Retour sur les élections aux USA avec Pascal Zinzindohoué : « …Pour des institutions fortes »

Pour aller plus loin dans la compréhension du système électoral américain et les leçons que nous pourrions en tirer pour notre pays , nous  nous sommes rapproché de deux compatriotes de la diaspora.

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Le premier c’est Pascal Zinzindohoué, sociologue , fonctionnaire de l’Us aid depuis une vingtaine d’années et qui vit  et travaille à Washington depuis quatre ans l’autre c’est  Jean F Houessou  consultant qui  réside  à Atlanta et cumule quinze ans de vie  aux Etats Unis. L’un et l’autre jettent un regard, , somme toute lucide  sur le sytème électoral  américain et tirent les leçons pour une amélioration de nos systèmes électoraux.Nous présentons ce jour l’interview du premier cité.Retrouvez dans l’édition de demain jeudi le point de vue de Monsieur Jean F. Houessou.

Avez -vous été surpris par la victoire d’Obama à la dernière élection présidentielle ?
Monsieur Foly, je ne suis pas un Spécialiste du système électoral, ni du droit constitutionnel  Américain, mais je vous dirai ce que j’en sais et les leçons que j’ai apprises depuis que je vis dans ce pays ou la Démocratie fait des progrès remarquables depuis plus de deux cents ans et se renforce tous les jours.
Je n’ai pas été surpris par le résultat final, c’est-à-dire, la réélection du Président Barack Obama. Par contre, ce qui m’a surpris, c’est le fait qu’il l’ait emporté dans des Etats importants comme la Floride et la Virginie alors que les derniers sondages montraient les deux candidats au coude-à-coude, avec parfois un léger avantage pour Romney dans ces Etats.  J’ai été encore plus surpris par sa performance dans les Etats de Massachussetts et de Wisconsin qui sont les Etats respectifs du candidat Mitt Romney et de son colistier, le Sénateur Paul Ryan, ce qui accrédite la thèse selon laquelle les Américains ont largement dépassé l’étape du vote pour le fils du terroir  pour apprécier les candidats à l’aune de leur programme et de leur capacité à gouverner la grande Amérique comme première puissance mondiale.. 

Les sondages ne lui étaient pourtant pas favorables, qu’est-ce qui, à votre avis,  explique cette victoire ? Dites-nous :
C’est vrai que les sondages étaient vraiment serres et certains avaient même placé le candidat Républicain en tête quelques jours avant l’élection.  De mon point de vue, il y a eu un faisceau de facteurs qui ont favorisé cette victoire du Président Barack Obama. 
• Il y a  d’abord le fait que les Etats-Unis comme certains pays d’immigration, connaissent une dynamique démographique qui fait que les latino- américains connaissent un accroissement significatif de leur population immigrante aux USA.  Et dans cette dynamique, ce sont les Démocrates, qui ont une politique plus claire sur l’importante question de l’immigration qui emporte l’adhésion de ces populations en âge de voter parce qu’ils veulent voir les conditions de leurs compatriotes (immigrants) -s’améliorer au plan de l’immigration.
• Ensuite, le taux de chômage qui était au-dessus de 10% à l’avènement des démocrates a baissé à 7,9% en fin Octobre, juste avant l’élection. Ce n’est pas rien , même si on est encore loin du déficit en termes d’emplois bien rémunérés . Et ce faisant, le Président Obama a battu un record historique parce que depuis 1960, aucun Président sortant n’a pu être réélu avec un taux de chômage au-dessus de 7%.
• Les deux candidats et leurs équipes ont mené une campagne extraordinaire. Si Mitt Romney a inlassablement mis l’accent sur l’économie et la création d’emplois  en indiquant que c’est ce que lui il sait faire et qu’il a fait dans sa carrière d’homme d’affaires, le candidat démocrate a surtout mis en évidence le rôle et l’importance de l’éducation dans la construction d’une économie forte, en focalisant l’attention des américains sur la nécessité de faciliter les conditions de vie à la classe moyenne, en allégeant l’accès et les conditions d’études au collège pour les jeunes.  En somme, la vision du candidat démocrate a été plus largement et facilement perçue par les électeurs, par exemple sa réforme de la santé et  sa volonté de poursuivre sans accrocs son plan de faire revenir à la maison, les forces américaines actuellement en mission en Afghanistan.  La position de Mitt Romney sur ces questions a été de revoir la loi sur la réforme santé, sans être explicite sur comment procéder en lieu et place, pour faire bénéficier la classe moyenne d’une couverture en services de santé dont tout le monde sait qu’elle coûte les yeux de la tête aux Etats-Unis.  Enfin, sur la question militaire, Mitt Romney a promis augmenter le budget de la Défense dans un environnement où le déficit budgétaire est abyssal alors que le Président Barack Obama avait suggéré une réduction, sur la base des économies réalisées sur la réduction des dépenses de guerre. Ces deux visions de l’Amérique dans les 4 prochaines années ont été plus clairement perçues au profit de Barack Obama que de Mitt Romney, le premier ayant été jugé plus proche des aspirations du moment de ses compatriotes.  

