Le Dg «journaliste» et le député «garde corps»

La chaîne publique de télévision, celle qui s’époumone à vanter son slogan de «la chaîne des…» raffole souvent d’images insolites, parfois écœurantes à la limite. Elle nous est revenue encore cette semaine avec un de ses numéros sur lequel je suis tombé en zappant. 

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C’était un reportage sur une descente du Chef de l’Etat sur le terrain. Un de ces reportages goupillés par la cellule de communication de la Marina et qui met en exergue le Chef de l’Etat parlant pendant des dizaines de minutes. Cette fois-ci, le Chef de l’Etat était allé à Malanville, aux confins du fleuve Niger, pour visiter les rizières et constater de visu l’évolution de la chaîne de production de la nouvelle filière «riz» qui a commencé à naître depuis cette année avec une production nationale qui dépasse légèrement les 300.000 tonnes. Le Chef de l’Etat était habillé en yankee avec un chapeau de cow-boy noir et une chemise manche courte. Sur une première image, on le voit haranguer une foule, celle des agents d’une usine de décorticage du riz.  A eux, Yayi annonce sa volonté de faire de Malanville le «grenier» du Bénin et même de la sous région. Il voulait pour cela inviter les producteurs à redoubler d’efforts pour booster la production afin que l’usine qui ne tournerait qu’au tiers puisse le faire à plein temps. Mais chose curieuse, c’est le Dg de la Sonapra, Idrissou Bako, qui tient en main les micros des cameras comme un journaliste en train d’interviewer le Chef de l’Etat. Les cadreurs et les journalistes eux, ont disparu. En tout cas sur les images, on ne les voyait plus. Dans un second tableau, le Dg est toujours resté dans sa posture de «journaliste» tenant le micro mais cette fois-ci, c’est le Chef de l’Etat, un peu en retrait qui dirige l’interview et qui pose des questions au maire Coumba. Le Dg, lui, a pris son job au sérieux et tenait les micros avec ses deux mains. De peur, peut être, de laisser tomber  les micros devant la haute autorité. Ce qui serait un crime de lèse-majesté. Dans un troisième tableau, les images renvoient un Chef de l’Etat en plein meeting face aux populations. Juste derrière lui, dans une posture de garde corps, on voit un honorable  député, fils du terroir, avec des verres fumés et le regard instable comme celui d’un vrai garde corps. On le voyait sourire de temps en temps lorsque le Chef de l’Etat proclame Malanville comme le futur grenier en matière de sécurité alimentaire au Bénin, ou quand il s’exerce à donner quelques cours de géographie sur le fleuve Niger. Le garde corps de circonstance n’était pas armé mais faisait office d’aide de camp. Et rien d’inquiétant. C’est qu’à un jet de pierre de là, des militaires armés de Kalachnikovs veillaient au grain. Le Chef de l’Etat qui semble s’enorgueillir de cette compagnie n’a pu ainsi  s’empêcher de s’afficher publiquement avec cet élu du peuple, le même qu’on a taxé naguère de prédateur de l’économie et de faussaire que le gouvernement a même  pris la décision de poursuivre en justice et de lui faire rendre gorge. Triste paradoxe d’un président qui déclare une guerre impitoyable  aux petits revendeurs du kpayo mais qui se montre si débonnaire face à un prétendu prévaricateur. L’indélicat d’hier qui devient l’ami fréquentable, une fois qu’il a fait son allégeance à la majorité présidentielle.  La république se gère ainsi. Dans les combines et les deals politiques.

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