Bonne Gouvernance: nos «dirigeants» en savent-ils vraiment quelque chose?

Depuis son avènement au pouvoir en Avril 2006, plébiscité à 75% par un peuple désabusé par la classe politique, le Président Boni Yayi n’a de cessé de parler et de ressasser à longueur de journée la bonne gouvernance.

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Il en parle même en termes d’injonction comme si la bonne gouvernance du pays dépendait des autres et qu’il faut simplement que ceux qui ont la charge de la promouvoir en parlent et que les autres s’exécutent. Dans le lexique du Président et de ses collaborateurs, il n’y a pas un concept qui ait été aussi manipulé, usé, usité et remué dans tous les sens que celui de la bonne gouvernance.  Et pourtant, où en sommes-nous aujourd’hui?

Si parler de bonne gouvernance pouvait nourrir un peuple

Les différents événements survenus dans notre pays depuis bientôt sept ans démontrent à souhait qu’une claire option a été faite de tourner le dos à la bonne gouvernance et de servir au peuple des mots et des  discours. On sait d’ailleurs que comprendre ce que c’est reste un défi de taille pour la grande partie du peuple, surtout ceux qui sont abonnés aux marches de soutien et aux louanges présidentielles. Ces événements sur lesquels il n’est pas décent de revenir ici, donnent raison aux responsables syndicaux qui, quelques mois seulement après la prise de fonction du Chef de l’Etat, susurraient dans les coulisses que ce régime des économistes de la Bceao s’est constitué pour gruger le peuple.  Ces événements démontrent enfin que le peuple béninois s’est largement trompé le 19 Mars 2006 et ce n’est pas peu de le dire ainsi.

Aujourd’hui, les Béninois arrivent difficilement à joindre les deux bouts dans un pays ou on ne cesse de parler de bonne gouvernance.  On est même parvenu à inventer le concept de meilleure gouvernance, s’il vous plait.  Et voici là où nous sommes, empêtrés dans les scandales politico-financiers, dans l’improvisation comme programme de gouvernement, dans des complots qui font battre à notre cher pays, le record sur le continent dont nous prétendons être «le Président».  Tout ceci, dans une ambiance tendue et de plus en plus hostile à toute croissance et où la croissance due au seul coton est aussi en plein échafaudage dans un scenario digne des Westerns.

Les freins évidents à la croissance

Nos gouvernants semblent bien ignorer, autant qu’ils en parlent chaque jour, la définition, le contenu et les implications de la bonne gouvernance dans une économie comme celle d’un petit pays comme le Benin aux ressources minières, et énergétiques limitées, mais que les circonstances de l’histoire ont doté de ressources humaines qualifiées et compétentes, hélas contraintes depuis quelques années au ridicule, à l’approximation, à la médiocrité, et qui assistent depuis quelque temps à la mise à mort progressive et méthodique des valeurs républicaines comme la justice, la liberté, l’initiative privée, le consensus, mais surtout la démocratie sans laquelle toute tentative de faire avancer un pays, quelles que soient ses potentialités, seront vaines.

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Nos gouvernants ignorent surtout quelles sont les conséquences pour tout un peuple de leur façon de gouverner. Gouverner dans le bon sens pour l’intérêt général et dans le respect des valeurs républicaines et des principes de démocratie, n’est pas ce à quoi nous assistons aujourd’hui.  Et l’un des obstacles majeurs que le régime en place dresse sur le chemin de la croissance, ce sont le musèlement de la presse, les intimidations, le non respect des libertés individuelles et de rassemblement, la ruse politique et le mensonge.

Qui veut investir dans un pays où se met en place, de façon insidieuse, un cocktail aussi détonnant de contre valeurs et de revers démocratiques, où on manipule la justice, musèle la presse et régente le comportement des citoyens, interdit la contradiction, inhibant du coup les initiatives privées, véritables leviers de la croissance ? Qui veut investir dans un pays où on dit qu’on veut empoisonner le Chef de l’Etat ?