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-un mot sur l’organisation mise en place par les stratèges du camp démocrate.
Vous avez vécu les cinq derniers jours de campagnes sur le terrain.  Moi j’ai trouvé que les Démocrates ont mis en place une stratégie de campagne de proximité, plus soft, en utilisant les nouvelles technologies avec les réseaux sociaux (Facebook, tweeter, etc…  pour atteindre les électeurs.  Sans être encore un électeur, je ne peux pas vous dire combien de messages j’ai reçus dans ma boîte électronique au cours de cette campagne, même 5 minutes après que Cnn eut donné la projection des résultats sortis des urnes en faveur du Président Obama, nous avons reçu un message de remerciement.  Il est aussi important de souligner que le camp démocrate nous a vraiment servi une campagne moins agressive, évidemment c’est le candidat Mitt Romney qui devait naturellement aller à l’assaut de la Maison Blanche, mais les Démocrates ont développé des arguments pour montrer qu’il faut aller de l’avant au lieu de revenir à la crise financière de 2008 avec son lot de chômage. N’oublions jamais la présence des femmes dans cette campagne.  Michèle Obama, la première dame des Etats-Unis n’est pas seulement restée aux côtés de son mari de Président, elle a fait sa campagne en  traversant elle-même des Etats plusieurs  fois comme la Virginie, l’Ohio au même titre que le Vice-Président Joe Biden, son fils Beau Biden ainsi que l’ancien Président Bill Clinton dont la contribution à la réussite de la campagne des démocrates a été plus que déterminante pour la victoire des démocrates. Le charisme personnel du Président Obama et les valeurs qu’il incarne et défend ont fait le reste dans la stratégie de campagne des Démocrates. 

-Un mot sur le candidat Romney et  sa stratégie de campagne et les raisons de son échec
La stratégie de campagne du candidat Mitt Romney était un peu plus agressive et  était focalisé sur l’économie, l’emploi.  Le candidat républicain a essayé de démontrer que le Président Barak Obama et ses amis démocrates veulent instaurer une politique sociale qui fait dépendre 47% des américains des subsides de l’Etat. Prenant le contre-pied de la volonté des démocrates de renforcer la classe moyenne par une meilleure éducation et une couverture en services de santé conséquente pour créer les conditions de production économique et donc de croissance, Mitt Romney s’est un peu mis à dos une certaine frange de la population américaine, notamment les minorités qui aspirent à participer dans la dignité à la construction des Etats-Unis et à bénéficier de manière équitable de la richesse nationale.  Les raisons de son échec résident en partie dans son assurance que les américains allaient sanctionner le Président Barack Obama pour manque de résultats alors qu’en réalité les électeurs pensent plutôt qu’il fallait à ce Président volontariste, plus de temps pour avoir un impact sensible sur leur vie quotidienne et sur l’avenir de leur famille. 

La gestion que le président candidat a faite de la crise née des désastres de l’ouragan Sandy  sur la côte- est,  a-t-elle  influé, comme certains médias ont pu l’écrire, sur le choix des électeurs ?
Dans une certaine mesure oui.  Le Président Barack Obama a pris ses responsabilités de Commandant en Chef pour superviser lui-même les opérations de prévention et de gestion des conséquences de la tempête Sandy.  Il a non seulement suspendu sa campagne pour deux jours, (ce que Mitt Romney aussi a fait), mais il a surtout travaillé avec le Responsable de l’Agence Fédérale de la Gestion des catastrophes pour coordonner l’assistance aux victimes.  On se souvient encore de sa descente dans l’Etat de New Jersey, l’un des Etats les  plus touchés par la tempête.  Chris Christie,  Gouverneur républicain de cet Etat, qui trois jours avant la tempête avait décoché des flèches  contre le Président Barack Obama pour selon lui, son manque de leadership, a publiquement exprimé son admiration pour le candidat démocrate pour son leadership pendant cette catastrophe et son appréciation  pour les mesures prises pour faire face à la catastrophe. Dans leur ensemble, les républicains ont reconnu  que cette crise a reçu la meilleure attention du gouvernement Fédéral et ceci a rejailli positivement sur la campagne du candidat démocrate.  
4-Dites-nous un mot sur la composition de l’électorat qui a porté son choix sur le candidat Obama. Peut –on dire qu’il a  été  essentiellement élu grâce au vote des minorités, d’autant que certaines statistiques établies  après le vote ont montré qu’une forte majorité de l’électorat blanc a plutôt voté pour Romney?
Comme je l’ai indiqué, le vote de l’électorat latino-américain a été déterminant pour la victoire du Président Back Obama en raison de leur sensibilité accrue aux messages des démocrates.  En 2004, le Président George Bush alors candidat à sa propre succession avait remporté 44% de cet lectorat.  En 2008, le candidat John McCain n’a réuni que 31% du même lectorat dont le nombre ne cesse de croître.  Au cours de l’élection de 2012, Mitt Romney n’a pas fait mieux, il n’a obtenu que 27% du vote des latinos. Cette dynamique                    démographique favorise les démocrates qui semblent démontrer plus de solidarité envers ces populations dont certains ont brillamment réussi leur intégration aux Etats-Unis (Gouverneurs, Sénateurs, Maires),  alors que des millions vivent toujours dans  la hantise du séjour illégal.

