Désignation des membres de la prochaine Cour constitutionnelle : le round décisif avant la présidentielle de 2016

Peut-on gagner une élection présidentielle au Bénin sans avoir le soutien de la Cour Constitutionnelle ? Depuis la toute dernière, le rôle, subtil mais éminemment majeur, joué par cette juridiction dans la conservation du pouvoir par Boni Yayi, amène maints observateurs,  politiques et citoyens, à reconsidérer son importance. Pour eux, le contrôle de cette juridiction qui sera renouvelé en juin prochain, sera de toute évidence, le round décisif pour la victoire à l’élection présidentielle de 2016.

Publicité

Est-il possible de gagner une élection présidentielle au Bénin sans avoir la main mise sur la Cour Constitutionnelle ?  A cette question, beaucoup de citoyens et d’hommes politiques béninois ne répondent  plus par l’affirmative. Depuis la dernière élection présidentielle, bon nombre parmi eux ont révisé leur position et compris une fois pour de bon, que cette juridiction, bien que n’organisant pas l’élection, mais n’en proclame que les résultats et en gère le contentieux, reste une institution qui joue un rôle prépondérant dans la victoire à cette élection.

Ils sont de plus en plus convaincus que, si c’est le vote de la majorité du corps électoral qui permet de gagner le pouvoir d’Etat, c’est la Cour Constitutionnelle qui en  balise le chemin. On l’a vu trop actif et très « politique » en 2011. C’est elle qui a presqu’imposé la Lépi comme liste électorale, fermant les yeux sur les nombreuses irrégularités et impairs qui ont émaillé tout le processus. C’est encore elle qui imposa au bureau de l’Assemblée Nationale de désigner, à la place des députés qui trainaient les pas, les membres des structures décentralisées de la Cena. C’est aussi elle qui a cassé tous les recours qui attaquaient les failles du processus électoral en cours, demandaient l’annulation  du processus et des résultats. On se rappelle qu’en 2008, la désignation des membres de cette Cour avait essuyé une vive contestation de la part d’hommes politiques de l’opposition. En effet, selon l’article 115, alinéa 1er de la constitution du 11 décembre 1990, « La Cour Constitutionnelle est composée de sept membres dont quatre sont nommés par le Bureau de l’Assemblée Nationale et trois par le Président de la République, pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Aucun membre de la Cour Constitutionnelle ne peut siéger plus de dix ans ».

A cette époque donc, des députés de l’opposition ont dénoncé le fait que les quatre noms de l’Assemblée Nationale ont été envoyés par le Chef de l’Etat. Le député Saka Fikara, alors premier questeur et membre de ce bureau, avait fustigé publiquement la manière dont ces choix ont été faits. « Le Président Nago nous a présentés un jour au cours d’une réunion,  une liste envoyée par le Chef de l’Etat au nom du bureau de l’Assemblée Nationale ».

Un rappel. A cette époque, le bureau de l’Assemblée Nationale n’était composé que des Fcbe et de ses apparentés. La crise naissait à peine, mais le G13 ne s’était pas totalement affranchi de la tutelle des Fcbe. En résumé, les sept membres de la Cour constitutionnelle actuelle ont été, en réalité, nommés par le Président de la République. Ceci permet de donner une explication à la suite des actions menées par cette cour et de la posture qui est la sienne depuis son installation.

Publicité

Crash en vue

Mais en Juin prochain, les choses se passeront sûrement autrement. Mathurin Nago, le Président de l’Assemblée Nationale, a l’ambition de briguer la magistrature suprême. Il cherchera aussi à contrôler cette Cour en y envoyant ses « proches ». Yayi n’aura donc pas les coudées franches pour imposer au bureau les quatre personnes que l’Assemblée Nationale doit désigner.

Une rude bataille risque d’être engagée entre les deux premières personnalités au sommet de l’Etat. Celle-ci aurait déjà commencé autour du nom de l’actuel Président e la Cour Constitutionnelle, Robert Dossou, qui pourrait ne plus bénéficier, à nouveau, de la confiance du Chef de l’Etat, alors qu’il a toujours été dans la grande estime du Président Nago. D’autres personnes comme Théodore Holo, pourraient lui ravir la vedette. Yayi qui, constitutionnellement ne sera plus candidat, cherchera toutefois à sauver ses arrières en travaillant pour un candidat qui pourra mieux sauvegarder ses intérêts, une fois qu’il ne sera plus au pouvoir.

Et selon des confidences, Yayi n’a pas encore porté son choix sur un candidat. Et à ce sujet, ces proches ne manquent pas de dire qu’il créera la surprise. Déjà, le Président de l’Assemblée Nationale, quant à lui, ménage sa monture et peaufine en sourdine sa stratégie pour imposer les siens au détriment de ceux qui auront la confiance du Chef de l’Etat. Seulement, la tâche ne lui sera pas facile. Dans ce bureau, en effet, la majorité des membres sont des « yayistes » purs et durs. C’est le cas de Djibril Débourou, de Justin Sagui et, dans une moindre mesure, d’André Okounlola Biaou. Egalement membre du bureau, Claudine Prudencio acquise jusque là pour la cause de Pascal Irénée Koupaki, cherchera à nommer un membre de l’Udbn. Idem pour Boniface Yèhouétomè qui devrait toujours rouler pour son Président, Lehady Soglo, et cherchera à nommer un membre de la Rb parmi les quatre.

Dans tous les cas, la désignation des quatre membres de la Cour Constitutionnelle par le bureau de l’Assemblée Nationale, devrait donner lieu à une rude bataille qui sera un avant-goût de la présidentielle de 2016. Et malheur à ces présidentiables qui n’auront pas leur mot à dire dans ces tractations au sommet de l’Etat.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité