Le pot de fer contre le pot de terre

L’Africain n’est pas entré dans l’histoire. Il ne s’est pas accompli comme sujet d’histoire. Ces mots ont claqué aux oreilles de plus d’un  comme une gifle. L’ancien Chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, certainement mal informé, venait de lâcher une bourde qui n’a cessé de le suivre depuis. C’était en 2007, à Dakar, à l’Université Cheikh Anta Diop.

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Nicolas Sarkozy s’est lourdement trompé. L’Afrique est le berceau de l’humanité. L’Afrique a été la terre d’accueil de la toute première grande civilisation humaine. La contribution des Africains, dans maints domaines, n’a pas été des moindres à la civilisation de l’universel, pour parler comme le président-poète Léopold Sédar Senghor. L’Africain a bel et bien sa place dans l’histoire. Le problème est de savoir comment s’illustre-t-il pour tenir honorablement cette place.

Nous, produits du système colonial français, étions programmés pour être de parfaits assimilés. Le système nous destinait à être des prototypes des «Nègres blancs». Nous étions formatés pour cracher sur notre passé, mépriser nos   valeurs, blanchir notre mémoire, un peu comme d’autres, aujourd’hui, mus par le même complexe, s’activent à se blanchir la peau. Un enterrement de première classe était ainsi promis à notre patrimoine culturel, matériel et immatériel. Sur la dépouille de l’Africain devait prendre essor une nouvelle race hybride d’hommes et de femmes, sans identité précise, sans ancrage humain déterminé. Des zombies en errance, n’ayant ni feu ni lieu. Voilà le tableau qui sert d’espace de confrontation à deux entités : le pot de fer, symbole de la culture et des valeurs de l’Occident et le pot de terre, représentatif de l’Afrique éternelle.Il nous plaît, à cet égard et par parti-pris délibéré, de mettre en lumière trois initiatives actuelles orientées toutes vers la défense et l’illustration de nos valeurs endogènes.

La première initiative est à mettre au compte de l’Institut international de Recherche et de Formation (INIREF). Cette institution, à l’occasion de la fête dite des peuples qu’elle organise chaque année depuis 2001, a appelé la réflexion des Béninois sur : «L’école, nos langues et cultures au service de l’émancipation et du développement de nos peuples». Pour souligner que la langue que nous parlons est plus qu’un simple instrument de communication. C’est un référentiel à partir duquel s’affirme une identité, se structure une pensée, se forme une vision du monde.

Le linguiste Béninois de renom, Olabiyi Babalola Joseph Yaï trouve les mots les plus justes pour le dire : (Citation) « Pour être prise au sérieux, toute notion de coût devrait d’abord évaluer ce que, par exemple, dans chaque pays africain nous a coûté l’exclusion de la langue maternelle et l’usage hégémonique des langues de colonisation (…): aliénation, identités ébréchées ou négativement oblitérées, fuite des cerveaux, perte parfois des savoirs et des savoir-faire etc. (Fin de citation).

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La seconde initiative, c’est le lancement du calendrier traditionnel, conçu par un dignitaire du culte vodun, Dah Aligbonon. C’était le 26 février dernier à Cotonou. Aux dires de l’auteur de ce calendrier qui surprendra plus d’un usager du calendrier grégorien, ce document vise à faire connaître les jours traditionnels de l’année. Il propose, par ailleurs, des prénoms en langues nationales appropriées au jour et date de naissance. Cela suffit à justifier que le plus sûr moyen d’aller vers d’autres cultures et de s’ouvrir aux valeurs des autres, c’est d’abord de s’assurer qu’on s’est d’abord fermement enraciné dans ses valeur propres.

La troisième initiative, c’est l’action d’un Groupe de réflexion pour le progrès de la pharmacopée et de la médecine  traditionnelle au Bénin. Le groupe milite pour expurger les rangs de nos tradipraticiens. De dangereux bonimenteurs et charlatans s’y sont glissés. Le groupe travaille, par ailleurs, à une saine décolonisation des esprits. La vitrine de la médecine dite moderne pourrait agir comme un miroir aux alouettes au point de nous conduire nous-mêmes à diaboliser l’héritage médical de nos ancêtres, expression du génie de nos peuples. Le Groupe met en garde, enfin, les autorités de notre pays contre l’amalgame facile. En effet, une décision ministérielle interdit indistinctement de publicité tous produits de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle. Un tel amalgame a un coût. Qui payera la note?

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