Le spectacle de restitution représenté le samedi dernier au Centre culturel Artisttik Africa d’Agla dans le cadre du projet «La danse au Bénin, un métier pour demain» porté par la Compagnie Fabre/Sènou est la preuve tangible de ce que les danses traditionnelles du Bénin sont de véritables pistes de création contemporaine.
« A zan mi Naougui». Les comédiens embarqués depuis février 2012 dans le projet «La danse au Bénin, un métier pour demain», offrent plus que le public y attendait ce soir du samedi 8 décembre 2012 au Centre culturel Artisttik Africa d’Agla à Cotonou. S’attendant à un spectacle de danse contemporaine et rien que de la danse, c’est plutôt à une soirée à la fois de danse, de musique et de théâtre. Plus d’une heure de balade artistique plurielle sans une seconde de pause et avec une constante de vigueur de la première jusqu’à la dernière minute. Le spectacle est à l’image de la grandeur du projet et des valeurs et expériences professionnelles des responsables du projet, le trio Norbert Sènou, Caroline Fabre et Justin Ewa Tohinnou.
«A zan mi Naougui», c’est plusieurs tableaux artistiques qui se succèdent et qui se passent d’une scène à une autre avec des transitions à peine révélées. Dans des solos, des duos et des tableaux collectifs, on danse, on joue, on parle, on “slame“.
Danse
La danse, certes, elle est contemporaine mais d’abord traditionnelle, plus précisément béninoise. C’est du zinli, du gbon et d’autres rythmes de différentes régions du Bénin. Cette création de trois semaines, démontre comment extraire du traditionnel pour créer le contemporain, sans pour autant se détacher non plus de cette tradition. «Comment est-ce qu’un pas de danse du zinli (danse traditionnelle du Bénin) peut prendre une dimension contemporaine, en utilisant l’espace, la musique, le rapport à son corps et à l’autre, comme on le fait dans la danse contemporaine.» annonçait déjà, Norbert Sènou, le Coordonnateur du projet dans son interview parue dans le numéro du 5 décembre 2012 du journal de la Biennale Regards Bénin.
Musique, corps, …
La musique associée à cette danse est elle aussi aux couleurs traditionnelles béninoises. L’originalité ici demeure dans les instruments de musique. Outre la seule guitare acoustique six cordes qui est intervenue quelques fois, toutes les autres sonorités rythmiques venaient d’objets comme des cuvettes en plastique, des bouteilles. Dans une autre catégorie ce sont les cuisses, la poitrine, les mains et les pieds. Même le mur est “sollicité“ pour servir de tambour.
Tout est fait pour montrer qu’une création contemporaine peut être faite avec la matière existant dans l’environnement immédiat. C’est une démarche artistique qui se développe tout au long du spectacle. A propos de l’intitulé du spectacle, Norbert Sénou rapporte, «Le premier jour de mon arrivée à Cotonou pour défendre ce projet, j’étais dans ma voiture immobilisée à un feu tricolore. Une vieille dame que je ne connais de nulle part se rapproche de moi. Je baisse la vitre, elle ne me demande pas de l’argent. Elle me salue et me dit : «gbè wè zan mi » (c’est la vie qui m’a joué un sale tour)», cf journal de la Biennale, édition du 05 décembre 2012.
Tout le mélange qui se crée se retrouve autour du corps, le premier outil de travail des treize (13) artistes sur scène, qui ont réussi à s’approprier une démarche chère au centre de formation L’Alternative à Bordeaux. Ici, le corps, la parole, la danse et la musique, doivent se marier pour produire un spectacle de danse contemporaine inspirée des valeurs traditionnelles africaines.
Témoignage de Marcel Zounon
A la fin du spectacle, Marcel Zounon, Directeur de l’Ensemble artistique et culturel du Bénin, a exprimé sa joie d’assister à un spectacle de danse contemporaine qui prend corps dans les danses du Bénin. «Je suis très heureux d’assister à ce spectacle et d’y retrouver les danses de chez nous» a-t-il confié. Il témoigne : «C’est un travail qui a son fond dans le patrimoine culturel immatériel du Bénin.» Saluant ce choix, le Directeur a invité les responsables de la compagnie Fabre/Sènou à toujours travailler avec cette option artistique. Car, justifie-t-il, «Nous n’avons pas le droit de trahir les générations futures. Nous ne devons pas perdre le peu qui nous reste de nos valeurs culturelles. Sur le marché international, nous avons notre mot à dire.» La preuve, la plupart des artistes qui ont représenté ce spectacle de danse contemporaine sont des chorégraphes qui ont commencé par se faire former sur la danse traditionnelle mais qui sont aujourd’hui sur le marché international.