Quels rôles  jouent les swing states ? Et combien y en a-t-il et comment la victoire de l’Ohio a été décisive pour la victoire du candidat démocrate et pourquoi ?

Les Swing States, c’est dans ma compréhension, des Etats dits clés dont il faut remporter un certain nombre pour prétendre gagner  l’élection.  Ils sont, si je ne me trompe, au nombre de neuf. Les deux candidats ont ferraillé dur pendant la longue campagne dans ces Etats afin d’emporter le collège des électeurs mis en jeu.  C’est le cas par exemple de la Californie, de l’Ohio, de la Virginie, de la Caroline du Nord et de la Floride pour ne citer que ceux-là. S’agissant plus particulièrement de l’Ohio, cet Etat a été le terrain privilégié de la bataille électorale.  La tradition a été établie depuis au moins un siècle qu’aucun Président n’a gagné la Maison Blanche , sans gagner les 18 votes du collège électoral de l’Ohio.  Cette tradition vient encore d’être respectée. Ensuite pour les Démocrates et le Président Barack Obama en particulier, l’enjeu était de taille.  Souvenez-nous que l’une des premières décisions qu’il a prises dès son arrivée à la Maison Blanche en pleine crise financière, c’était de porter l’aide financière remboursable (Bailout) de l’Etat aux Banques et industries automobiles menacées de faillite par la crise.  Dans le même temps, Mitt Romney qui est un Capitaine d’industrie (déjà candidat malheureux aux primaires républicaines de 2008) s’y était opposé, proposant plutôt qu’on laisse les compagnies aller à la banqueroute pour qu’elles cherchent les meilleures stratégies pour se relever. L’option faite en 2009 par le Président Obama a protégé des milliers d’emploi dans ces entreprises dont les ramifications financières s’étendent parfois jusqu’en en Europe. Les électeurs de l’Ohio, notamment les familles des emplois ont été protègés, ont renvoyé l’ascenseur au candidat démocrate.
Au delà, je pense que les enjeux de l’Etat d’Ohio sont aussi psychologiques, les sondages dans cet Etat pouvant avoir un impact sur les électeurs d’autres Etats.  Et c’est sans surprise que les Etats-majors des deux candidats ont pratiquement déménagé dans l’ Ohio quelques jours avant l’élection et y sont restés jusqu’à la veille du déroulement de l’élection.
-5- Revenons sur la campagne  proprement dite : de l’avis de nombreux observateurs, les débats télévisés entre les deux candidats  n’ont  aucun effet  sur le choix définitif des électeurs .Pourtant le  président -candidat a commencé véritablement  à sombrer dans les sondages à  la suite de ses piètres performances au cours du premier débat. Comment expliquez-vous cela ?

Il serait difficile de l’affirmer ainsi.  Je pense que le fait que Mitt Romney ait remporté le premier débat Présidentiel a contribué à resserrer un peu l’étau autour du camp démocrate.  Une vaste campagne médiatique a été immédiatement développée par les stratèges républicains pour vanter le leadership de Mitt Romney et sa capacité à exercer la fonction de Commandant en Chef. Ce débat dont les démocrates même ont reconnu que leur candidat était presqu ’absent a relancé la machine de Mitt Romney qui avait commencé à croire à ses chances. Celui des Vice-Présidents a quelque peu remis les pendules à l’heure, même si  cela ne pèse pas dans l’appréciation des candidats pour l’élection du Président.  Mais le Président Barack Obama lui-même a pu rebondir au cours des deux derniers débats portant sur les affaires sociales et la politique internationale  qui sont vraiment ses points forts et dont il fait vraiment le lien avec l’économie. Mais l’autre élément qui explique la victoire du Président sortant en rapport avec le débat, c’est que le dernier débat a vraiment montré que Mitt Romney n’avait pas encore bien réfléchi à sa politique étrangère et état oblige d’acquiescer même d’approuver ce que disait le Président Obama. En gros, on peut affirmer que les débats ont joué un rôle, mais pas significatif dans la formation du résultat final.

