Il n’y a plus d’opposition au Bénin

Cette phrase ne vient pas de moi. C’est un extrait d’une déclaration faite il y a quelques jours par Dissou Akogbéto, fraîchement élu président du parti politique Mrd-Csp à Sèmè Kpodji.

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Alors qu’il accordait une interview à la presse, cet homme peu connu du grand public mais chantre invétéré des idéaux  du changement et de la refondation depuis 2006, a fait une déclaration assez importante : «vous savez, au Bénin actuellement il n’y a plus d’opposition». Membre actif des Forces Cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), la coalition des forces politiques qui soutiennent les actions du Chef de l’Etat, il a projeté, sans trop s’en inquiéter, l’image assez ignoble d’une démocratie de plus en  plus dépréciée. Celle d’un monolithisme politique où l’opposition se réduit comme une peau de chagrin et où des populations de telle ou telle commune peuvent venir à la télévision pour se féliciter de ne pas avoir l’opposition chez elles.  Dans ce petit pays du Golfe de Guinée, jadis parangon de la démocratie en Afrique, la chaîne nationale de télévision ne projette depuis 2006 que les seules images du Chef de l’Etat et de ses ouailles.  Dans ce pays qui a fait rêver le monde par sa démocratie, la pratique de l’opposition passe pour de la sorcellerie. Tout le monde craint de passer un coup de fil à un parent qui  fait l’opposition, de lui rendre visite ou même  de le saluer dans les rues. Les institutions de la République donnent l’impression de n’être que des institutions inféodées, dirigées par des militants politiques chevronnés. Les ministres, les Dg des sociétés et même des diplomates en poste à l’extérieur ne méritent leurs postes qu’au prorata de leur militantisme, de leur promptitude  à diaboliser l’opposition et de leur rapidité à organiser des marches de soutien. Dans ce pays dont la qualité de la démocratie a entraîné un grand tropisme des bailleurs de fonds de plusieurs pays du monde entre 1991 et 2006, on n’est plus trop libre de dire ce qu’on pense. A maintes reprises, des hommes politiques ont été empêchés de se prononcer sur des sujets de l’actualité nationale. Chaque fois qu’un opposant tente de «critiquer» le gouvernement ou de faire des propositions qui contredisent celles du gouvernement, il est systématiquement attaqué par des griots du pouvoir. Le gouvernement a développé une sorte d’allergie à la contradiction. Cette pression a rendu l’opposition paresseuse, trop prudente et même poltronne. Au fil des jours, les dernières espèces d’hommes politiques de conviction, rompus à l’art de la contradiction politique ont commencé à disparaître. D’autres ont simplement décidé de jeter la clé sous le paillasson et certains ont abdiqué en se ralliant à la majorité présidentielle. On a même entendu un député de l’opposition dire qu’il a rejoint le Chef de l’Etat afin que ses parents au village puissent bénéficier d’infrastructures et de projets de développement. Aujourd’hui, tout se passe dans le pays comme s’il n’y a plus d’opposition. La Rb qui a toujours été de l’opposition a rejoint la «majorité présidentielle plurielle». Le Prd, bien qu’ayant fait une déclaration d’appartenance à l’opposition, flirte avec le Président Boni Yayi. Seul un résidu de la classe politique, l’Union fait la nation(Un), peut être compté comme une force de l’opposition. Nonchalante, pareuse et même peureuse, cette union a fini par devenir un tigre en papier. Ses ténors se la bouclent tous et certains parmi eux rasent les murs de la Marina la nuit pour des strapontins. Le mélange du genre est devenu la règle d’or. Notre opposition se nourrit de manœuvres subreptices, d’accords et de deals impossibles, de transhumances spectaculaires et de cohabitations indigestes. Une telle république peut-elle encore être appelée démocratie?

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