Boko Haram a frappé, mais Serval veille toujours depuis 60 jours

Ce week-end, les terroristes de Boko Haram ont tourné tous les projecteurs en leur direction, en tuant sept otages occidentaux. L’information, largement relayée, fait une large publicité à des « criminels » qui ont oublié les principes de leur propre activité : Dans un kidnapping terroriste, on ne tue pas aussi vite l’otage !

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 Pendant ce temps, Serval s’apprête à effectuer son bilan, nécessaire après soixante jours de présence (11/01/13 au 11/03/13), tout en envisageant sérieusement son départ dans les vingt-et-un jours, maintenant que le dernier repaire d’Aqmi est sur le point de tomber… Sauf si l’Aigle nigérian sollicite les services de ce brave animal, jamais fatigué, pour en finir avec la menace qui pèse sur le nord de son territoire, quitte à le sécuriser avec quelques jets de liquide bien raffiné dont Serval a le secret. Non, ce n’est pas du pétrole, ni du Beaujolais!

Une nouvelle chasse à l’homme?!

L’on est en droit de se questionner pour savoir si, avec l’assassinat de ces otages occidentaux, des citoyens de ses partenaires, la France ne va pas se lancer dans une nouvelle chasse à l’homme, cette fois-ci avec un autre allié potentiel, le Nigéria ? En effet, la barbarie dont a fait preuve ladite secte islamiste en s’en prenant à des ressortissants d’une puissance occidentale, ne va-t-elle pas contraindre les autorités de Lagos à reconsidérer la menace que constitue ce groupuscule terroriste?

Deux questionnements qui nous demandent de nous attarder un peu sur les implications géostratégiques de la guerre au Mali, avec l’Opération Serval.

Une guerre politique qui devient géostratégique…

1) D’une simple intervention pour libérer les villes maliennes du joug djihadiste, en prêtant main forte aux autorités du pays dépassées par les évènements, la France a rapidement mis un terme à sa guerre éclair, par un déploiement sans précédent de moyens aériens dans le désert.

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2) Puis la guerre se transforma en guerre d’usure où il s’agissait, non seulement de sécuriser les villes libérées en restaurant l’autorité de l’Etat, mais également d’endiguer la menace terroriste et la circonscrire dans ses retranchements, afin de mieux en finir.

3) Et depuis quelques semaines, c’est à une «chasse à l’homme» que nous assistons, entre des soldats français et tchadiens au corps-à-corps avec des terroristes aux abois dans leur «camp retranché» du massif des Ifoghas.

De l’objectif premier de l’Opération Serval, qui était politique, c’est-à-dire venir en aide à un «pays frère et ami», il y a donc eu un glissement progressif vers d’autres objectifs plus liés à la géostratégie : la menace terroriste d’Aqmi doit être définitivement enrayée, pour rendre à nouveau praticable les pistes qui traversent le Sahara.

Tel semble donc être le nouvel objectif de la France qui a pris la tête de la lutte anti-terroriste au nom de la communauté qui la soutient entièrement.

C’était sans compter avec de nouveaux acteurs qui viennent de s’illustrer avec grand bruit.

Les « bâtards » d’Al Qaïda !

Bâtard ! C’est le terme qu’a choisi l’éditorialiste de Jeune Afrique, Béchir Ben Yahmed, pour qualifier ces gens de Boko Haram, qui se réclament de la nébuleuse Al Qaïda tout en adoptant une ligne de conduite en déphasage complet avec les méthodes de la « maison mère » dont ils ne sont que franchisés.

En effet, selon l’habitude des terroristes, il faut à tout prix « prendre soin de la marchandise », ce que représentent pour les groupes terroristes, les nombreux otages occidentaux qu’ils arrivent à kidnapper. Certains servent de monnaie d’échange pour la libération des camarades emprisonnés. Les Occidentaux étant si violemment sollicités, à cause de leur pouvoir de persuasion sur les pays concernés (Algérie, Pakistan, Afghanistan…)

Un terrorisme sans frontières… et aussi sans règles?

Une règle essentielle est souvent respectée : Un otage qui a de la valeur, c’est un otage vivant et en bonne santé. Et c’est une règle que la « maison mère » Al Qaïda respectait, sauf dérapages incontrôlés. Or, en ce qui concerne les « bâtards » qu’ils ont inspirés, cette règle vient d’être balayée du revers de la main : ils ont voulu faire parler d’eux en tuant sept otages d’un seul coup.

Voilà qui demande à Paris et à ses partenaires de se pencher sérieusement sur la menace Boko Haram, alors qu’il y a quelques semaines les autorités d’ici la contestaient avec fracas, en la minimisant.

Avec le phénomène Boko Haram au Nigéria, Al Qaïda a fini par « délocaliser » sa marque dans toute la sous-région ouest-africaine, avec l’Aqmi moribonde qui opère dans la zone sahélo-saharienne.

Mais, la difficulté essentielle avec ces nouveaux adeptes d’Oussama Ben Laden, c’est qu’ils ont adopté un terrorisme sans règles ni limites, au point où on ne sait plus comment les appeler… Islamistes, djihadistes ou simples bandits « qui se parent d’une coiffe politico-religieuse ? » Pour reprendre les termes de l’éditorialiste de Jeune Afrique.

L’on se demande au nom de quoi ils se battent, s’ils se battent vraiment, au lieu de commettre ces actes ignobles qui consistent à tuer des otages, au lieu de les monnayer contre rançon… C’est un assassinat, pour revenir au civil, même si le militaire est loin d’être terminé !

Terrorisme, la lutte finale !

Désormais, maintenant que la France dispose d’une grande armada sur le terrain, nous osons croire que la lutte anti-terroriste va enfin connaitre son épilogue… Même si Serval s’apprête à faire ses valises…

Mais, pourquoi laisser la France, même avec le soutien de ses partenaires européens, lutter seule contre ce fléau qui devrait normalement mobiliser toutes les nations africaines concernées, à commencer par le Nigéria dont la puissance militaire n’est plus à démontrer ? L’avenir nous montrera certainement que Boko Haram vient de réveiller un Aigle qui dormait (le Nigéria) et un Chat (Serval) qui miaule, en attendant de montrer toute sa félinité.

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