Devoir de transparence

Martial Sounton. C’est le ministre béninois de la Réforme administrative et institutionnelle. L’homme, sans crier gare, commence à faire des vagues. Il entend opérer une rupture radicale au sein d’une administration pourrie par la politisation, le favoritisme et les passe-droits.

Publicité

Les hauts cadres de son département seront désormais recrutés par appel à candidature. Finies les cooptations au parfum frelaté de régionalisme. Stop à la magouille et au piston.

L’intention est aussi belle, aussi courageuse que l’initiative qui la sous-tend. Le scandale des recrutements, dans l’administration publique notamment, ne scandalise plus personne. C’est un peu comme avec le vaccin : à force de s’inoculer le mal, on finit par en être préservé. Nous sommes sur un terrain vague. Ici, une tradition enracinée de la triche aide à se passer les divers postes à pourvoir comme on se passe la balle au basket-ball. Tout dépend de la position du porteur du ballon, sur fond d’un rapport de forces déterminé. Vous êtes dans la bonne position pour marquer un bon point : mettre un neveu sur orbite, propulser la petite amie à un poste juteux.

Voilà l’univers pitoyable sur lequel Martial Sounton prend désormais pied, la vertu à la main, la morale et l’éthique en bandoulière. Il a déjà recruté deux de ses directeurs par avis d’appel à candidature : le directeur des Programmes de Réforme administrative et le directeur des Programmes de Réforme institutionnelle. C’est, à présent,   au tour du directeur de l’Informatique et de Pré-Archivage et du directeur de la Programmation et de la Prospective.

La volonté de transparence du ministre est manifeste. Nous connaissons nos tares et nos faiblesses. On ne nous apprendra rien de nos pesanteurs sociologiques, rien de nos inclinations politiciennes. Que de copains et de coquins, sans qualification et sans mérite, encombrent les espaces sensibles de la gouvernance et de la décision. Que d’examens bidon dans notre administration. Les résultats sont connus à l’avance. Des candidats sont admis avant d’être examinés. Une mascarade du plus mauvais goût. Aucun pays ne peut ainsi fonctionner sans   courir le risque de s’anéantir lui-même. C’est en vain qu’une poule couve des œufs pourris.

Publicité

Le ministre Martial Sounton, en prenant les choses par un autre bout, secoue le cocotier de nos mauvaises habitudes consolidées. Il inscrit le devoir de transparence au cœur de la gouvernance. Il entend faire battre en retraite la politisation à outrance dans l’administration. Il invite à une posture vertueuse, mus que nous devons être par l’idéal du service. C’est bien, Monsieur le ministre. Mais on pourrait faire mieux. Sans préjudice de ce que vous avez déjà fait, de ce que vous continuerez de faire. Risquons quelques éléments complémentaires.

Premièrement.  Pourquoi, sur un gouvernement de 28 membres, Martial Sounton soit le seul à s’illustrer comme un oiseau rare dans un ciel gris ? Pourquoi joue-t-il en solo la partition de la bonne gouvernance qui devrait être la vertu la mieux partagée par tous ? Est-il en mission d’expérimentation? Veut-il apparaître comme un îlot de vertu au milieu d’un océan infesté de requins ? Pour faire court, pourquoi les nouvelles règles en vigueur au ministère de la Réforme administrative et institutionnelle ne seraient-elles pas les mêmes partout et pour tous ?

Deuxièmement. Gardons-nous de perdre, lors de l’examen des dossiers de candidature, tout ce que nous aurons gagné à la phase de l’appel à candidature. Il suffirait, pour rester dans l’axe de la bonne gouvernance, de faire en sorte que la commission chargée d’examiner les dossiers de candidatures soit, autant que possible, indépendante et internationale. Des cabinets qui remplissent ces conditions existent. Trouvons-les. Tant que nous n’auront pas satisfait à une telle exigence, il restera encore à faire, donc tout sera encore à faire, à refaire ou à parfaire.

Troisièmement. Ceux qui justifieraient des meilleurs dossiers n’auront pas, pour autant, carte blanche pour faire ou pour ne pas faire ce qu’ils doivent. Ils recevront une lettre de mission. Celle-ci définira les tâches, précisera les délais, indiquera une démarche, proposera une méthode. Les contrôles seront réguliers et de rigueur.  Que dire de plus ? La gouvernance a un prix. La gouvernance a du prix.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité