Kenya : apaiser les vieilles rancœurs!

Depuis la proclamation officielle des résultats des dernières élections présidentielles au Kenya, tous les yeux sont tournés vers ce grand pays d’Afrique. D’abord, pour le fait que le nouveau président élu, Uhuru Kenyatta, est un « client » pour la Cour Pénale Internationale.

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Ensuite, en raison des contestations de Raila Odinga, le candidat malheureux, qui fait craindre une nouvelle montée des violences, comme en 2007-2008, si rien n’est fait pour apaiser les vieilles rancœurs et permettre au pays de s’occuper sereinement des questions de développement.

Raila Odinga, l’éternel deuxième…

L’avenir politique de Raila Odinga semble bien compromis, depuis sa défaite aux dernières élections présidentielles, comme pour celles de 2007 dont nous avons encore à l’esprit les violences postélectorales.

Comme son paternel, Oginga Odinga, le fils Raila n’a point de succès dans le jeu politique kenyan. Il est donc important que nous faisions un tour dans l’histoire pour comprendre pourquoi Raila Odinga tient tellement à accéder à la magistrature suprême de son pays, un peu comme pour mettre fin à une injustice dont son paternel aurait été victime et qui perdure avec lui-même.

…En mission familiale!

En effet, le père de Raila Odinga était l’un des piliers de l’opposition au premier président du Kenya, Jomo Kenyatta. Malgré toutes ses initiatives, y compris une tentative de coup d’Etat pour lequel le fils Raila a été en prison (de 1982 à 1988), il n’a jamais réussi à atteindre son but : accéder à la Présidence ! C’est donc « une mission familiale » que le père a confiée à son héritier politique : Laver l’honneur de la famille Odinga en réussissant à devenir Président.

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Or, voilà qu’après plusieurs tentatives, Raila Odinga n’a pas encore réussi la mission, puisqu’il est resté l’éternel deuxième. C’est donc une grande frustration qui peut être source de rancœurs et générer de nouvelles violences.

Puisqu’il ne suffit que d’une étincelle pour rallumer le  brasier des violences ethniques postélectorales au Kenya, un pays réputé pour l’opposition séculaire entre les Kikuyus qui monopolisent le pouvoir depuis les indépendances, reléguant les Luos dont fait partie Raila Odinga, à un second rôle politique.

La donne ethnique… un puissant détonateur!

Il n’est plus à démontrer que, dans les pays où une forte opposition existe entre deux ethnies rivales, où cette opposition déteint considérablement sur l’issue des consultations électorales et sur la vie politique, les rancœurs issues des frustrations successives, finissent par créer un immense brasier où c’est la violence qui finit par régler les choses.

C’était le cas au Rwanda et au Burundi. Nous en avons eu un petit aperçu avec les violences postélectorales de 2007-2008, dans ce même pays, le Kenya… Alors, il est à redouter que les mêmes causes n’aboutissent aux mêmes effets. Car, en effet, à part l’intermède Arap Moi, un Kalenjin, c’est les Kikuyus qui ont toujours dirigé le Kenya, malgré le grand appétit des Luos, qui auraient voulu voir un des leurs accéder à la Présidence.

Il ne suffit que d’une étincelle, un appel au soulèvement prononcé par le malheureux candidat, Raila Odinga, dont toute ambition présidentielle semble désormais détruite, maintenant qu’il a compris à quel point les oppositions ethniques jouent en sa défaveur : « Au Kenya, tout le monde vote… mais ce n’est jamais un Luo qui gagne » ! Sauf si les choses changent en profondeur ; ce qui n’est pas encore le cas, aujourd’hui… Peut-être demain!

La démocratie dépend des démocrates qui l’animent!

C’est une vérité du jeu démocratique. Quelle que soit la force des institutions, quelle que soit la qualité des textes fondamentaux, quel que soit l’équilibre dans la répartition du pouvoir, avec l’existence de contre-pouvoir et de voies de recours, la démocratie n’est et ne sera jamais que ce que les hommes politiques en font !

Le candidat Raila a rassuré toute l’opinion publique, nationale comme internationale, de son intention de s’en tenir aux voies légales de recours pour « faire accepter sa victoire et rétablir la vérité des urnes », puisqu’il est convaincu d’avoir été le vainqueur des dernières élections présidentielles. Mais, ce n’est qu’une intention. N’ira-t-il pas plus loin, en recourant à d’autres voies plus persuasives (comme le soulèvement ethnique), lorsqu’il comprendra que ses recours n’aboutiront à rien, ou n’auront rien donné ?

Seul l’avenir nous le dira. Mais, en attendant, les vieilles rancœurs sont toujours là, le combustible n’attend que son comburant, la poudrière n’attend que son étincelle… Pour que le Kenya s’embrase à nouveau?!

La large réconciliation nationale… Un secret d’Africains!

Dans ces genres de cas, les démocrates africains ont toujours eu un certain génie (au propre comme au figuré) pour réussir à rassembler tout le monde, ramener tous les protagonistes autour de l’Arbre à Palabres, pour se partager la dépouille du Lion dont tout le monde voulait se parer… Quitte à confectionner un chéchia pour chacun, avec sa peau : C’est le partage du pouvoir, avec les gouvernements de large consensus ou de réconciliation nationale. Les dénominations sont aussi ingénieuses les unes que les autres, pour un même objectif, associer les perdants à la gestion du pouvoir gagné par un seul camp, selon « la vérité ou le mensonge des urnes »… Ainsi va l’Afrique !

C’est justement sur cette dernière voie que nous souhaitons voir le Président élu, Uhuru Kenyatta, et son rival, Raila Odinga, pour qu’ensemble les deux camps s’entendent sur une gestion commune du pays, permettant ainsi aux Luos d’obtenir une compensation ; à défaut d’avoir un Président, ils pourront se contenter d’avoir un autre maroquin, par exemple une vice-présidence ! Un lot de consolation en somme… Pourquoi pas ?!

En tout cas, cela aurait l’avantage de ne pas plonger le pays dans une nouvelle vague de violences postélectorales, comme en 2008, ou la guerre civile, comme ce fut le cas en Côte-d’Ivoire. Il vaut mieux apaiser les ardeurs pour ne pas réveiller de vieilles rancœurs…

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