Révision de la constitution : les intentions cachées du projet

Après la tentative avortée de l’année dernière,  le projet de la révision de la constitution revient progressivement sur le devant de la scène. Subrepticement et dans une démarche encore solitaire, le Chef de l’Etat relance le projet et semble bénéficier du soutien du Président de la Haute Cour de Justice, Théodore Holo, pour lancer la campagne pour une ‘‘révision-mystère’’.

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Tel un serpent de mer, l’ambition révisionniste du Chef de l’Etat refait surface. Comme pour la première fois où il fallait disposer d’une Cour des Comptes qu’on brandissait comme une exigence de l’Uemoa, le nouvel alibi est la reforme de la Haute cour de justice. L’argumentaire tout trouvé, agité pour la première fois la semaine dernière par un commentateur, est  de réviser la constitution afin de donner plus de pouvoirs à la Hcj pour mieux s’occuper des ministres qui commettent des prévarications pendant l’exercice de leur métier. Une première fois au cours d’une interview et une deuxième fois, à la sortie du cabinet présidentiel, le Président de la Hcj s’est fait le chantre de cette nouvelle forme de révision. Dans ses propositions, il souhaite simplifier le processus constitutionnel pour traduire devant les juridictions un ministre du gouvernement. Lequel processus devrait réduire le temps mais aussi les contraintes des pérégrinations juridiques actuelles. La thèse est bien trouvée alors : Yayi veut bien lutter contre la corruption. Il veut bien punir les prévaricateurs, mais les textes actuels le bloquent. Cet argument peut emballer la grande masse des Béninois qui vivent de peu et qui digèrent de moins en moins les détournements et les actes de corruption des responsables au sommet de l’Etat.  Seulement, en analysant la démarche de près, il y a lieu de s’interroger.

Une révision-mystère

Personne ne pourrait douter de la bonne foi du Chef de l’Etat en le voyant  se préoccuper pour la traduction devant les tribunaux de ses anciens ministres, François Noudégbèssi et Soulé Mana Lawani. Ce qui inquiète c’est la précipitation et la volonté d’aller vite affichée dans le dossier. Si on doit comprendre l’attitude du Président de la République, on doit vite traduire ces ministres au mépris même des textes de la République. Chose curieuse, le même empressement n’a pas été noté lorsqu’il s’agissait des autres dossiers de prévarication qui ont secoué son premier quinquennat. On peut citer l’affaire Cen-Sad, l’affaire des machines agricoles, l’affaire Icc-Services, l’affaire Dangnivo et consorts. Dans aucune de ses affaires, on a constaté cette volonté. Et pourtant l’affaire Cen-Sad paraît plus colossale que celle du siège de l’Assemblée. Pourtant, dans le temps, le Chef de l’Etat a réussi habilement à blanchir le même Noudégbèssi par une commission ad’hoc qu’il a mise en place. En dehors des ministres impliqués, plusieurs autres cadres de plusieurs ministères sont impliqués. Jusqu’à ce jour, ils n’ont réussi aucune interpellation et les intéréssés circulent librement dans le pays. Dans l’affaire des machines agricoles, aucune procédure judiciaire n’a été engagée contre l’ancien Dg du Projet de promotion de la mécanisation de l’agriculture, André Okounlola,  jusqu’au moment où il réussit à se faire élire député pour avoir une immunité parlementaire. Aujourd’hui, il est une icône de la majorité parlementaire acquise au Président Yayi. Aucun de ces dossiers n’ont évolué dans les tribunaux et les prévaricateurs courent toujours.  On peut donc s’empresser pour les traduire, et leurs dossiers vont encore traîner devant les tribunaux comme c’est souvent le cas. Sur ces vieux dossiers, très peu de ministres sont impliqués, pourtant les autres cadres impliqués n’ont nullement été inquiétés. C’est pourquoi il y a lieu de s’interroger sur cet engagement subit du Chef de l’Etat. Soit il veut en profiter pour réviser la constitution à des fins obscures ou il veut se venger de quelqu’un. On a comme l’impression que le Chef de l’Etat veut surfer sur la lutte contre l’impunité pour réviser et après laisser tout tomber.

Sous la révision

Ya-t-il alors un intérêt à vite réviser cette constitution. Pour Yayi, c’est le moment propice. A un moment où il dispose d’une majorité de près de 73 députés à l’Assemblée Nationale, il n’est pas question de tergiverser. Surtout que dans cette hémicycle, la majorité est à géométrie variable et change de camp à tout moment.  Surtout aussi que l’un des ministres qui pourront être traduits devant la justice dans ce dossier provient de la Rb et que cette situation peut bien brouiller ses relations avec ce parti. Le Chef aurait aussi voulu montrer sa détermination à faire coffrer Soulé Mana Lawani, son ancien ministre des finances encore cité dans cette affaire mais qui a protesté violemment contre son accusation en menaçant de façon peu voilée le Chef de l’Etat. Le Chef de l’Etat joue ainsi à un jeu très habile et subtil dans l’intérêt d’une révision à sa guise en compagnie de Théodore Holo qui se met en vedette afin de briguer en juin prochain le poste de Président de la Cour constitutionnelle qu’il convoite tant. Qui est fou ?

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