Vous autres femmes, vous assurez votre réussite professionnelle grâce à vos hormones!

J’avoue que je ne comprenais pas ces propos aussi graves sortis de la bouche de ce confrère, alors qu’on s’était retrouvés pour une manifestation culturelle.  Je prenais très au sérieux cette phrase sortie de sa bouche, car ce monsieur n’était pas n’importe qui, parce que en plus d’être écrivain, il avait occupé d’importantes fonctions politiques dans notre pays.

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Professeur de Lettres- Ecrivain – Comment pouvez-vous parler ainsi, cher Monsieur? Nos hormones, qu’est qu’ils ont à voir avec notre profession?

– Je persiste et j’affirme que 75% de votre réussite professionnelle, vous autres femmes, vous le devez à vos hormones et arrivées à ce stade, vous êtes bloquées. Vous n’évoluez plus…

Comment peut-on ainsi généraliser un phénomène qui, je l’avoue existe, puisque certaines, parmi notre genre, préfèrent utiliser des raccourcis pour arriver au sommet de la gloire, mais, de là à penser ceci de toutes les femmes de notre pays, il y a là une injustice  à relever, pour rendre hommage aux milliers de femmes qui se battent au quotidien, et qui ont gravi les échelons à la force de leurs poignets et de leur intelligence.

Quand je pense à tout le stress accumulé durant nos cinq années de formation à l’Ecole normale supérieure, où chaque année, on recalait un grand nombre d’étudiants… Quand je pense qu’il fallait réunir une moyenne de 12 pour passer en année supérieure et que cette épée de Damoclès continue de planer sur la tête de nos filles inscrites dans toutes les écoles supérieures au Bénin, qu’un ancien responsable nous juge ainsi, j’avoue que cela m’a vraiment touchée dans mon amour-propre. Tous ceux qui me connaissent savent que quand on s’en prend à «mes femmes», je nous défends comme Jeanne d’Arc. Et c’est ce que j’ai fait en disant à ce monsieur qui parlait très sérieusement, que seule une minorité pouvait se reconnaître dans ses propos. Moi, et toutes les femmes qui évoluent dans mon environnement, pas.

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Pourquoi assurer notre réussite socioprofessionnelle grâce à nos hormones?

Sans vouloir donner des leçons à qui que ce soit, reconnaissons la vérité, aussi minime soit-elle dans les propos de mon confrère. Et quand une jeune fille me jette au visage qu’effectivement, certaines «couchent utile» et ont raison de le faire, puisque depuis le nombre d’années où elle a obtenu ses diplômes académiques, professionnels ensuite, elle est incapable de venir en aide à ses parents qui se  sont saignés financièrement parlant, pour lui assurer une formation sans faute. Celles qui ont choisi de «coucher utile» n’ont-elles pas raison, face aux difficultés que rencontrent les jeunes pour se frayer une place sur le plan professionnel, a-t-elle répliqué? Face à ce déballage, quels arguments opposer? Et pourtant Henri Lopez nous enseigne à travers son livre Sans Tam Tam, «qu’on ne franchit pas impunément certaines étapes de la vie». Et puis à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Hommes et femmes, nous devons réussir par notre ardeur au travail, nos performances, une envie de réussir qui nous prend aux tripes et booste nos capacités. Ainsi, le diplôme en main, les jeunes doivent continuer ce long chemin de croix qu’est l’insertion professionnelle. Se limiter à ses hormones ne fera pas de vous de bons agents dans votre domaine d’activité. Comme on le dit dans ma profession : «L’enseignant enseigne ce qu’il est, ce qu’il connaît». Je dirai pareil pour le médecin. Nos meilleurs juges sont nos élèves et étudiants et les malades dont nous avons la charge.

Eternelles provocatrices

Nos détracteurs osent dire en plus que lorsque nous sommes harcelées, violées, c’est de notre faute. La pauvre étudiante indienne morte après le viol collectif dont elle a été l’objet dans un bus qui n’était même pas de service ce dimanche où elle l’a emprunté à 21heures, en compagnie d’un ami était, aux dires de ces bourreaux « une fille pas sérieuse, sinon que pouvait-elle chercher dehors à cette heure-là»? Mieux vaut ne pas chercher à juger le degré d’intelligence d’individus qui ne réfléchissent qu’à l’aune de leur braguette. Heureusement que le pays tout entier s’est soulevé contre ces viols répétitifs où on accuse toujours les femmes d’être responsables de ce qui leur arrivait.