Ce n’est pas le cinéma actuellement organisé autour de la filière coton militarisée, régentée et canalisée, qui nous sortirait du fond de la classe dans la sous-région. Aucune économie au monde, sauf dans les Républiques Bananières, ne fonctionne comme celle de notre pays actuellement.  Les conflits d’intérêts au sommet de l’Etat ont depuis longtemps entamé la crédibilité de nos dirigeants et administre la preuve qu’en fait de bonne gouvernance, pierre angulaire de tous leurs discours, il n’y a qu’une volonté mal cachée de plaire aux institutions internationales, qui donnent l’impression de se satisfaire de concepts, tout en continuant de tenir le peuple en respect.   

Dans un marché économique de 300 millions de consommateurs en Afrique de l’Ouest, le Bénin qui n’a qu’une population de 9 millions a mieux à faire que de ressasser les discours sur la bonne gouvernance, l’obligation de rendre compte et la reddition des comptes, à longueur de journée, avec en sous mains des actes anti-démocratiques qui inhibent toute liberté de s’exprimer et d’entreprendre.

Le recul de la démocratie est un corollaire de la mauvaise gouvernance

L’environnement anti-démocratique mis en place par le régime en place, avec un contrôle évident de toutes les institutions de contre-pouvoir est un indicateur palpable de mauvaise gouvernance. Aujourd’hui, personne ne peut prendre la parole pour critiquer le régime en place sans être promis à la justice, même si ce qui est dénoncé saute à l’œil.  Comme dans les régimes de «leader bien aimé», le Benin est devenu le pays des marcheurs pour louanger le souverain et souhaiter longue vie à lui-même et à son régime. Les posters géant du «Timonier national» sont placés à tous les carrefours sans que personne ne sache à quelle stratégie de communication cela répond, ni ce qu’on veut modifier comme comportement.

L’opposition déclarée, elle, s’est muée dans un silence de compromission, laissant seule, l’Union fait la Nation se débattre sans effet palpable, après avoir dit sa compassion au Président dans le cadre du feuilleton actuellement en cours.  Il faut saluer le Front pour la Défense des acquis démocratiques qui, vaille que vaille, maintient la flamme de la dignité, de la citoyenneté, de l’honneur et assure la veille.

L’opposition paie le prix que coutent la paix et le désir de respirer dans le pays, et essaie d’éviter que les tentacules des investigations sur accusation imaginaire n’atteignent ses membres. Qui est fou pour mettre son doigt dans le feu?  Sinon, il est impensable que notre pays, connu dans le monde pour l’intelligence de ses hauts cadres, offre un spectacle aussi insipide et donne une image aussi laide de sa démocratie accouchée dans les douleurs de l’enfantement, dans les premiers mois des années 1990.  Pour ceux qui ont atteint l’âge limite pour se présenter à une élection présidentielle, point d’enjeu qui soit au niveau des sacrifices que leur exigerait une fronde contre «le système des choses» et dont ils connaissent bien les méthodes et les conséquences néfastes sur le pays et sa démocratie. En attendant un sauveur moins âgé qu’eux, le peuple peut toujours continuer à vivre son calvaire. Sinon, rien, rien n’explique ce qui arrive actuellement à notre pays avec un parterre aussi riche en leaders politiques.

Tout cela est la résultante d’une boulimie du pouvoir qui prend le peuple en otage au lieu de lui créer les conditions de son épanouissement économique et social.

La LEPI, l’instrument par excellence de la ruse politique: on corrigera, on ne corrige pas, on va corriger et puis……KO!

Le feuilleton qui se joue actuellement autour de la LEPI est malheureusement une preuve supplémentaire de la ruse politique inaugurée depuis le 06 Avril 2006 et qui n’a rien à voir avec la bonne gouvernance. Pour un fichier électoral dont tous les discours s’accordent à dire qu’il est aussi un outil de développement, a-t-on vraiment besoin de tout ce spectacle pour procéder à son évaluation, pour en corriger les imperfections, si tant est qu’il existe ? Pour ceux qui parlent de bonne gouvernance à longueur de journée sans en comprendre les tenants et les aboutissants, en voilà un test.  Et il est de taille.

Ma compassion pour nous qui assistons passifs à ce cirque…

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