Où trouver le Béninois nouveau?

Le langage courant a consacré le gendarme comme le symbole de l'autorité. Aussi parle-t-on de la peur du gendarme. Il s'agit de la peur de la sanction, du châtiment, qui retient d'agir.

Le gendarme inspirerait ainsi à plus d'un la sagesse d'être sage. Ce principe serait-il valable, ici, au Bénin? Sans nul doute. Mais il le serait davantage si le bâton suivait. Pour dire que le gendarme tout seul n'y peut grand chose. Chez les Fon, celui qui est préposé au maintien de l'ordre public se confond avec son outil de travail, la matraque. Aussi l'appelle-t-on "Kponon", littéralement, le porteur de bâton.

Passons en revue quelques faits d'actualité. Ils montrent que le Béninois, bien souvent, ne prend le chemin de la vertu que contraint et forcé. Comme s'il avait besoin d'être sous la menace d'un bâton visible ou invisible, réel ou virtuel.

• Le Port de Cotonou, pour être aux normes et compter au nombre des ports fréquentables, a bénéficié d'une importante contribution financière du Millenium Challenge Account (MCA). Malgré tout, des trafiquants en tous genres avaient continué à faire la loi dans l'enceinte du port. Des infrastructures construites à prix d'or ne servaient à rien. Champ libre aux magouilleurs,  grenouilleurs et autres tripatouilleurs. Il eut fallu que l'ambassadeur des Etats-Unis levât le bâton de la menace d'un déclassement du Port de Cotonou pour provoquer le sursaut salutaire. Le Chef de l'Etat a promptement pris le dossier en main. Les transitaires ambulants ne se contentent plus de marcher. Ils marchent  droit.
• Le Bénin s'est imposé le défi de réaliser une campagne  cotonnière exemplaire. Mais voici que s'observent, à l'heure de la commercialisation de notre or blanc, nombre d'anomalies:  activation des réseaux parallèles de vente; exportation illicite; dérèglement des instruments de pesée… Face à quoi, le gouvernement dut  sortir le gros bâton de la répression et de la dissuasion, décidé à casser du fraudeur, déterminé à faire un sort aux  prédateurs,  une véritable armée de criquets pèlerins.
• Les fêtes de fin d'année frappent à coups redoublés à nos portes. Et les étals du marché international de Dantokpa s'encombrent de toutes sortes de produits de consommation à bon marché. C'est le temps des soldes et des liquidations. Mais attention: avec des produits qui ont largement dépassé leur date limite de consommation. En  somme, le poison et la mort s'invitent à nos tables. Le bâton des associations de consommateurs commencent à mettre en déroute  la confrérie des empoisonneurs.
• C'est à croire que le quartier Zongo de Cotonou est peuplé de récidivistes impénitents. Le 14 novembre, la énième opération coup de poing, lancée par la Mairie de la ville, a dégagé ce quartier réputé pour être une poche d'insalubrité. Mais jusqu'à quand? La saleté et l'insalubrité faisant ici bon ménage, il vaut mieux se faire  à la sagesse des nation: "Chassez le naturel, il revient au galop".   

 Ces quelques exemples aident à tirer les conclusions ci-après:

Quand on parle au commun des Béninois de patriotisme, d'amour de la patrie, d'intérêt général, de la chose publique, il n'entend qu'un discours qui le touche à peine. Cela glisse sur son esprit comme l'eau sur les plumes d'un canard. Le Béninois est d'un individualisme outrancier.

L'individu béninois est avant tout l'homme de la débrouille. Chacun s'assied et sa chance, pense-t-il, le pousse. Si ça passe, c'est bien. Si ça casse, Dieu ne l'a pas voulu autrement. En cela, le Béninois est un débrouillard doublé d'un fataliste.

La peur du bâton est l'expression d'une éducation qui privilégie les châtiments, les punitions, les sévices corporels. C'est assez indicatif de la place plutôt réduite du dialogue, de l'échange confiant dans la formation de l'homme béninois. C'est notre conviction que, pour élever la conscience d'un individu à la hauteur de ses responsabilités, le bâton seul ne suffit point..

Voilà qui remet à l'ordre du jour un de nos objectifs majeurs: promouvoir cet être de liberté qui fait de l'éthique et de la morale sa référence de vie, faire de l'enseignement des valeurs un impératif. Le Béninois nouveau est au bout de cette chaîne d'idées et d'actions.