Centrafrique: Les suites d’un coup d’Etat «normal»!

Malgré la rapidité déconcertante avec laquelle se sont produits les évènements en Centrafrique, l’analyste se doit de prendre le recul nécessaire pour aborder le changement à la tête du pays, tout en réfléchissant à la tournure qu’il pourrait prendre, en tenant compte des déclarations du nouvel homme fort de Banguy, Michel Djotodia.

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Ne s’achemine-t-on pas vers une situation durablement instable qui pourrait déboucher sur de nouveaux bruits de bottes et une autre alternance au sommet de l’Etat ? Nos analyses…

Et Bozizé s’en est allé!

Le week-end dernier a sonné définitivement le glas du régime Bozizé en Centrafrique. En effet, il a fini par «être déposé» par les rebelles de la Séléka qui ont envahi la capitale, vendredi, et en ont pris le contrôle en moins de deux jours, mettant fin à une dizaine d’années de règne du «Tout-puissant Bozizé», lui-même étant venu au pouvoir dans des circonstances similaires, sinon identiques.

Ainsi, comme si l’histoire se répétait, la Centrafrique est contrainte de connaître, une fois de plus, l’alternance à la présidence par le crépitement des armes, comme si un profond malaise sommeillait dans ce pays, et que ce soit la seule voie qui soit à même de mener un homme au pouvoir dans ce pays.

Lire aussi : Prise du Pouvoir par la rébellion du Séléka: pourquoi la Centrafrique n’est pas encore sortie de l’auberge

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Evidemment, et tous les observateurs sont unanimes là-dessus, Bozizé, s’il se mord aujourd’hui les doigts dans son exil, ne doit s’en prendre qu’à lui-même ; lui qui a tant louvoyé pour mettre en œuvre les Accords de Libreville de janvier 2013, suite aux négociations favorisées par certains chefs d’Etat de la région et l’Union Africaine, en vue de mettre fin à la rébellion devenue de plus en plus menaçante, mais pas encore «intraitable»!

Evidemment, deux mois après, tous ses pairs ont fini par lâcher Bozizé qui s’en est trouvé bien esseulé face à l’engrenage de la Séléka qui a fini par l’enserrer dans un puissant étau dont il n’a pu se sortir : La fin d’un rebelle-président, lui-même ayant chassé du pouvoir un rebelle-président… Comme quoi, «qui tue par l’épée, périt par la même épée!»

La langue de bois de la Communauté Internationale!

Contrairement au putsch malien du Capitaine Sanogo, les réactions de la Communauté Internationale suite aux évènements en Centrafrique et à la déchéance de Bozizé, sont beaucoup moins véhémentes et plutôt mâtinées. En effet, tout se passe comme si Bozizé était devenu un peu « gênant » et que son départ du pouvoir est ressenti comme un soulagement.

Deux arguments viennent soutenir nos propos

1) D’une part la rapidité de la prise de la capitale et l’absence de combats majeurs, à part quelques ripostes des soldats sud-africains déployés dans le cadre du maintien de la paix. C’est d’ailleurs eux qui ont payé le plus lourd tribut… Treize militaires tués et vingt-sept blessés. Quant à l’armée régulière et la garde présidentielle, tout s’est passé comme si elles avaient déjà fait allégeance aux nouveaux occupants, sans chercher à opposer aucune résistance, ayant eu marre des tergiversations de Bozizé quant à la main salvatrice tendue à Libreville, frustrés qu’ils étaient déjà par le gaspillage des ressources de l’Etat par son régime clanique et sa gestion patrimoniale!

2) D’un autre côté, à part le Président Tchadien Idriss Déby, aucun chef d’Etat de la région n’a vraiment protesté contre la chute de Bozizé. Cela explique aussi le fait qu’il a d’abord eu bien du mal pour trouver une destination pour sa cavale, avant de trouver refuge au Cameroun, pendant que les membres de sa famille sont hébergés en République Démocratique du Congo.

Même si l’Union Européenne qualifie d’inacceptable ce coup d’Etat, on constate, malgré cette réprobation, qu’aucune sanction majeure n’a été décidée à l’encontre de la Centrafrique et du régime Djotodia, comme si, après tout, l’Europe se contentait de celui-ci, à défaut de mieux, semble-t-il pour ne pas perdre un accès privilégié aux nombreuses richesses du pays…

Nous sommes bien convaincus que, si vraiment l’Union Européenne n’acceptait pas un régime, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir (et son pouvoir est immense) pour le faire comprendre aux hommes en place, qui n’auraient d’autre choix que d’abandonner le pouvoir de leur propre initiative, quitte à paraître ridicule à la face du monde.

Et ce n’est pas le cas. Donc Michel Djotodia est soutenu à l’international, et bien soutenu… Malgré les «mises en garde amicales» de Washington qui demande le retour rapide à l’ordre et au respect de a Loi.

Une loi que le nouveau chef s’est pourtant empressé de fouler du pied…

Premières décisions du régime Djotodia, annuler la constitution et suspendre toutes les institutions ; instaurant ainsi une «dictature très très démocratique pour les trois prochaines années».

Ainsi, le nouvel homme fort de Banguy précise bien, pour que les choses soient claires quant à la suite des évènements dans le pays : «Dans trois ans nous allons organiser des élections libres et transparentes avec le concours de tout le monde… Mais, je n’ai pas dit que dans trois ans je remettrai le pouvoir.»

Voilà qui est dit ! Et on a déjà une petite idée de ce «tout le monde», puisque le principal opposant de Bozizé est maintenu à son poste, le Premier ministre Nicolas Tiangaye issu du gouvernement d’union nationale suite aux Accords de Libreville, une sorte de légitimation au nouveau régime, en lui donnant un «quitus démocratique»!

Et ce sera pareil lorsque Djotodia décidera enfin d’organiser les élections libres promises, après ses trois ans pour pouvoir «prendre sa part du gâteau centrafricain» et en ayant pris soin de se donner une légitimité constitutionnelle, grâce à des «élections très très démocratiques bien organisées», à la manière africaine. Comme l’avait fait Bozizé en son temps… Ainsi va la Centrafrique!

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