Qu’est ce qu’un raté ? Le dictionnaire répond : la difficulté ou l’impossibilité d’amener un processus à son terme. Soit qu’on ait présumé de ses forces. On est alors vite interpellé par son laxisme, rattrapé par son laisser-aller.
Soit c’est la préparation qui est en cause. On n’a pas pu se hisser à la hauteur des exigences de l’entreprise engagée. Soit c’est la rigueur qui a fait défaut. Etudes insuffisantes ou approximatives. Prévisions et projections mal maîtrisées. Navigation à vue…
Les raisons qui expliquent ces ratés sont plurielles. Mais les conséquences entrainées, dans tous les cas de figures, sont du même ordre de gravité. C’est une cible qui est ratée. C’est un rendez-vous qui est manqué. C’est une opportunité qui est détournée. C’est un espoir qui est grillé. Les ratés, dans tout ce que nous entreprenons, sont autant de trous dans nos projets d’avenir. Ils sont à comptabiliser comme des facteurs d’arriération et de retard. Quelques exemples pour nous en convaincre.
La Liste électorale permanente informatisée (Lépi) est un raté. Elle était, au départ, un outil appelé à aider les Béninois à faire l’accord sur leurs désaccords. Mais, à l’arrivée, elle se révèle le plus grand commun diviseur des Béninois. Avant la Lépi, ceux-ci s’entendaient pour voler et pour frauder. Avec la Lépi, chacun s’assoie sur les droits des autres et attend que Dieu le pousse, lui tout seul, vers les verts pâturages.
Le calendrier électoral pour le renouvellement des instances locales est un raté. Maires, chefs d’arrondissement et de quartiers, conseillers municipaux, la loi vous autorise à jouer les prolongations sans fin à vos postes respectifs. Nous nous sommes pressés lentement sur le chemin de l’organisation des élections locales. Résultat des courses, l’Assemblée nationale se substitue au peuple souverain. L’ancien, dépouillé de toute légitimité, continue de nous gouverner. Nous sommes au pays du relativisme et c’est le provisoire qui fait loi.
Le dossier des examens et concours au ministère de la Fonction publique est un raté. Aucune conclusion n’a été tirée des faits plutôt graves rapportés. Ils n’ont été ni confirmés ni infirmés. Le non lieu parfait, aboutissant à un non événement complet. Circulez, y a rien à voir ! Et l’on se prend à se demander dans quel pays sommes-nous et où allons-nous ? On a certainement compté sur la capacité d’oubli, d’amnésie de la majorité d’entre nous. Un os frais servi à un chien lui fait oublier le précédent. Et le silence finira par tomber sur l’affaire comme tombe le rideau, sur une pièce de théâtre.
L’essence frelatée, le «payo» le bien nommé, est un raté. En effet, nous avons promis et juré, prenant à témoin les mânes de nos ancêtres, qu’il ne sera bientôt qu’un souvenir. Pour ce bientôt qui dure, nous avons mobilisé les forces de la répression. Mais jamais nous n’avons fait le rappel des forces de la réflexion. De valeureux compatriotes, fort de leur savoir et de leur expérience, nous ont esquissé des plans de sortie du cercle infernal du «payo». Il ne sera jamais tard de bien faire. Qu’il nous suffise, rattrapant nos retards de lecture, de reprendre leurs différentes propositions, d’y réfléchir et surtout d’agir, de passer à l’action.
Dans une certaine mesure, la turbine à gaz de Maria Gletta destinée à nous soulager d’une dépendance énergétique devenue un fardeau, est un raté. L’unité n’a jamais fonctionné. Le délestage ne s’est pas atténué. Loin de desserrer son étau, il étouffe de plus bel les Béninois et leurs diverses réalisations. Et en l’absence d’une communication qui explique, rassure et convainc, nous avons tôt fait, nous-mêmes, de tirer Dame rumeur de son sommeil. Elle a, depuis, du grain à moudre.
Les nouvelles industries agroalimentaires que nous venons d’installer à Kpomassè et à Allada pour la transformation de la tomate et de l’ananas, ne sont pas loin d’être estampillées «ratés». Nous attendions d’elles des produits finis. Mais la matière première nécessaire pour donner corps à cette belle ambition fait défaut. Avons-nous fait des études préalables ? Avons-nous une idée claire de notre destination ? Ratons nos cibles, si tel était notre bon plaisir. Mais ne ratons plus les bonnes occasions de nous poser de bonnes questions, pour de bonnes réponses.