D’où vient toute cette masse d’argent collecté par chacun des principaux candidats et à quoi sert-il, cet argent ?

Je ne comprends pas très bien la stratégie de collecte de fonds des républicains. Mais s’agissant des démocrates, je peux vous dire que le Président Barack Obama a beaucoup compté sur l’apport des petits contributeurs. Des millions de messages électroniques sont adressés tous les jours aux contributeurs potentiels qui peuvent donner à partir de 5 dollars. C’est aussi simple que cela.  De mon point de vue, le succès de cette stratégie de collecte repose en partie sur le climat de confiance qui est créé par le candidat lui-même, la première dame, le Vice-président Joe Biden et de nombreuses autres personnalités, membres de l’équipe de campagne du candidat démocrate. Et je pense que l’argent est utilisé effectivement pour couvrir les dépenses de campagne dont  les spots télévisés t constituent une partie importante.   

Quelles leçons pensez-vous qu’on puisse  en tirer pour un pays comme le Bénin en matière de financement de la campagne et de la destination des fonds ainsi collectés ?

En matière de financement de campagne, tout reste à faire au Benin. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités en élaborant une politique claire de financement des partis politiques et ensuite de campagnes électorales, à travers une légalisation qui devra être discutée  avec les partis politiques.  Cette approche permettrait même de réduire le nombre de partis en créant les conditions de leur regroupement en ensembles plus forts avec des visions claires pour le développement de notre pays. S’il y a des aspects qui forcent l’admiration dans la démocratie américaine, c’est l’existence et le respect des textes, ainsi que la force des institutions.  Figurez-vous qu’au moment où se déroulait cette longue et intense campagne, se dérouleraient aussi des batailles judiciaires sur les tentatives de restriction du vote anticipé dans certains Etats, notamment républicains.  Et ces cas sont traités au fur et à mesure par les tribunaux des Etats qui tranchent avec diligence pour ne pas pénaliser les électeurs et léser l’un ou l’autre des candidats.  En Afrique et au Benin, nous devons rompre avec la pratique actuelle qui consiste à faire financer des campagnes par des hommes d’affaires qui ont tendance à manipuler les hommes politiques pour prendre le contrôle des ressources de l’Etat. On peut réfléchir pour faire participer des groupes de personnes comme on le fait dans les « Téléthons » par exemple.  Mais la il faut lever deux obstacles majeurs : rassurer les contributeurs quant à l’utilisation des fonds et proposer une vision et un programme clairs qui séduisent les contributeurs. Si un cadre légal est bien défini, les gens donneront s’ils sont rassurés de la bonne destination des fonds collectés.

Parlons du système électoral américain. Les observateurs extérieurs de la vie politique américaine sont toujours frustrés de voir que la plus grande démocratie du monde repose sur un système électoral conçu i l y a plus de deux cents et qui fait élire le président par un collège de grands électeurs  qui fait apparemment fi du principe « un homme une voix »

Il serait fastidieux ici de parler du système du vote par les collèges électoraux parce que cette une vieille et longue histoire. Les Américains depuis longtemps  ont appréhendé l’impact négatif de la corruption dans la sélection de leur Président dont ils ont tous une haute idée de la fonction. Observez comment ils se rangent derrière leur Président, quel qu’il soit et avec quelle célérité même les anciens Présidents se mettent à la disposition de leur Commandant en Chef, en cas de crise.  C’est vous dire que c’est un système qui a épousé les circonstances de l’histoire et des exigences politiques des Etats-Unis.  Le souci à l’époque était d’éviter que par le vote populaire, les américains soient manipulés pour mettre n’importe qui à la Maison Blanche ou encore que par ce même vote populaire, des Etats étrangers contrôlent la désignation de leur Commandant en Chef. Mais le système a été pensé de sorte que les petits Etats aient au moins trois sièges au collège électoral, la répartition des sièges des collèges électoraux étant basés sur le poids démographique et la représentation à la Chambre des Représentants.  Ainsi par exemple, la Californie qui est le plus grand Etat dispose de 55 sièges au collège électoral et l’Ohio, malgré tout le bruit qu’on en fait sur son importance n’a que 18 sièges du collège électoral. Malgré les déboires que ce système peut créer pour l’un ou l’autre des candidats, les Américains ne sont pas encore prêts à le changer.  Vous vous souviendrez qu’à cause de ce système, le candidat Démocrate Albert Gore a perdu l’élection de Novembre 2000 alors qu’il avait emporté le vote populaire de plus de 500.000 voix sur le candidat Républicain Georges W. Bush.   

