Je viens de lire dans le journal «la Nouvelle Tribune» en date du mardi 19 Février 2013, la chronique du Professeur Denis Amoussou Yéyé intitulée «En ces années de braises.»
J’apprécie le talent de son auteur, je le remercie d’avoir lu mon livre avec intérêt et des remarques soulevées.
Dès la première phrase de l’Avant-Propos, j’ai écrit : «Mon dessein n’est pas de faire œuvre d’historien, ni d’archiviste. Je n’entends pas tout dire et ne prétends nullement ne rien oublier.» Je livre un témoignage personnel sur des faits, des évènements dont j’ai été l’un des protagonistes, l’un des acteurs, l’un des artisans ou un observateur privilégié.
«Certaines lacunes ne manqueront pas d’apparaitre, j’en suis conscient.» Mais que justice me soit rendu de n’avoir pas cherché à occulter, à déformer les faits à mon avantage, à mon bénéfice.
C’est vrai la période des «années de braises» fort justement désignées n’a pas été traitée aussi amplement que d’autres chapitres. Cependant des évènements cités dans la chronique du Professeur Denis Amoussou Yéyé je retiens quelques faits :
– La mise à sac de la maison de Guillaume Fagbamigbe
– Les élections du Mono en 1959
– Les élections au Conseil de la République (Sénat) de 1955.
Je donne raison à l’auteur pour son appréciation des agissements de l’Udd, les décisions prises après la proclamation des résultats du Mono sur intervention du Gouverneur par Apithy et Ahomadégbé, leaders des deux clans qui s’affrontaient.
Parler de l’intolérance de l’Udd en ces temps-là, apparaitrait à l’esprit de nombre de gens comme un règlement de compte suranné. N’oublions pas que la population de notre pays était presque de 3 millions contre à peu près 10 millions aujourd’hui dont la majorité n’a pas plus de 25 ans.
Elle n’a pas connu ces années de braises, de même qu’elle n’est pas informée et ne cherche pas semble-t-il à l’être. Cela n’est pas une raison suffisante pour justifier certains oublis, pour justifier l’absence d’évènements importants du récit de la situation politique d’alors.
Je souhaite réveiller la curiosité, susciter chez les chercheurs, les historiens l’envie de creuser plus profondément dans les mines de l’histoire enfouie, de fouiller davantage les terreaux qui contiennent les souvenirs des hommes et des faits.
Certains de ceux-ci ont eu un impact politique considérable, changeant la donne :
– La mise à sac de la maison de Guillaume Fagbamigbe,
– Le «diable boiteux» surgit du partage à égalité des sièges du Mono entre Apithy et Ahomadégbé qui revendiquaient chacun la majorité, ont permis l’ascension au poste de Premier Ministre d’Hubert Maga qui n’en rêvait pas tant car ses ambitions étaient d’être Ministre des Travaux Publics et des Transports.
Les raisons de l’échec de la Fédération du Mali sont multiples et profondes. Celles qu’évoque le Professeur Denis Amoussou Yéyé sont vraies. Mais il est aussi vrai que le tempérament respectif des leaders y est pour beaucoup.
Aux élections sénatoriales de1955 ( non 1957), l’Udd n’a pu être magnanime à mon égard. J’ai été élu le 19 Juin1955 sous les couleurs des Iom (Indépendants d’Outre-Mer). L’Udd a été créé en Juillet peu après mon élection.
En effet, j’étais concurrent du sénateur sortant Emile Poisson au siège du premier collège. Mais celui-ci ne s’est pas désisté en ma faveur. Il y a eu à cette occasion un fait rare dans les annales parlementaires de tous les pays. Le candidat a eu au premier tour des élections zéro voix, ce qui a surpris tout le monde car je l’ai dit, il était le sortant et pensait bénéficier des voix promises par certains électeurs de sa famille politique. Hélas! Les faits ont démenti ce calcul et infligé à leur candidat un camouflet terrible et inutile.
A la même élection, mon ami Pinto, sénateur sortant du deuxième collège a été battu, et fut remplacé par Maximilien Quenum.
Comme je l’ai déjà écrit à la fin d’un ouvrage précédent : «Ce livre subira, comme il se doit, les assauts divers et convergents : constatations vigoureuses, condamnations sommaires, corrections constructives. Que du moins le débat demeure à la hauteur de l’enjeu!».
Je n’ai pas changé d’avis, bien au contraire.
Je tiens encore à remercier le Professeur Denis Amoussou Yéyé de m’avoir donné l’occasion de quelques clarifications supplémentaires.
Docteur Emile Derlin ZINSOU
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