Les dérives du football africain

Il faut décomplexer le football africain. L'extérieur pèse encore d'un poids trop lourd sur son avenir. L'essentiel de ses intérêts ne sont pas en Afrique. Pour dire que, en dépit des apparences, le destin de ce football se joue encore hors d'Afrique, loin d'Afrique, parfois sans l'Afrique, si ce n'est contre l'Afrique.

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Trois exemples pour l'illustrer. Connaissez-vous un équipementier africain ? Qui se charge de fournir les équipes d'Afrique en survêtements, maillots, shorts, chaussures, chaussettes et autres accessoires ? Le marché de l'équipement de nos équipes de football, toutes catégories confondues, pèse plusieurs milliards de nos francs. L'Afrique s'est exclue de ce marché. Une poignée d'Africains limitent leur appétit aux miettes du festin et au-dessous de tables occultes. Pour comble d'ironie, c'est l'Afrique sous-développée, perfusée à coup d'aide extérieure qui engraisse les multinationales de l'équipement. Telle est la vérité.

Nationalisme en panne. Patriotisme en berne. Voilà le triste tableau de nos démissions, chaque fois que nous manquons de   positionner favorablement l'Afrique. Notre pouvoir de décision ne profite bien souvent qu'aux autres. N'allez surtout pas croire que nous le faisons par souci de transparence, ou de bonne gouvernance. La vérité est ailleurs. Nous ne consommons pas les choses de chez nous. Nous ne consommons pas ce que nous produisons nous-mêmes. Nous n'avons d'yeux que pour l'étranger. Nous sommes encore bloqués par un lourd handicap mental. Nous croyons que la qualité est un privilège réservé aux autres. Nous avons tôt fait d'établir une relation de cause à effet entre notre sous-développement et nos productions. Tant que persistera un tel complexe d'infériorité, aucun équipementier africain, ou déclaré tel, ne s'aventurera sur un marché piégé à l'avance.

Le second terrain sur lequel nous traînons un lourd complexe se situe au niveau de la direction de nos différentes sélections nationales. Pourquoi la plupart de nos équipes nationales, sont-elles en des mains d'entraîneurs expatriés ? Que faisons-nous alors de nos propres cadres dûment formés et qui ne demandent qu'à servir ? Ils se retrouvent sous-employés ou sans travail dans leur propre pays. Qu'ont-ils à envier aux autres ? Avec eux, ils ont été formés dans les mêmes institutions : même cursus, même diplômes.  A l'arrivée, nous leur préférons les autres auxquels nous consentons des salaires astronomiques, assortis de mirobolants avantages. La mesure est comble quand nous les consacrons   "Sorciers blancs".  "A beau mentir, dit le proverbe, qui vient de loin".

Le football contemporain, nous le concédons, est une affaire de gros sous. Et sur le marché international du coaching, la concurrence est hyper serrée. N'empêche que l'Afrique doit se décider enfin à promouvoir l'Afrique, en donnant une chance à ceux de ses entraîneurs qui ont le savoir et le savoir faire nécessaires.  Redevenons les sorciers de nos équipes nationales. Oublions aux vestiaires tout complexe d'infériorité. Engageons-nous dans une politique délibérée de promotion de l'Afrique par les Africains eux-mêmes. Il faut commencer par avoir confiance en nous-mêmes, pour être en mesure de faire confiance à nos propres cadres. Personne ne respectera un continent qui abdique toutes ses responsabilités et remet en des mains étrangères les leviers de son football.

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Le troisième terrain de nos dérives est à lier aux impératifs d'un monde qui se globalise. L'Afrique tarde à en prendre la juste mesure. Dans un contexte où l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, nous nous comportons encore comme des ouvriers de la onzième heure. Nous restons des consommateurs passifs des productions des autres. Les demi-finales des coupes d'Europe ont été vécues, la semaine dernière, dans la plupart des villes africaines, comme un événement sportif national. Les différentes équipes européennes en compétition ont fait leur plein de supporters africains. On se serait cru à Barcelone ou à Munich. Au coup de sifflet final, les humeurs des uns, les propos et les attitudes des autres en disaient long sur notre dépendance des modèles extérieurs. Ce n'est pas innocent.  L'Afrique joue au football, certes. Mais l'extérieur continue de se jouer de l'Afrique.

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