L’hommage du présent au passé

Il est des passés qui ne sont jamais dépassés. C’est en les revisitant qu’on saisit et comprend le sens des temps présents.

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Condense et illustre une telle idée, le symposium scientifique que l’université d’Abomey-Calavi a organisé du 26 au 28 septembre 2012. Il s’agit de rendre hommage  à l’ancien et premier Recteur de l’Université nationale du Bénin, le professeur émérite Edouard Adjanonhoun.

La mémoire était donc au centre des préoccupations des organisateurs de ce symposium. La mémoire contre l’oubli. La mémoire contre l’indifférence. La mémoire contre le mépris. Il faut à tout prix casser la croyance selon laquelle ce qui est passé est à ranger sagement dans les arrière-boutiques de l’histoire. Pour n’avoir à l’horizon que les vagues chatoyantes  de la mode.

Le comble de la bêtise aurait été que les jeunes animateurs de l’Université fassent table rase de tout et se prennent pour les bâtisseurs d’un ordre nouveau. Comme si, avant eux, il n’y avait rien. Alors, au diable les anciens, stigmatisés comme les produits obsolètes et démodés d’un monde qui finit. Comme si  avec eux ou à partir d’eux, nous avons affaire à une nouvelle race de héros de légende qui se croient sortis de la cuisse de Jupiter.

L’équipe des responsables élus qui ont la charge de diriger l’université d’Abomey-Calavi ne s’est pas laissée tomber dans cette logique débile et prétentieuse. A travers l’hommage rendu à son tout premier recteur, l’université d’Abomey-Calavi a tenu à rappeler la dette du présent vis-à-vis du passé. Elle n’a pas moins indiqué les modalités d’un acquittement de cette dette. Et surtout comment honorer tout à la fois, par ce geste de haute portée symbolique, le débiteur et le créancier.

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Cet exemple mérite de faire tache d’huile. Dans un pays qui a  pris l’habitude d’enterrer vivants nombre de ses valeureux enfants. Comme si l’assassinat administratif perpétré avec la retraite devait être parachevé par l’octroi d’une tombe, d’une concession perpétuelle. Cet exemple mérite, par ailleurs, de retenir l’attention. Dans un pays qui a pris l’habitude d’honorer, à titre posthume, la plupart de ses serviteurs émérites. Comme si les fleurs fanées d’une reconnaissance tardive pouvaient effacer l’offense faite a celui qui s’en va et qui, de toutes les manières, n’a rien demandé. Qu’il nous plaise de décliner quelques facettes de la mémoire.

Il y a, d’abord, la mémoire activée par le témoignage des autres. C’est ce qu’a voulu faire l’université d’Abomey-Calavi à travers l’hommage rendu au professeur Edouard Adjanonhoun. La jeune génération des Béninois en général, des étudiants en particulier, a besoin de savoir. Leur université n’est pas le fruit d’une génération spontanée. Elle n’est pas non plus une entité sans passé, donc sans histoire. A travers l’hommage rendu à son premier recteur, l’université restituait des pans entiers de son histoire. Elle saluait en même temps, tous ceux qui étaient unis dans la même cordée, ayant apporté leur part de contribution à l’édification de la maison commune.

Il y a, ensuite, la mémoire restituée par son propre témoignage. Nous sommes tous, même si certains le sont plus que d’autres, les témoins de notre temps. Nous avons vécu et nous vivons des choses marquantes et singulières. Sur les pages immatérielles du livre  du temps qui passe, nous laissons chaque jour nos empreintes. Elles sont uniques. Elles sont personnelles. Elles ont vocation à être partagées avec d’autres.

Certains de nos compatriotes ont les moyens d’écrire leurs mémoires. Beaucoup d’autres, sans disposer des mêmes moyens,  pourraient dicter leurs souvenirs. Dans tous les cas, l’exercice relève d’un devoir de mémoire à faire honorer par tous ceux et toutes celles qui veulent contribuer à reconstruire le puzzle de notre histoire. Nous devons éloigner ou envoyer dans un zoo lointain, ces trois tristes singes de l’une de nos légendes : l’un ne voit rien,  l’autre ne dit rien, le dernier n’entend rien. Nous affirmons que nous avons tant à écrire et tant à dire. Nous sommes à l’écoute.

Il y a, enfin, la mémoire nourrie par le témoignage des œuvres, bonnes ou mauvaises, que nous laissons derrière nous. Ces œuvres marquent, comme des bornes-repères, nos parcours individuels et collectifs. Ce qui confirme ce que nous ne savons que trop et qu’Ernest Renan exprime en ces termes: « La vie est un pont construit par les morts et sur lequel marchent les vivants ».

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