 août 2009. Il est une institution de l’Etat ; une autorité administrative indépendante. En tant que telle sa mission consiste à recevoir et traiter les réclamations des administrés relatives au fonctionnement des administrations centrales de l’Etat, des collectivités décentralisées, des établissements publics et les étudier afin d’y apporter des solutions équitables. Il suggère au Chef de l’Etat des propositions tendant au fonctionnement normal et à l’efficience des services publics. Il œuvre pour l’amélioration de la gouvernance dans l’administration qui pourra induire de meilleurs rapports avec les usagers et les forces sociales.

Organe intercesseur gracieux entre l’administration publique et les administrés, il peut être saisi, par réclamation individuelle écrite, par toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, qu’un organisme d’Etat ou investi d’une mission de service public, n’a pas fonctionné conformément à la loi. Dans l’exercice de ses attributions, le Médiateur de la République peut se saisir d’une situation de son propre chef ou à la demande du Président de la République ou du Gouvernement. Il est nommé par décret pour l’exercice d’un mandat quinquennal non renouvelable

Un médiateur de la République de type nouveau

Nous retenons de ce qui précède que le Médiateur de la République est une personnalité sans profil déterminé par la loi et qui s’occupe principalement du règlement des différends d’ordre administratif entre un individu et l’administration . C’est dans ce seul schéma que s’exerce la médiation dans notre pays ; ce qui est déjà une bonne chose mais, à notre sens, insuffisamment réfléchie. Statutairement un médiateur de la République devrait être un homme de rassemblement, une personnalité médiane, sachant naviguer entre les institutions et les positions partisanes pour parvenir à la conciliation. Dans cette optique, il serait souhaitable qu’il ne soit pas chef de parti ou membre influent d’un parti ; en tout état de cause, il serait indiqué qu’il ne descende pas dans l’arène politique sous aucun prétexte. Il devrait en toute circonstance inspirer impartialité, respectabilité et confiance au peuple. Il ne devrait à aucun moment faire l’impression de donner un coup de pouce au pouvoir en place ni de s’en éloigner, d’une manière ou d’une autre, à sa guise. Apparemment aucune de ces considérations n’a été prise en compte par la loi institutionnalisant le Médiateur de la République jadis organe présidentiel de médiation. C’est alors symptomatique que les journaux mettent en manchette des éléments comme « Entre Yayi et Tévoedjre c’est fini » ou « le divorce est consommé entre Yayi et Tévoedjrè » ou encore ‘’ Rien ne va plus entre Yayi et Tevoedjrè’’. Que les Autorités visées veillent bien nous pardonner de les avoir citées nommément ! Signe de confusion que sont ces scoops dans les esprits qui consciemment ou non voyaient le médiateur de la République comme un allié du pouvoir. Car, quand bien même il ne traiterait que d’affaires administratives, un médiateur de la République ne peut, à notre sens mais nous pouvons nous tromper, jouer correctement le rôle de conciliateur tout en étant partisan officiel et public dans quelque chose quelle qu’en soit la nature sans préjudice toutefois des actions méritantes dont la société est redevable à l’actuel titulaire de la fonction.

Un Grand Médiateur de la République

La situation devient plus délicate lorsqu’il s’agit, non plus de disputes administratives mais de différends politiques ; plutôt de tensions politiques persistantes qui secouent le pays loin des périodes électorales. Dans une réflexion antérieure portant « Colère du Chef de l’Etat : décryptage à froid et enseignements » nous nous félicitions en définitive du fait qu’une opportune et salutaire mission de commerçants, qui plus est, dirigée par un Sénégalais nous ai aidé à rétablir le contact entre le Chef de l’Etat et les commerçants sur la sellette, en préjugeant de l’intermédiation officieuse de certaines personnalités de la place ; et nous écrivions alors : « telle intervention tout aussi prompte qu’efficace ne pouvait qu’avoir été préparée et négociée en amont » et qu’ « au total il y avait de quoi s’en féliciter d’autant qu’elle a mis en exergue les aptitudes des africains à s’entraider pour régler promptement leurs problèmes du moins à caractère non politique ». Nous avions poursuivi avec le questionnement suivant : « Mais quid du règlement des conflits politiques éventuels qui pourraient subvenir soit ex abrupto sans aucune implication juridique précise, sans implication de points de droit pouvant justifier l’intervention des instances juridictionnelles prévues dans la Constitution ; soit à la suite d’un débordement de différend à caractère non politique au départ et ayant débouché sur un différend politique de grande envergure comme nous venons d’en être menacés ? Peut-être devrait-on commencer à y réfléchir déjà. » Le moment est arrivé pour trouver une réponse au questionnement. C’est pourquoi nous proposons l’institution d’un collège de médiation. Cette instance sera présidée par le Médiateur de la République ayant, condition sine qua non, le nouveau profil que nous avons déterminé plus haut. Les membres de droit pourraient être tous les anciens Présidents de la République, le Président de l’Assemblée nationale et les maires en fonction dans les cinq plus grandes communes du pays. Les autres membres pourraient être : un représentant de l’Eglise catholique, un représentant de la religion musulmane, deux représentants des religions endogènes et deux représentants des Sages ; tous choisis par le Médiateur. Institution de l’Etat, le collège siégera sur convocation du Médiateur de la République ou sur requête de plus de la moitié des membres de droit. Il sera alors conféré au Médiateur de la République, le titre de Grand Médiateur de la République qui aura ainsi deux catégories d’attributions : l’une administrative et permanente telle qu’il l’exerce actuellement ; l’autre politique et ponctuelle en cas de tension politique extrême. Et pourquoi n’envisagerait-on pas d’inclure telle institution dans notre Constitution ; ne serait-elle pas un organe stabilisateur de la paix au même titre que la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication qui fait un travail merveilleux pour la préservation de la paix dans le pays comme elle vient d’en administrer la preuve en sifflant la fin de la récréation à une dérive informative qui ne savait plus s’arrêter ? Nous aimons à penser que le financement d’une telle institution, du moins dans son aspect politique de maintien de la paix sociale, ne rencontrera pas grandes difficultés auprès du Programme des Nations Unies pour le Développement.

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