Si Dieu le Père n’avait pas été avec nous…Toute phrase qui commence ainsi, dans notre environnement culturel traditionnel, annonce bien clairement les couleurs. On tient à dire qu’on a frôlé le pire, qu’un grand danger a été évité de justesse.
En effet, si Dieu le Père n’avait pas été avec les Rois et Chefs traditionnels de notre pays, ce 25 août 2012, peut-être que le Bénin aurait été effacé de la surface de la terre.
Ce jour-là, alors que nos Rois et nos Chefs traditionnels s’étaient réunis en Congrès constitutif à l’effet de mettre en place un Haut Conseil des Rois du Bénin, le diable s’était invité dans le débat. Des noms d’oiseaux ont fusé. Des menaces ont giclé. Il ne manquait plus qu’à ponctuer le tout d’arguments frappants. Ce qui aurait ouvert au Bénin et à ses Rois un chapitre spécial dans le Guinness des Records.
Le Bénin, en devenant une République, aurait pu être tenté, comme d’autres pays, de décréter la mort de nos Rois et de nos Chefs traditionnels. Et dire que le colonisateur français qui a importé, chez nous, la République n’a pas cru devoir franchir le Rubicond. Il n’a pas osé aller à cette extrémité. Même s’il s’était acharné, par ailleurs, à vider l’institution monarchique de tout contenu.
La Royauté et la Chefferie traditionnelle étaient hier et restent aujourd’hui encore, l’incarnation d’un vrai pouvoir. Dans une localité donnée si l’on devait confronter la parole de l’homme de la tradition avec celle du représentant du pouvoir républicain, on aurait été situé et édifié. On connaît l’instance dont la parole compte davantage auprès des populations.
Ainsi, hors des dérives que l’on note et qui tendent à les banaliser, les Rois et les Chefs traditionnels ont des relations d’écoute et de confiance avec une majorité de Béninois. Ils sont et ils restent les médiateurs les plus efficaces dans la République. Leur mode de fonctionnement ne les expose pas sur la place publique. Leur code de communication les éloigne de tout m’as-tu-vu. Ils agissent en toute discrétion, avec la pudeur qui sied à la tradition.
La Royauté et la Chefferie traditionnelle restent notre plus sûr ancrage culturel dans un monde globalisé qui agrège et désagrège les identités des peuples, nivelant par le bas, massifiant à grande échelle. Si la guerre de leadership qui occupe certains de nos rois et chefs devait bouffer leur énergie et les éloigner de l’essentiel, ils oublieraient leur devoir de gardiens du temple. L’évolution actuelle de la planète, les rapports de forces qui la structurent leur imposent d’être et de rester les dépositaires légitimes et attitrés d’un patrimoine à la fois matériel et spirituel.
La Royauté et la Chefferie traditionnelle restent la face sacrée d’une Afrique qui se désacralise, qui ne respecte plus la parole donnée, qui tente de tout chosifier, de tout réifier, de faire bon marché de ses valeurs essentielles. C’est en cela que, dans la tourmente d’un monde agité où tout se vend et s’achète, la Royauté et la Chefferie traditionnelle doivent se laisser marquer d’un sceau distinctif et particulier. Elles doivent être un havre éthique et moral. Qu’elles restent la Bourse de nos valeurs non négociables.
Pour qu’il en soit ainsi, chaque chose devant revenir à sa place et tenir sa juste place, la Royauté et la Chefferie traditionnelle doivent se renouveler. Aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elles doivent changer pour mieux être dans l’air du temps. Elles doivent garder intact ce qu’elles ont d’intemporel et qui leur a permis de traverser les âges sans être hors d’âge. Leur façade est à ravaler. L’héritage dont elles sont les légataires est à préserver et à fructifier. Mais à quel prix ?
La Royauté et la Chefferie traditionnelle doivent recouvrer leur dignité égratignée ou perdue. La maison aura bien besoin d’être balayée. L’on doit s’obliger de ne plus mélanger les torchons avec les serviettes.
La Royauté et la Chefferie traditionnelle auront besoin de «s’infrastructurer », de s’assurer une base matérielle indispensable. C’est aussi la condition pour mériter tout le respect qui leur est dû. Si l’habit fait le moine pour entrer en son abbaye, l’habit doit faire le Roi pour trôner en son palais.
La Royauté et la Chefferie traditionnelle doivent sortir de l’informel. Cela tient d’une banalité qui ne doit pas masquer une vérité : n’est pas roi qui veut.
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