Pensez-vous que le système électoral américain puisse être amélioré dans un avenir proche  vers  une meilleure prise en compte du vote populaire (une petite dose de proportionnel) de manière à éviter le précédent de l’année  2000 où on assisté à l’élection du président Bush au détriment d’Al Gore ?
Pour l’instant, le débat autour de cette question me semble-t-il, n’a pas atteint le seuil critique pour que les Américains envisagent la réforme de ce système. Une raison simple est que personne ne sait à qui le système va profiter.  Comme je le disais tantôt, cela a profité aux Républicains en 2000. S’il est possible de gagner l’élection sans gagner la majorité des votes populaires, chaque candidat garde ses chances intactes étant donné que même dans un scenario ou le scrutin est vraiment serré, personne ne peut avoir la prétention d’avoir manipulé  ni le corps électoral, ni le collège des grands électeurs pour gagner.

Quelles leçons pour les pays africains et le Bénin en particulier ? Dans le contexte béninois, la mise en place d’un système de grands électeurs, comme en Afrique du sud par exemple où le président est désigné  par un parlement élu au suffrage universel,  peut-elle résoudre le problème de l’analphabétisme et leurs  corollaires que sont  la fraude électorale et la corruption?
Pour l’instant, je ne recommanderai pas un tel système au Benin.  La simple raison est que nous courrons toujours derrière l’analphabétisme qui fait le lit de l’ignorance et expose les populations  à la corruption et à toutes sortes de manipulation. Vous voyez avec quelle facilité les populations marchent dans nos pays pour soutenir « les souverains ».  En même tems, il serait illusoire de continuer au Bénin comme on vote maintenant en pensant que ce pan de la démocratie qu’est le système électoral va nous apporter quelque chose.  C’est presqu’impossible.  Les facteurs sociologiques comme l’ethnie, la religion, la pression par les pairs, la corruption et surtout la pauvreté rampante permettront toujours à certains nantis de s’attribuer le vote des populations sans avoir la capacité et sans incarner véritablement les valeurs nécessaires pour conduire le pays vers la prospérité.  C’est pourquoi, nos gouvernants en quête de réformes doivent  engager la  réflexion sans arrière-pensée, consulter, discuter avec la classe politique afin que nous adoptions des systèmes électoraux qui confortent notre démocratie et avancent la cause du développement de notre pays.  Poursuivre le statu quo est la garantie de l’échec démocratique et de la contre-performance économique. Les exemples de la Lepi et de la Cena sont là pour nous édifier, parce que conçues au départ pour servir la cause de la transparence dans le système électoral, elles sont devenues de véritables serpents de mer, et des menaces à la paix et à la concorde nationale.  De nombreuxBéninois ont déjà réfléchi  pour ébaucher des pistes.  Je pense par exemple à Maitre Martin Houncanrin qui a fait des propositions concrètes dans son récent ouvrage.  Beaucoup d’autres continuent de réfléchir et il faut fédérer toutes ces énergies pour en sortir une réforme de notre système électoral qui engendre actuellement la frustration chez bon nombre de nos compatriotes, en raison de la ruse des uns a conserver les leviers du pouvoir à tout prix et contre le gré de la majorité du peuple..
Je voudrais finir, si vous permettez, en disant que la réussite d’une élection quelle qu’elle soit  dépend de la volonté  et de la capacité de ceux qui gouvernent à transcender les intérêts personnels, partisans et sectaires pour construire dans leur pays des institutions fortes qui régulent avec objectivité, les règles du jeu démocratique. La transparence et la responsabilité sont des vertus cardinales de toute démocratie, mais elles sont les choses les moins partagées nous nos tropiques. Il est nécessaire que ceux qui conduisent les réformes fassent preuve d’abnégation pour mettre en place des institutions solides et durables dans nos pays.  Sans cela, nous allons toujours courir après le développement.  Le progrès de l’humanité consiste, entre autres, à ce que nos pays puissent sélectionner dans ce que ces grands pays ont déjà réalisé, des choses qui sont compatibles avec nos cultures et qui peuvent s’adapter sous les tropiques pour faire avancer la cause du développement et de la démocratie.

Je vous remercie.

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