 Les journaux sénégalais sont friands de faits divers sur les mœurs de leurs compatriotes. Un vieillard de 65 ans a, durant deux ans soumis sa petite-fille de 14 ans à un viol, chaque fois qu’il descendait dans le village où résidait sa quatrième épouse. Et quand la mère de la petite constata qu’elle prenait des rondeurs là où tout le monde sait, la petite avoua le forfait commis par le vieux. Appréhendé, il avoua avoir été entraîné par le diable, et que d’ailleurs c’était la petite qui l’avait provoqué. Elle avait 12 ans quand il avait commencé ses manœuvres. Heureusement que dans ce pays, tous ces violeurs sont déférés dès qu’il y a plainte ; peu importe le rang et le grade de l’accusé. Un commissaire lime ses dents depuis quelques jours contre les barreaux d’une prison. Lui aussi accuse sa voisine de provocation ; alors que la pauvre femme, sur les conseils de sa mère était allée le voir, à domicile certes (leurs murs sont mitoyens), pour lui faire part de la perte de sa carte d’identité. L’affaire qui s’était passée depuis juillet a failli être étouffée ; grâce à l’avènement d’un nouveau procureur, l’intéressé a dû répondre de son forfait.  La dame n’était qu’une pauvre vendeuse de fruits à la devanture de sa maison familiale. Est-ce une raison pour la contraindre à une relation obscène en plein ramadan? a-t- elle narré au journaliste qui a recueilli son témoignage. 

Et quand c’est un jeune homme de la classe de 1ère au lycée Béhanzin qui dénonce le harcèlement sexuel en milieu scolaire, à travers certains comportements de ses camarades envers leurs professeurs, je me dis que le mal est profond, et qu’il faille prendre au sérieux l’éducation civique de nos apprenants durant leur cursus scolaire. Cet élève explique les agressions sexuelles dont les profs sont l’objet de la part de leurs élèves filles. Je n’avais pas voulu m’y attarder lorsqu’une coopérante française m’avait demandé de réagir face à l’article. «Il n’a dit que la vérité, lui ai-je répondu». «Mais encore! Si celui-là à son âge dédouane ainsi les profs, il fera pareil quand il se retrouvera plus tard dans leur position», m’a t- elle fait remarquer. C’est cet argument très juste qui m’a touchée et poussé à réagir pour nous amener à réfléchir sur l’image que notre genre offre aux hommes de chez nous.

En réalité, «coucher utile» pour ces filles commence depuis les bancs. Elles usent de toutes les stratégies pour accrocher l’enseignant et le retenir dans leur nasse. Un professeur de la place déclare dans l’article du jeune homme : «Nombre d’autorités pensent que c’est toujours les professeurs qui harcèlent les élèves. Moi, dans l’une de mes classes, une fille dont je ne saurais citer le nom ici m’aiguillonne depuis le mois de novembre (en 2012). Je ne sais pas comment elle s’est arrangée pour avoir mon contact….Au début, c’est des messages d’amour qu’elle m’envoie et puisque j’étais resté insensible, elle a commencé par m’appeler… Je me rappelle qu’un soir au téléphone elle a même pleuré pour m’avouer ses sentiments. Des fois, mon épouse me demande pourquoi ces appels à pareille heure»… L’élève expose les raisons qui amènent ses camarades à se livrer à de telles pratiques : «Charme du professeur, notes pour le passage en classe supérieure…» Et notre journaliste en herbe du journal  Le Béhanzinois conclut en ces termes :

«Vivement que nos jeunes sœurs cessent cette pratique qui ne les honore pas et prennent conscience de leur valeur, de leur dignité féminine…» Eh oui! tout est dit. Elle revient toujours, la dignité. Une valeur qui doit guider toutes nos actions, nous autres femmes, encore plus que les hommes. Car c’est à la femme qu’est dévolu le rôle majeur d’éduquer le futur président de la république. Et ce dernier doit avoir une mère digne, convenons-en. Le jeune homme a utilisé des euphémismes pour dénoncer les pratiques malsaines de ses camarades filles. Mon confrère qui a voulu me choquer a eu un langage vert pour dire sa vérité. Heureusement que, face à ma fureur, il a tempéré ses propos en déclarant que «heureusement que toutes, vous n’avez pas des promotions canapé. Certaines parmi vous méritent vraiment leurs promotions».

Jusqu’à preuve du contraire, j’ose croire qu’elles sont les plus nombreuses de nos concitoyennes. La balle est donc dans notre camp, mes chères sœurs.

Par Adélaïde Fassinou Allagbada
(Depuis Boston,  Usa)

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