«L’histoire se répétera-t-elle en Centrafrique?» Ainsi s’interrogeaient les analystes et observateurs lorsque débutait dans le pays de Bokassa, il y a quelques mois, la rébellion de Seleka qui avait, entre autres, pour principales revendications, le départ du pouvoir du Président François Bozizé.
Ces analystes et observateurs ont désormais la réponse à leur interrogation. L’histoire vient de montrer qu’elle est têtue.
Depuis hier, dimanche 24 mars 2013, selon les informations relayées par différentes agences de presse et medias, le régime Bozizé a chuté. Venu lui-même au pouvoir par l’entremise d’une rébellion en 2003, François Bozizé a été contraint par les rebelles de la Seleka, qui ont pris Bangui, de fuir le Pouvoir. Comme pour illustrer cette citation du groupe ivoirien, Espoir 2000, qui affirmait dans l’une de ses chansons, «De la manière tu viens au Pouvoir, c’est comme ça tu t’en vas, chacun à son tour». François Bozizé, devenu impuissant face à la rébellion qui a fait, en quelques jours, une entrée fulgurante dans la capitale, a fini par prendre la clé des champs. C’est la fin d’environ dix ans de règne. Les événements qui ont marqué la vie de la Centrafrique viennent donner du grain à moudre à ceux qui affirment que la prise du Pouvoir par les armes est comme un sort jeté sur la Centrafrique. L’histoire de la Centrafrique depuis son indépendance en 1960, a été marquée par des rebellions répétées avec, au finish, la prise du pouvoir par les rebelles ou leur candidat.
Histoire
Le 13 aout 1960, à l’indépendance de la Centrafrique, C’est David Dako, soutenu par l’ancienne puissance coloniale. Comme tous les premiers présidents de l’Afrique d’après les indépendances, Dako instaure un régime dictatorial, mais commet le péché de se rapprocher, dans un contexte de guerre froide, de la Chine. Cela fâche ses anciens maitres, et la France décide alors de former une autre marionnette, le chef d’Etat major de l’armée centrafricaine de l’époque, Jean Bedel Bokassa. En 1965, Bokassa prend le pouvoir par coup d’Etat. Son règne dura quatorze ans. Il commet lui aussi la même erreur que son prédécesseur en se rapprochant de Kadhafi, l’un des ennemis de ses maitres français. En 1979, David Dako reprend le pouvoir, encore avec l’aide de la France.
De Dako à Bozizé, c’est la saga des mutineries et des rebellions. En septembre 1981, le général André Kolingba, profitant d’une période d’agitation sociale, contraint David Dako à lui remettre le pouvoir et instaure un régime militaire. Kolingba s’en ira tel qu’il est venu.
En 1993, des mutins contraignent Kolingba à organiser des élections. Ange-Félix Patassé est élu Président de la République.
Patassé sera à son tour renversé le 15 mars 2003 par son ancien chef d’état-major, le général François Bozizé. Après des élections plusieurs fois reportées pour des problèmes d’organisation, le général Bozizé est élu Président de la République au second tour, le 8 mai 2005. Et réélu en 2011.
Bozizé s’en ira lui aussi par la force des armes. La médiation de la Cemac qui a débouché sur les accords politiques de Brazzaville, n’ont pu arrêter le cours des évènements. La rébellion de la Seleka (Alliance en langue sango) a finit par avoir raison du régime Bozizé.
Quand la turpitude tue
Quant on suit de près la succession au Pouvoir en Centrafrique, deux raisons majeures expliquent l’incursion des hommes en uniforme dans le jeu politique. Les deux premiers régimes ont été renversés, en partie, parce qu’ils n’ont pas fait le jeu de la France et ont instauré un système dictatorial.
Mais de Kolingba à Bozizé, d’autres erreurs de gouvernance se sont ajoutées avec notamment la gestion patrimoniale du pouvoir. Et curieusement, Bozizé a repris ces mêmes erreurs qu’il avait en son temps reprochées à son prédécesseur, Ange-Félix Patassé.
Mais avec la prise du pouvoir par la Séléka en Centrafrique, l’on se rend compte qu’en Afrique, on n’a pas, après cinquante ans d’indépendance, fini avec la présence des treillis, des bruits de bottes et des crépitements des kalachnikovs dans le jeu politique. Il y a tout juste un an qu’au Mali la junte menée par le Capitaine Sanogo a renversé le président démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré. Un putsch condamné, comme d’habitude, par la communauté internationale. Il y a aussi un an que les armes faisaient parler d’elles en Côte-d’Ivoire, avec la crise postélectorale qui a conduit à la chute du régime Gbagbo. A peine a-t-on fini de parler de l’an un de ces deux situations, que l’armée fait encore une entrée fracassante dans le jeu du pouvoir. Sur le continent, l’armée s’illustre, selon le cas, soit en pourfendeur de la démocratie, soit en catalyseur de la démocratie (Niger en 2009). Et, à ce propos, les années se succèdent en Afrique et se ressemblent. Mais quel que soit le cas, la place de l’armée se trouve dans les casernes. On se demande avec indignation, quand la prise du pouvoir par les armes va prendre fin en Afrique. Pour qu’on ait une année sans coup d’Etat, ni rébellion sur le continent.
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